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Les coops s'emparent du bail cessible

AUDE LUTUN - La vigne - n°296 - avril 2017 - page 76

Deux coopératives du Var viennent de signer les premiers baux cessibles en coopération. Ce type de contrat leur permet d'aider des jeunes à s'installer tout en s'assurant qu'ils leur livreront bien leur récolte.
À GONFARON, LE 30 MARS, a eu lieu la signature du premier bail cessible par deux coopératives du Var. © FÉDÉRATION DES CAVES COOPÉRATIVES DU VAR

À GONFARON, LE 30 MARS, a eu lieu la signature du premier bail cessible par deux coopératives du Var. © FÉDÉRATION DES CAVES COOPÉRATIVES DU VAR

La loi du 5 janvier 2006 a créé le bail cessible hors cadre familial qui autorise la cession dans ce contexte d'une exploitation louée. Avant la création de ce bail, la cession ne pouvait être réalisée qu'au profit du conjoint ou d'un descendant. Plus de dix ans après son lancement, les notaires constatent que le bail cessible est très peu usité.

Plusieurs raisons expliquent le faible engouement des professionnels. La première est que les nouveaux baux ont souvent besoin de temps pour être connus et pour s'installer. La deuxième raison est que la signature d'un bail en dehors du cadre familial n'intervient pas très souvent.

Des atouts pour la viticulture

Le bail cessible présente toutefois des atouts et des spécificités que la coopération viticole a souhaité utiliser. C'est ainsi que les deux premiers baux cessibles en coopérative ont été signés à Gonfaron, le 30 mars dernier, lors de l'assemblée générale de la Fédération des caves coopératives du Var.

Le Cellier de Gaspard, à Besse-sur-Issole, et le Cellier des Trois Pignes, à Pignans, ont chacun signé un bail cessible pour des terres leur appartenant au profit de jeunes coopérateurs en phase d'installation. La première coop loue 7 ha, la seconde 3,5 ha. Toutes deux ont choisi la formule du bail cessible car elle garantit que le locataire leur apportera bien la récolte tout au long du bail. Celui-ci leur offre en effet deux leviers : la majoration et le pas-de-porte.

Dans le cadre d'un bail cessible, il est possible de majorer de 50 % le montant du fermage par rapport aux montants indiqués dans les arrêtés préfectoraux. « L'objectif est d'inciter les propriétaires à louer leurs terres, précise Me Jean-Pierre Haubre, notaire retraité à Cotignac, dans le Var, et membre de l'Inere (Institut notarial de l'espace rural et de l'environnement). Les propriétaires estiment souvent les fermages trop bas. »

Ni le Cellier de Gaspard ni le Cellier des Trois Pignes n'ont utilisé cette possibilité. Mais tous deux ont inscrit une clause dans le contrat stipulant qu'ils augmenteraient le montant du fermage si le locataire quittait la coopérative, avec effet rétroactif.

Une majoration importante

Prenons l'exemple d'un fermage de neuf ans qui vaut 100. Pour le bail cessible, comme pour tous les baux de dix-huit ans, on peut appliquer une majoration allant jusqu'à 30 % sur le montant du fermage qui peut ainsi être porté à 130. Les statuts du bail cessible permettent ensuite de majorer ce montant de 50 %, ce qui porte le loyer à 195 (130 x 150 %). Dans le cas des deux coopératives du Var, le loyer initial n'a pas été majoré. En cas de départ de leurs adhérents locataires, elles pourront seulement augmenter le loyer de 50 %.

Le pas-de-porte dans le contrat

La loi du 25 juillet 2010 a de plus autorisé l'introduction du pas-de-porte dans le contrat pour renforcer l'attractivité de ce bail. « L'idée était de s'inspirer de ce qui se passe dans le commerce, souligne Me Haubre. Pour calculer le montant du pas-de-porte, nous sommes partis du prix de l'hectare en pleine propriété duquel nous avons soustrait le montant de la majoration (50 %) du fermage.» Dans le cas du Cellier des Trois Pignes, la valeur du bien loué correspond à 80 704 €. La majoration du fermage s'élevant à 24 192 €, le pas-de-porte vaut 55 792 €. Le bail stipule que tant que le fermier restera coopérateur, cette somme ne sera pas demandée. Mais que, dans le cas contraire, elle deviendrait immédiatement exigible.

