Comme beaucoup de Bordelais, Ludovic Greffier a fait une récolte abondante en 2016. À la tête de Château Moulin de Launay (74 ha dans l'Entre-Deux-Mers), il a produit 3 800 hl l'an dernier - que des blancs - contre 2 000 en 2015. À ce jour, il n'en a vendu que 2 000 hl (cols et vrac). « Je suis inquiet », lâche-t-il. Alors, il se démène : « J'essaie d'être plus présent et plus dynamique auprès du négoce. »
De fait, il s'est rendu chez cinq négociants pour leur faire déguster ses vins. Objectif ? Créer des liens pour qu'on se rappelle de lui. « Ma propriété, ce n'est pas que des échantillons. Je veux expliquer la qualité de mes vins, les assemblages (45 % sémillon, 45 % sauvignon, 10 % muscadelle). Le jour où le négoce aura des marchés de blancs, il pensera davantage à moi. »
C'est ainsi qu'il a décroché un marché de 15 000 bouteilles auprès d'une compagnie aérienne grâce à un négociant. Il réfléchit aussi à se grouper avec deux autres viticulteurs, l'un spécialisé dans les rouges, l'autre dans les rosés, pour présenter une gamme complète de vins.
À Lugaignac, David Siozard ne se dit pas inquiet. Il produit des bordeaux et des graves : « La qualité du millésime nous rassure. » Pour doper ses ventes, il s'affaire en permanence sur les marchés. En mars, il était en Chine, le mois précédent, aux États-Unis.
Même son de cloche aux Vignobles Ducourt (450 ha, 70 % à l'export), à Ladaux. « On enchaîne les salons. On parcourt le monde », souligne Jonathan Ducourt. Pour se démarquer, il travaille des vins « en dehors des clous ». C'est ainsi qu'il vend un blanc limé (100 000 cols) à l'export.
Toute la filière bordelaise s'active pour vendre davantage. L'an dernier, Bordeaux a récolté 5,8 millions d'hectolitres, toutes AOC confondues. C'est la plus forte récolte depuis dix ans. Mais la région n'en a vendu que 4,7 millions. L'interprofession estime que les ventes doivent progresser de 8 à 10 % cette année pour maintenir l'équilibre des marchés. Pierre Vieillefosse, directeur des achats de la maison de négoce Yvon Mau, pointe le danger : « Si la prochaine récolte est abondante, les stocks pèseront sur les cours qui dès lors baisseront. » Une véritable menace.