Pour Daniel Causse, expert-comptable à Cerfrance en Haute-Loire, il y a deux grands axes à suivre après un grave aléa climatique. Le premier, dans le court terme, c'est parer à l'urgence. Le second, c'est anticiper au mieux un prochain aléa.
Pour commencer, il faut estimer la baisse du revenu, tâche ardue car elle dépend du rendement qui dépend lui-même de la floraison et de la météorologie estivale. Une fois cette évaluation effectuée, et si l'entreprise ne peut pas assumer cette baisse, elle doit rencontrer son ou ses banquier(s) pour mettre en place un prêt à court terme, faire une pause dans le remboursement d'un prêt modulable ou opter pour une autre solution (voir l'avis d'expert).
« Il faut montrer aux banques, à la MSA et aux impôts que votre situation est accidentelle, mais qu'en année normale, votre exploitation dégage des résultats, conseille Daniel Causse. N'hésitez pas à négocier un délai de paiement auprès de la MSA et un échelonnement des impôts. » Il est également possible de demander la prime d'activité, d'opter pour l'assiette N-1 pour la MSA, etc.
Une fois ces décisions prises, Daniel Causse conseille de se projeter dans l'avenir. Il faut envisager la sortie de crise et penser à une stratégie pour vivre au mieux le prochain accident climatique. Ceci suppose d'établir un plan prévisionnel de trésorerie sur l'année, voire sur plusieurs campagnes, de connaître ses coûts de production, etc.
Daniel Causse préconise de raisonner par la méthode des flux plutôt qu'avec le résultat comptable. Ce dernier sert à calculer les impôts et la MSA, mais n'exprime pas la rentabilité de l'entreprise, ni sa capacité à générer de l'argent. La méthode des flux consiste à mesurer, de manière périodique, l'écart entre les recettes et les dépenses mensuelles. Elle rend très vite compte d'une éventuelle dégradation ou d'une embellie de sa situation financière, et en évalue les conséquences. Une entreprise dégageant des bénéfices peut alors arbitrer judicieusement entre investissement et épargne.
Conseillers et banquiers incitent les exploitants à constituer une épargne de précaution dès que la trésorerie le permet. L'idéal serait d'avoir une épargne correspondant à 75 % des besoins annuels privés du viticulteur. Or, les exploitants ont parfois préféré l'achat de matériel à l'épargne.
« Les marchands de matériel savent créer le besoin, note Daniel Causse. Or, il faut mesurer l'intérêt d'un achat car il vient diminuer la capacité d'épargne. Les entreprises qui génèrent les meilleurs résultats ne sont pas forcément les mieux équipées. Se grouper pour acheter du matériel peut être une solution. Mais il ne faut pas se suréquiper sous prétexte d'acheter en commun. Est-il intéressant d'acheter un gros tracteur à trois ou quatre si on garde le tracteur précédent ? » Les conseillers de gestion préconisent aussi de s'assurer, les pertes de récoltes n'étant plus prises en charge par le dispositif des calamités agricoles. Enfin, l'une des dernières pistes à explorer est de voir si la main-d'oeuvre est optimisée. L'annualisation du temps de travail peut être un moyen de gagner en efficacité.
Le Point de vue de
FRÉDÉRIC DELORE, RESPONSABLE DU MARCHÉ AGRICOLE ET VITICOLE AU CRÉDIT AGRICOLE DE CHAMPAGNE-BOURGOGNE
« Contactez-nous le plus rapidement possible »
« Je conseille aux vignerons touchés par le gel de venir nous voir le plus tôt possible. C'est important pour la confiance, et plus on anticipe, plus le panel d'outils est large. Pour ceux qui ont gelé pour la première fois, un prêt à court terme à taux bonifié peut combler la baisse de revenu. Pour ceux impactés depuis plusieurs années par les aléas climatiques, faire une pause de remboursement dans leur prêt modulable peut être une solution. Nous proposons ces derniers depuis 2009. Ils représentent actuellement 80 % de nos prêts. Ils permettent de suspendre le remboursement sans pénalité et de le reporter d'une année en fin de tableau ou sur l'ensemble des années restantes. Pour les exploitants les plus touchés, il est également envisageable de consolider et de réorganiser leurs prêts dans le temps. Nous constatons aussi que les amortisseurs de risques que sont la dotation pour aléas climatiques (DPA) et l'assurance récolte ont prouvé leur efficacité. C'est une combinaison de plusieurs solutions qui permet de passer les caps difficiles. »