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Week-end portes ouvertes à la cave de Charnay-lès-Mâcon Patrick Rivet : « Goûtez donc ce vin, ce n'est que du plaisir ! »

CÉDRIC MICHELIN - La vigne - n°297 - mai 2017 - page 53

LA CAVE DE CHARNAY-LÈS-MÂCON implique ses adhérents dans la réussite de ses portes ouvertes. Patrick Rivet est ainsi passé maître dans l'accueil des visiteurs. Le voici à l'oeuvre.
PATRICK RIVET (à droite), adhérent de la cave de Charnay-lès-Mâcon, accueille les visiteurs sur son stand lors des journées portes ouvertes de la coopérative. ©  C. MICHELIN

PATRICK RIVET (à droite), adhérent de la cave de Charnay-lès-Mâcon, accueille les visiteurs sur son stand lors des journées portes ouvertes de la coopérative. © C. MICHELIN

LE PARCOURS comprend six haltes tenues par des adhérents de la cave, dont celle de Pratrick Rivet. ©  C. MICHELIN

LE PARCOURS comprend six haltes tenues par des adhérents de la cave, dont celle de Pratrick Rivet. © C. MICHELIN

LE CAVEAU de Charnay-lès-Mâcon. ©  C. MICHELIN

LE CAVEAU de Charnay-lès-Mâcon. © C. MICHELIN

PATRICK RIVET (à gauche) est passé maître dans l'art oratoire pour vanter les vins et séduire les visiteurs à qui il fait découvrir trois blancs produits par la coopérative.  ©  C. MICHELIN

PATRICK RIVET (à gauche) est passé maître dans l'art oratoire pour vanter les vins et séduire les visiteurs à qui il fait découvrir trois blancs produits par la coopérative. © C. MICHELIN

BIEN AFFICHÉES ET ANNONCÉES via la presse, les portes ouvertes de la cave ont attiré  de nombreux visiteurs qui finissent leur parcours par la boutique. ©  C. MICHELIN

BIEN AFFICHÉES ET ANNONCÉES via la presse, les portes ouvertes de la cave ont attiré de nombreux visiteurs qui finissent leur parcours par la boutique. © C. MICHELIN

 ©  C. MICHELIN

© C. MICHELIN

« Lui, je l'ai souvent le chambré avec l'OM ! » ; « Lui, c'est un de mes anciens vendangeurs » ; « Lui, il est parti à Cuba »... Patrick Rivet connaît nombre de clients de la cave de Charnay-lès-Mâcon (3,85 millions d'euros de chiffre d'affaires, 133 ha, 50 adhérents), en Saône-et-Loire. Beaucoup sont en effet des habitués ou des voisins. Avec son sens du contact et l'intérêt qu'il porte aux autres, le viticulteur a fini par apprendre un peu sur eux. Il nous les présente en ce dimanche de portes ouvertes de sa coopérative. « Les gens sont venus pour boire ou pour te voir », le taquine Jérôme Chevalier, un collègue.

Les vins qu'il doit faire déguster deviennent presque un sujet secondaire. L'essentiel, c'est d'entretenir les liens. Avec ses amis et connaissances, Patrick Rivet parle de tout et de rien. Avec les inconnus, c'est une autre affaire. il tient son rôle, affichant une fière allure dans sa chemise brodée au nom et au slogan de la cave : « Les Orfèvres du vin ».

Trois amis arrivent dans la cuverie depuis la boutique. Ils sont à contresens du parcours imaginé par la cave. Le viticulteur le leur signale. « Si vous voulez déguster, commencez dans le sens de la visite », leur demande-t-il gentiment.

Les amis s'exécutent et se rendent à l'entrée du cuvage où un viticulteur va leur faire déguster les trois premiers vins blancs de la gamme Tradition : un bourgogne aligoté et deux mâcons. À l'arrêt suivant, ce sera un viré-clessé, un saint-véran et un pouilly-fuissé. À la troisième halte, ils pourront goûter les deux premiers vins de la gamme Prestige : des saint-vérans. Enfin, Patrick leur présentera deux saint-vérans et un pouilly-fuissé, également de la gamme Prestige. Puis ce sera au tour des rouges.

En tout, le parcours de dégustation comprend six haltes dédiées aux vins tranquilles, auxquelles s'ajoute le bar à crémants. Chaque halte est tenue par un coopérateur, debout ou assis derrière un tonneau, qui propose deux ou trois vins à la dégustation aux visiteurs. En fin de parcours, ces derniers sortiront par la boutique, les coopérateurs n'étant pas chargés de la vente.

