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À LA VIGNE - JUIN

Quatre mois après le gel

La vigne - n°299 - juillet 2017 - page 8

La Vigne suit la campagne de trois viticulteurs sévèrement touchés par le gel en avril. Le mois dernier, ils nous ont fait part de leur désarroi. Ce mois-ci, ils font le point sur leurs perspectives de récolte.

Le Point de vue de

Jean-Claude Blanc, 20 ha, à Gignac, dans l'Hérault

« Une année désolante »

« Cette année sera décidément désolante. Après le gel de printemps qui a totalement raclé 3 ha de vigne et un plantier de 1 ha, un orage de grêle s'est abattu sur mon vignoble dans la soirée du 28 juin. 4 à 5 ha ont été touchés, dont une partie des vignes qui avait gelé. Je n'ai pas encore d'estimations précises des dégâts. Le phénomène a été très localisé. Tout n'est pas dévasté, mais sur les parcelles qui n'ont pas gelé, il y a des impacts sur les raisins. Il y aura forcément des conséquences sur le volume de ma récolte. J'attends les experts qui doivent venir dans la semaine. Sur les vignes gelées, j'ai continué à travailler comme sur les autres parcelles en réalisant le même programme de traitement antimildiou et anti-oïdium afin de préserver les bois pour l'année prochaine. Début juillet, nous approchions du stade fermeture de la grappe dans les parcelles non gelées. Dans les autres, quelques petits grapillons ont fleuri mi-juin, mais ils arriveront à maturité beaucoup trop tard et ne pourront donc pas remplacer les raisins perdus. Sur le plantier, des ceps sont morts à la suite du gel. Je dois faire un point mi-juillet avec mon pépiniériste pour commander les remplaçants. Je m'attends à une baisse de 30 % du volume de la récolte. Cette prévision pourrait encore baisser en cas de sécheresse estivale comme l'an dernier. Au niveau commercial, je commence à réfléchir à des cuvées de substitution pour maintenir une offre auprès de mes clients. En blanc, je ne pourrai pas fournir mon assemblage gewurztraminer-viognier, puisque ma parcelle de gewurztraminer ne produira rien. J'envisage de proposer un assemblage avec mes autres cépages : sauvignon, muscat et carignan blanc. En rouge, ce sera moins problématique. Aucun des cépages n'a complètement gelé. Je vais donc réduire le volume de merlot que je livre à la coopérative pour m'assurer de mon volume en bouteille. Je réfléchis également à des assemblages différents avec du cabernet-sauvignon. Depuis que j'ai gelé, les ventes de mon assemblage gewurztraminer-viognier se sont accélérées. Mon stock s'est fortement réduit. Il ne finira pas l'été. »

Le Point de vue de

Jérôme Boutinon, Château Hostin le Roc, 20 ha, à Saint-Quentin-de-Baron (Gironde)

« Un peu de récolte dans les vignes entièrement gelées »

En avril, un peu plus de la moitié de mes vignes ont entièrement gelées. Je pensais que je ne récolterais rien sur ces parcelles. Finalement, il y aura tout de même un peu de récolte, entre 10 et 15 hl/ha. Ces vignes ont fleuri durant la canicule, vers le 19 et 20 juin. J'ai eu peur qu'il y ait de la coulure. Mais la floraison s'est bien passée. Aujourd'hui [3 juillet, NDLR], ces grappes de deuxième génération sont à un stade entre grains de plomb et petits pois alors que dans les vignes non gelées, elles sont au stade fermeture. Il y a un mois d'écart entre ces deux situations. Nous avons commencé à réfléchir aux vendanges avec notre laboratoire. Nous avons fait le tour du domaine pour estimer le pourcentage de grappes de première et de deuxième générations dans chaque parcelle et regrouper les parcelles selon ce critère. Nous récoltons à la machine. Cela nous aidera à trouver le bon compromis pour déterminer la date de récolte entre les raisins qui seront un peu trop mûrs et ceux qui ne le seront pas assez. Un vigneron qui a connu le gel de 1991 m'a affirmé que les écarts allaient se réduire. Dans les vignes gelées, les grappes vont mûrir plus vite. Au moment des vendanges, vers le 25 septembre pour les rouges, elles ne devraient plus avoir qu'une quinzaine de jours de retard. Ça devrait aller. Côté travaux, nous sommes en plein relevage. Nous sommes quatre pour le faire. Ce travail s'avère plus long et compliqué dans les vignes gelées. Des branches ont beaucoup poussé et tombent dans le rang alors que d'autres sont encore petites. On attend le plus longtemps possible pour avoir un maximum de pousses qui passent dans les fils releveurs. On ne fait qu'un seul relevage alors qu'on en fait deux habituellement. Malgré cela, il reste plein de petites branches qui ne sont pas prises dans les fils et qui retombent. On n'y reviendra pas à la main. C'est la rogneuse qui finira le travail. Nous n'avons dégagé aucune économie sur les frais de culture. Je ne vois pas comment nous pourrions en faire. Nous avons réalisé les mêmes travaux et traitements partout. Nous nous préparons à faire le sixième traitement antimildiou et oïdium. Le vignoble est sain. »

Le Point de vue de

Didier Avenet, 8,5 ha, à Saint-Martin-le-Beau, en Indre-et-Loire

« Le moral est revenu »

« Actuellement, on ne voit plus la différence entre les vignes gelées et celles qui ne le sont pas. Elles ont toutes poussé de manière incroyable après la période caniculaire que nous avons subie. J'ai donc dû arrêter l'épamprage pour terminer le palissage, en commençant par les vignes non gelées. Comme des parcelles sont partiellement gelées, j'ai parfois dû repasser une troisième fois dans les zones touchées pour faire passer les pousses entre les fils qui étaient déjà en place et ajouter des crochets entre les piquets pour resserrer la végétation. Cette semaine [le 3 juillet, NDLR], je peux enfin souffler un peu. J'ai commencé à effeuiller. J'en profite pour terminer d'épamprer. Habituellement, je le fais au printemps quand les pousses sont encore tendres. Cette fois, je dois le faire au sécateur car elles sont plus dures. Mais avec les conditions sèches actuelles, on n'a pas de plaies de taille qui pourraient favoriser les maladies du bois. La semaine dernière, il est tombé 35 mm de pluie. La vigne n'était pas encore en stress hydrique, néanmoins cette averse lui a fait du bien. Dans les vignes non gelées, les baies ont doublé de volume. D'habitude, elles ont cette taille autour du 14 juillet. Le moral est donc revenu. Je pensais avoir perdu 30 % de ma récolte. Finalement, ce ne sera peut-être que 20 %. C'est tant mieux pour la coopérative que je fournis. D'autant plus que nous ne pourrons peut-être pas acheter de jus à Limoux comme prévu, car il a grêlé sur ce secteur. Mais je sais qu'il existe toujours un risque d'orage et de grêle. Même si nous sommes équipés d'un système de lutte dans le département, cela ne protège le vignoble qu'à 50 %. Nous devrions attaquer les vendanges autour du 10 septembre. J'ignore comment je vais m'organiser. Au sein d'une même parcelle, il y a un écart de maturité de deux semaines entre les parties gelées ou non. Je vais peut-être devoir vendanger certaines parcelles à la main alors qu'habituellement je vendange à la machine. Côté phytosanitaire, nous sommes dans de très bonnes conditions. Il y a eu quelques foyers de mildiou, mais cela reste insignifiant. Nous avons passé les risques d'oïdium et de mildiou, reste le risque de black-rot qui persiste. »

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