Les coopératives ont pris une dernière garantie pour conserver la maîtrise des terres : elles ont introduit une convention de pacte de préférence dans le bail qui leur donnera la priorité pour la reprise en cas de cession.

« La durée d'engagement en cave coopérative ne coïncide pas avec la durée des fermages, observe Renaud de Montbron, responsable juridique à la CCVF. En effet, elle se raisonne généralement par périodes de cinq ans, alors que les baux ruraux sont signés pour neuf ou dix-huit ans. Si une coopérative signe un bail classique avec un associé coopérateur et que celui-ci la quitte au bout de cinq ans, il pourra rester fermier sans être coopérateur. Elle n'aura aucun moyen de l'en empêcher. On s'éloigne alors de l'objet social de la coopérative. Ce bail est un outil intéressant pour maintenir la capacité de production des coopératives. »

BERNARD FILISETTI, PRÉSIDENT DU CELLIER DES TROIS PIGNES (VAR) « C'est un outil attractif pour les jeunes »

« Notre coopérative comprend 53 adhérents qui cultivent 250 ha de vignes dont 90 % sont en AOP Côtes-de-Provence et 10 % en IGP Maures. Nous avons acheté 3,5 ha d'AOP il y a deux ans à un ancien adhérent, par le biais de la Safer, pour les donner en location à un jeune. C'est une manière de rendre notre coopérative attractive car il est difficile pour les jeunes de trouver des vignes à louer. Nous avons signé le 30 mars un bail cessible de dix-huit ans avec un viticulteur en phase d'installation. Deux jeunes étaient partants pour louer ces vignes et c'est la Safer qui a choisi le candidat. Elle a opté pour celui qui n'était pas double-actif. C'est préférable pour le conseil d'administration de ne pas à avoir à faire le choix. Notre objectif est que le preneur achète la parcelle dans les dix ans pour que la coopérative puisse acquérir une autre parcelle et renouveler l'opération. »

MATHIEU QUENIN, 21 ANS, VITICULTEUR, SIGNATAIRE DU BAIL DU CELLIER DE GASPARD (VAR) « Une bonne opération pour tous »

« Je viens de signer un bail de 7 ha, dont 50 % en AOP Côtes de Provence, avec ma coopérative. Je vais pouvoir m'installer sur ces vignes. Le montant de mon fermage n'est pas majoré, mais les modalités du bail stipulent qu'il pourra l'être si je quitte la coopérative. Il en est de même pour le pas-de-porte. C'est logique que la coopérative prenne des garanties. C'est une bonne opération pour tout le monde. Ce bail me permet de m'installer et la coopérative conserve 7 ha d'approvisionnement. À terme, j'aimerais pouvoir racheter ces terres. »

Un bail avec plusieurs particularités

Bien que soumis au statut du fermage, le bail cessible comporte quelques spécificités :

- Sa durée minimale est de dix-huit ans, alors que les baux classiques peuvent être signés pour une période minimale de neuf ans.

- Au terme des 18 ans, le bailleur peut mettre fin au bail sous réserve de délivrer son congé dix mois avant l'échéance, sans avoir à motiver sa décision mais en indemnisant le fermier.

- La cession du bail ne nécessite pas l'autorisation du bailleur. Seule obligation pour le preneur : il doit notifier la cession par lettre recommandée avec accusé de réception, précisant l'identité du nouveau preneur et la date de cession.

- Le propriétaire peut réclamer un pas-de-porte, dont les modalités de calcul doivent être mentionnées dans le bail.

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