Patrick sait qu'aujourd'hui la clientèle sera différente de la veille. Les portes ouvertes durent un week-end. Cette année, c'était les 25 et 26 mars. « Le samedi, les gens savent ce qu'ils veulent. Ils vont directement au magasin pour profiter de nos remises. Le dimanche, ils viennent pour goûter nos vins. »

Le premier coup de feu a eu lieu juste avant midi. Puis le flot de visiteurs s'est tari. Le voilà qui reprend de plus belle en ce début d'après-midi ensoleillé. La cave est située à côté de la Voie Verte, une ancienne ligne ferroviaire réaménagée en parcours touristique pour les piétons et vélos. Profitant de ce flux de promeneurs, elle accueille ainsi en deux jours un millier de visiteurs.

Une dame arrive qui souhaite déguster. Patrick lui propose son premier vin : le saint-véran cuvée « Le Grand Clos » 2015. « Il est légèrement passé en fût, environ 5 % », indique-t-il, laissant la cliente se faire son opinion. Sans afficher de réaction, celle-ci tend son verre pour goûter la suite : le saint-véran vieilles vignes 2015. « Celui-ci, c'est le mien », glisse Patrick, en montrant l'inscription « Domaine Rivet » sur l'étiquette. Elle ne s'attendait visiblement pas à cela d'une coopérative. L'image des raisins mélangés est toujours tenace, même en Bourgogne. Mais la cave de Charnay vinifie séparément les blancs de Patrick Rivet et la récolte d'un autre domaine. « Ce saint-véran est issu de mes vignes à Chasselas, enchaîne Patrick, heureux d'avoir piqué la curiosité de son interlocutrice. Elles ont entre 75 et 80 ans. Le goût est profond. C'est un élevage, moitié bois, moitié cuve. Le caviste a bien travaillé. »

Revenant de promenade, un couple s'approche avec une petite fille. Pendant que le papa déguste, Patrick demande à la jeune maman comment s'appelle sa fille. « Jade. » Puis, s'adressant au père d'un ton blagueur alors qu'il se prépare à servir la mère : « Voulez-vous que je la baptise ? » « Moi, je veux bien », répond une autre cliente. La bonne humeur, c'est communicatif.

À un visiteur se présentant pour goûter le saint-véran vieilles vignes, Patrick explique derechef que ce vin est issu de ses vignes âgées de plus de 70 ans et ajoute que « la vendange est réalisée entièrement à la main. Je suis le seul de la cave à faire ainsi. C'est pour ça qu'il y a mon nom sur la cuvée ».

Alerte et empathique, le viticulteur capte très vite les signes envoyés par ses interlocuteurs et en tient compte pour adapter son discours se montrant tour à tour blagueur, charmeur... Les groupes défilent. Tous dégustent, mais pas Patrick. « Je ne sais pas cracher », explique-t-il souvent.

Le pouilly-fuissé est l'appellation la plus demandée. Mais le vigneron ne s'en laisse pas compter. Il invite tout le monde à déguster en premier lieu les saint-vérans.

Une dame élégante demande à tout goûter. Quand il sert son saint-véran, Patrick glisse sur un ton chaleureux : « Mes vieilles vignes, je les bichonne quotidiennement. C'est que du plaisir », comme une métaphore spécialement dédiée à son interlocutrice. Le monsieur âgé qui l'accompagne s'inquiète : « Trois verres, cela va faire beaucoup. » Patrick le rassure : « Je ne vous en mets pas beaucoup et vous pouvez recracher. »

Le caviste, le maître de chai et le directeur de la coopérative viennent régulièrement voir s'ils doivent prendre le relais des coopérateurs afin qu'ils soufflent un peu. Patrick ne semble pas fatigué, bien au contraire. Son attention reste en éveil. Des amis, voisins et collègues passent dans le chai. Il part les saluer en gardant un oeil sur son tonneau. Dès que des visiteurs s'en approchent, il y retourne.

« Si j'étais vous, je goûterais car ce sont deux saint-vérans différents », assure-t-il en s'adressant à un jeune homme. Celui-ci s'approche discrètement : « Je ne connais pas trop la région, ni les appellations. » Patrick le rassure et lui explique avec des gestes la géographie de l'appellation. Il lui parle de son travail et de celui du caviste en montrant les foudres et les cuves derrière lui.

Encore indécis, le jeune homme consulte les tarifs juste à côté du viticulteur. Le saint-véran « Le Grand Clos » est à 9,10 €/col, le saint-véran Domaine Rivet « vieilles vignes » à 9,90 € et le pouilly-fuissé 2015 Domaine Rivet à 15,30 €. Lors de ces portes ouvertes, le public bénéficie de 10 % de remise sur la gamme Prestige et de 15 % sur la gamme Tradition. Patrick laisse le visiteur réfléchir tranquillement.

