L'évaluation du risque chimique est une obligation pour les chefs d'entreprise. Elle fait partie du document unique d'évaluation des risques. Mais beaucoup de petites entreprises l'oublient. « Elles remplissent leur document unique. Mais comme l'évaluation du risque chimique nécessite une méthodologie particulière, elle n'est pas réalisée », note Jean-Christophe Garnier, conseiller national en prévention des risques professionnels à la Caisse centrale de la MSA (CCMSA).
Pour aider les chefs d'entreprise à remplir leur obligation, l'INRS a développé le logiciel Seirich (Système d'évaluation et d'information sur les risques chimiques en milieu professionnel). La MSA a rejoint le projet pour y intégrer les spécificités agricoles. Fonctionnant uniquement sous Windows, cet outil est téléchargeable gratuitement sur le site www.seirich.fr. Il évalue le risque chimique pour la santé, l'environnement, les incendies et les explosions.
L'application débute par un quiz. Selon le résultat obtenu, le logiciel recommande le niveau d'utilisation le mieux adapté à l'entreprise : « 1 » pour les néophytes, « 2 » pour les initiés et « 3 » pour les experts. « Le niveau 1 est particulièrement adapté aux petites entreprises. Il consiste en une évaluation simplifiée du risque », précise Jean-Christophe Garnier.
Cette évaluation démarre par l'inventaire de tous les produits chimiques stockés dans l'exploitation et dont l'étiquette présente un pictogramme de danger. « Pour effectuer cet inventaire, plusieurs possibilités s'offrent à l'utilisateur. Celui-ci peut photographier les étiquettes avec son portable. Le logiciel traite alors les images et en extrait toutes les mentions de danger. De même, le logiciel peut traiter les fiches de données de sécurité. Pour cela, il faut les télécharger. Il peut également importer un inventaire existant. Dernière solution : saisir toutes les données manuellement. Mais c'est long et fastidieux », explique le conseiller.
Outre les produits chimiques achetés, le logiciel prend en compte ceux émis dans les entreprises : le CO2 dégagé au cours des vinifications, les gaz d'échappement, les vapeurs d'essence ou de diesel, les fumées de soudage. Là, l'opération est plus simple : il suffit de cocher les icônes correspondant à ces gaz et vapeurs.
Une fois l'inventaire terminé, le logiciel édite un tableau de bord qui récapitule le nombre total de produits chimiques employés dans l'entreprise dont celui des produits classés CMR (cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques). Il dénombre aussi les agents chimiques émis et les agents chimiques CMR. À côté de ce tableau de synthèse, le logiciel fait un rappel des informations réglementaires. S'il a repéré des produits CMR, il indique qu'il est interdit d'y exposer les femmes enceintes.
Dans le deuxième volet du bilan, l'utilisateur découvre les produits et les agents chimiques les plus dangereux pour sa santé, pour l'environnement et par rapport au risque d'incendie. Ces produits apparaissent en rouge, les moins dangereux en vert, et les intermédiaires en orange. Par exemple, les vapeurs de diesel figurent en rouge selon les trois critères.
Dernier volet : les points forts (bonne ventilation des locaux) et les points faibles de l'entreprise (les produits dangereux pour la santé ne sont pas confinés).
Pour finir, le logiciel établit un plan d'actions en indiquant celles qui sont prioritaires. Ceux qui utilisent des produits classés CMR sont invités à les remplacer par d'autres. Ceux qui oublient d'éliminer les produits qui ne servent plus sont rappelés à l'ordre. « L'idée est de se concentrer sur les produits les plus à risque pour les substituer et d'améliorer les conditions de travail sur les exploitations », conclut le conseiller.
Une évaluation soutenue par la MSA
La réduction du risque chimique est une priorité du plan Santé et Sécurité au travail 2016-2020 de la MSA. À ce titre, les produits CMR sont dans son collimateur. La MSA note que « 10 % des salariés agricoles sont exposés à des produits cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques (CMR), qui se composent essentiellement des gaz d'échappement diesel, des huiles minérales entières, des poussières de bois et de la silice cristalline ». Pour aider les exploitations à évaluer le risque chimique, elle s'appuie sur l'outil Seirich. « L'idée est de sensibiliser un maximum de personnes lors des salons, formations, visites d'entreprises ou encore visites médicales », explique Jean-Christophe Garnier, conseiller national à la prévention des risques professionnels de la Caisse centrale de la MSA. La MSA propose aussi un accompagnement aux entreprises viticoles qui souhaitent mettre en place cette évaluation. « La viticulture fait partie des filières prioritaires que nous avons retenues. Si un domaine nous sollicite, nous l'aiderons à utiliser Seirich dans la mesure de nos moyens. Les premiers arrivés seront les premiers servis », assure-t-il.
Le Point de vue de
FRÉDÉRIC ET CAROLE ROBARAUD, VITICULTEURS À SAINT-SIMEUX, EN CHARENTE, 26 HA DE VIGNES EN PRODUCTION
« Nous allons éliminer en priorité les produits classés CMR »
« Quand on parle du risque chimique, on pense avant tout aux produits phytosanitaires. Mais il n'y a pas que ça. Il faut prendre en compte tous les autres produits : les peintures, le carburant, les huiles de vidange, les baguettes de soudure, le dégraissant que l'on met dans le Kärcher, les désinfectants que l'on utilise pour nettoyer le matériel lors des vendanges, les levures... Il faut également inclure les agents chimiques émis : le CO2, les poussières de ciment, les vapeurs de GNR dégagées lorsqu'on fait le plein des tracteurs... Le logiciel Seirich nous a fait prendre conscience de tout cela. Il faut tout inventorier et tout enregistrer dans le logiciel. C'est assez fastidieux. Il faut aimer l'informatique et avoir du temps. Une fois l'opération terminée, le logiciel établit le risque pour la santé, l'environnement et les incendies pour chaque produit. Puis il propose un plan d'action. Dans notre domaine, nous allons en priorité éliminer les produits CMR. Pour les traitements de la vigne, nous n'en utilisions plus, excepté pour le désherbage pour lequel nous passions encore un peu de Basta. Nous l'appliquions en août quand il y avait des repousses d'adventices. À cette période, le glyphosate n'est pas efficace car il fait chaud et il y a un risque de phytotoxicité pour la vigne. Cette année, nous allons essayer de nous en passer. 40 % de notre vignoble est en désherbage mécanique intégral. Nous allons tenter de descendre à 95 % pour cette campagne. Dans l'atelier, nous allons ranger tous les produits chimiques (hors phytos) dans un seul endroit fermé à clé. Comme nous rénovons notre chai, nous allons installer des extracteurs d'air et des détecteurs de CO2 afin de limiter le risque. Bref, cette évaluation permet de savoir où l'on se situe par rapport au risque chimique. »