« Nos clients veulent diminuer les résidus de produits phyto dans leurs vins », constate Elsa Ramondou, responsable du pôle conseils et services d'Inovitis. Depuis cette année, cette filiale vigne du groupe coopératif Maïsadour répond à leur demande. « Durant l'hiver, nous revoyons avec eux leur programme de l'année précédente. Nous pointons les matières actives qui se retrouvent le plus fréquemment dans les vins et nous leur proposons des alternatives, en nous appuyant sur nos essais », précise-t-elle.
Durant trois ans, Inovitis a appliqué différents programmes sur de petites parcelles avec des partenaires certifiés « Bonnes pratiques expérimentales ». À l'issue de ces travaux, ce distributeur sait à quoi s'en tenir. « Certaines matières actives se retrouvent systématiquement dans les vins, d'autres jamais », observe Stéphane Giry-Laterrière, qui a mené ces expérimentations.
Pour d'autres substances, la situation est encore différente : leur présence dépend de la date d'application. « L'amétoctradine (antimildiou), par exemple, ne se retrouve pas dans les vins si elle a été appliquée au stade boutons floraux séparés, alors qu'après la nouaison, elle est généralement présente quel que soit le nombre d'applications », note l'expert.
Il en va de même pour l'indoxacarbe (insecticide). Dans les essais d'Inovitis, cette matière active appliquée fin juin sur la deuxième génération de tordeuses laisse quelques traces dans les moûts, mais pas dans les vins. Un mois plus tard, tout change. Appliquée fin juillet sur cicadelles vertes ou encore début août sur la troisième génération de tordeuses, elle se retrouve à chaque fois dans les vins.
La prestation d'Inovitis comprend l'établissement d'un programme ainsi que des visites régulières tout au long de la saison pour l'adapter lorsqu'il est nécessaire de maintenir une bonne protection. « Pour une douzaine d'hectares, par exemple, le coût débute à 500 € et varie en fonction du nombre de visites », détaille Elsa Ramondou. Le distributeur ne s'engage pas sur un niveau de diminution des résidus, mais uniquement sur des conseils pour choisir les matières actives.
Basé à Mérignac, en Gironde, le laboratoire Excell avance des chiffres. « Pour une même molécule, le taux de transfert entre les raisins et le vin dépend de plusieurs facteurs. Selon les produits employés, les dates d'application et les méthodes de vinification, la diminution des résidus peut ainsi aller de 50 à 100 % », souligne Stéphane Boutou, responsable technique de ce laboratoire spécialisé dans l'analyse des vins.
En complément des analyses de résidus, Excell propose sa prestation PhytoDiagnostiC de conseil dans le choix des matières actives pour un coût de 700 €/an. « Nous nous appuyons sur des références bibliographiques et sur l'expérience que nous accumulons depuis trois ans en mettant en parallèle les programmes de traitements que nous transmettent nos clients et les résidus retrouvés », précise Stéphane Boutou.
Le réseau Consultants viticoles constitue aussi depuis trois ans une base de données en collectant des analyses de résidus. Un savoir qu'il met au service de domaines bordelais. « Nous proposons à nos clients de décrypter leurs résultats d'analyse pour voir ensemble ce qui peut être amélioré. Mais ils ont déjà fourni des efforts. Le plus souvent, seules trois à quatre matières actives subsistent par vin », constate Richard Vanrenterghem, l'un des conseillers.
Parmi celles-ci, il y a surtout des antibotrytis et quelques antimildious. « Nos clients utilisent déjà beaucoup de produits de contact à base de cuivre ou de métiram contre le mildiou, ainsi que des phosphonates. Mais, en 2016, cela n'a pas suffi, il a fallu ressortir des produits plus curatifs. Nous avons choisi ceux qui passent le moins dans les vins », relate-t-il.
Contre le botrytis, il préconise en premier lieu la prévention en travaillant sur l'équilibre entre la vigueur et l'aération de la végétation. En cas de fortes attaques, les antibotrytis restent néanmoins nécessaires. « Pour en retrouver moins dans les vins, nous avons testé en 2016 des traitements localisés sur les zones les plus vigoureuses à l'intérieur d'une même parcelle, en utilisant le GreenSeeker. Nous n'avons pas encore les analyses, mais cela devrait contribuer à diluer les résidus. »
Le Point de vue de
SACHA SOKOLOFF, DIRECTEUR TECHNIQUE DU CHÂTEAU DALEM, À SAILLANS, EN GIRONDE
« Nous misons sur les produits de contact »
« Dans un premier temps, nous avons mieux raisonné les traitements sur nos 28 ha, avec l'appui de Richard Vanrenterghem, de RVS Consultants viticoles. Nous avons adopté la confusion sexuelle contre les vers de la grappe sur 80 % de la surface et supprimé les antibotrytis à la fleur en misant sur des effeuillages plus précoces. En 2013, nous avons aussi décidé d'arrêter les produits CMR. Pour le millésime 2014, nous avons fait analyser nos vins afin de voir l'effet de tous ces changements sur leur teneur en résidus. La quasi-totalité des matières actives retrouvées le sont à des doses inférieures à 1 % de la limite maximale de résidus. Cela nous a rassurés. Pour aller plus loin, en 2015, nous avons fait 60 % des traitements avec du cuivre ou du soufre. En 2016, par contre, la pression du mildiou a été très forte. Nous avons dû revenir à des produits plus rémanents mais qui ne laissent pas de résidus, pour assurer la protection jusqu'à la nouaison. Cette année, nous allons tester les produits à base de Cos-Oga. Nous avons aussi investi dans un pulvérisateur à jet porté plus précis en vue de diminuer les doses de cuivre et d'en retrouver moins dans les vins. Contre le botrytis, nous continuerons à tester le bicarbonate de potassium en fin de saison. »
Le Point de vue de
« Diminuer les résidus dans les vins, nous y serons obligés tôt ou tard. Je préfère prendre les devants. C'est pourquoi je me rapproche du bio tout en conservant la possibilité de traiter avec d'autres produits quand cela est nécessaire. Cette année, j'ai souscrit à la prestation proposée par Inovitis. Nous avons établi ensemble un nouveau programme cet hiver. Contre le mildiou, je vais supprimer les produits systémiques que l'on retrouve dans les vins et privilégier le cuivre associé à des phosphonates de potassium. Pour lutter contre l'oïdium, je mise sur le soufre. Comme ce sont des produits de contact, il faudra renouveler les applications en fonction de la pluviométrie et de la pousse. Pour limiter le botrytis, je cherche avant tout à bien équilibrer la vigueur de mes vignes, en modulant l'enherbement et la fertilisation. Depuis plusieurs années, cela me permet de ne faire qu'un seul traitement lors de la chute des capuchons floraux, ce qui se révèle suffisant pour protéger l'état sanitaire de la vigne. Enfin, pour les vers de la grappe, étant isolé sur une petite surface, il m'est difficile de mettre en place une lutte par confusion sexuelle. Je prévois ainsi d'essayer l'application d'argile. »