Un couple de vignerons arrive. Ils sont du Beaujolais, en cave particulière. Ils hument le premier vin puis l'analysent en bouche par rétro-olfaction. Idem pour le second vin. Les échanges sont plus techniques. Patrick devient plus sérieux. « On sent le vanillé du bois, léger au nez, et un boisé légèrement grillé en bouche », s'accordent-ils à dire du saint-véran vieilles vignes.

Patrick précise qu'il est entré à la coopérative de Charnay en 2010. Auparavant, il était en cave particulière. Mais, à la suite d'un contrôle, il aurait dû mettre son cuvage aux normes et n'a pas voulu obtempérer. « Un mur affichait toutes mes récompenses pour la qualité de mes vins, mais ils n'ont rien voulu entendre... », s'émeut-il encore aujourd'hui, sans vouloir en dire plus. Puis d'ajouter qu'en cave particulière, il ne vendait qu'en Bib et qu'il a la satisfaction de voir désormais ses vins mis en bouteille. Pour finir, le vigneron lui donne sa carte, en signe d'invitation.

Il est 17 heures, le flux de touristes se tarit. « Ici, je n'ai pas d'eau. Mais dans le vin, il y a 80 % d'eau », lance notre coopérateur à des marcheurs pour les attirer. Puis vient un homme visiblement un peu éméché, accompagné d'une amie. « Pas de sortie de route », déclare Patrick à ce dernier en refusant de le servir. « Je peux vous chiper une goutte de pouilly-fuissé ? », lui demande son amie. « C'est si bien demandé » qu'il la sert.

À deux femmes indécises qui lui réclament son avis, Patrick n'hésite pas à désigner son saint-véran vieilles vignes comme son vin préféré, même si le pouilly-fuissé est plus réputé. Elles le remercient d'avoir tranché pour elles et se dirigent d'un pas décidé vers la boutique.

À quelques mètres de là, c'est l'effervescence d'une fin de week-end réussi. Des Caddie remplis de cartons passent en caisse. Les caissières demandent leur code postal à tous les clients pour le suivi. La coopérative a envoyé 13 000 invitations. Elle a aussi fait de la publicité en Saône-et-Loire et dans les départements limitrophes « jusqu'à Lyon », à 75 km au sud de Charnay, par voie de presse et de radio. Elle veut estimer les retours.

« Nous avons pas mal de nouveaux clients, environ 10 % », se réjouit Maryline Vandaele, la responsable du caveau. Ce dimanche, les paniers d'achat ont tourné en moyenne autour de 150 à 200 €. La veille, les gros clients sont revenus, comme chaque année, pour des commandes groupées représentant jusqu'à plusieurs milliers d'euros. Des habitués séduits autant par le rapport qualité-prix des vins que par la bonne l'ambiance.

UNE ATTITUDE POSITIVE POUR ACCUEILLIR

Patrick ne parle pas beaucoup des vins. Il ne cherche pas à étaler son savoir. Il se met au niveau de ses interlocuteurs pour échanger simplement avec eux. Il s'intéresse à ce qu'ils ressentent lorsqu'ils dégustent pour trouver ce qui leur plaît.

Il utilise l'humour, avec finesse pour les dames et avec malice pour les messieurs. Il a une attention et un mot pour tous.

De son côté, la cave prépare les portes ouvertes bien à l'avance, avec les coopérateurs et les salariés. Elle ne leur demande pas d'être des experts en dégustation, mais de se montrer accueillants et souriants avec le public.

Le parcours de la visite est bien organisé. Il débute par une offre de produits du terroir à l'extérieur de la cave, se poursuit avec une dégustation des vins blancs, puis des rouges et s'achève dans la boutique.

UNE PRÉPARATION MINUTIEUSE DE L'ÉVÉNEMENT

La cave prépare avec soin ses portes ouvertes. La responsable du caveau, Maryline Vandaele, implique « tout le conseil d'administration et tous les salariés dans la réussite de l'opération ». Une semaine avant l'événement, avec le maître de chai Michaël Da Fre et l'oenologue Éric Michaud, elle organise une soirée de dégustation pour « briefer » adhérents et salariés et définir « un discours cohérent ». « Pour chaque vin, nous cherchons à associer trois mots clés qui les décrivent clairement, sans recourir à un grand laïus », insiste-t-elle. Quant à l'accueil, elle demande à tous « de sourire ».

La cave invite aussi des agriculteurs et des artisans des métiers de bouche à exposer sous un chapiteau devant ses locaux. Là, ses clients peuvent se restaurer à table ou acheter des fromages, des chocolats et autres produits alimentaires. Plusieurs mois avant les portes ouvertes, Maryline Vandaele réunit ces exposants pour caler leurs horaires de présence, comprendre leurs besoins en termes d'emplacement, d'espace, etc., et discuter des accords mets et vins. Grâce à ces longs préparatifs, il règne une bonne ambiance durant les deux jours de l'événement, chacun sachant ce qu'il a à faire.

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