LE NOUVEAU CAVEAU de Champagne Louis Casters, à Damery, dans la Marne, a été conçu sur mesure par Viniréa pour accueillir plusieurs groupes en même temps. © J.-C. GUTNER
CHAMPAGNE YANNICK PRÉVOTEAU, à Damery, a fait appel à Viniréa pour la conception de son nouveau caveau aux lignes sobres et épurées. © J.-C. GUTNER
« Il faut proposer des plages horaires suffisantes et les respecter. Si un contretemps vous oblige à fermer, laissez un message à l'entrée. » Christian Vital, chargé d'oenotourisme à InterLoire. © INTERLOIRE
« Personnalisez votre caveau en racontant l'histoire de votre domaine en images ou à travers des objets anciens » Thibaut Ducoin, gérant de Viniréa. © J.-C. GUTNER
Les chiffres de FranceAgriMer l'attestent et les professionnels du secteur le confirment : vignerons et coopératives ne cessent de créer ou de rénover des caveaux. À partir de 2013, ils ont pu bénéficier de l'aide à l'investissement pour la création de nouvelles boutiques. Depuis cette date, 950 caveaux de vente ont été créés avec cette subvention, soit 10 % des dossiers d'aide à l'investissement, le montant moyen des chantiers s'élevant à 86 100 €.
Mais le mouvement était déjà lancé. Inter Rhône et InterLoire, deux interprofessions qui ont de longue date misé sur l'oenotourisme, constatent que la création ou la rénovation de caveaux existants est très en vogue depuis une dizaine d'années et qu'elle s'accompagne d'une professionnalisation de l'accueil.
En Champagne, Thibaut Ducoin, dont la société Viniréa s'est spécialisée dans la rénovation de caveaux, observe une montée en puissance des investissements depuis quatre à cinq ans. « La génération qui prend la relève ne veut plus recevoir chez elle comme le faisaient ses parents. Les projets de caveaux se multiplient et le montant des investissements également. On a commencé avec des salles de dégustation de 10 000 à 15 000 €. Le dernier chantier clé en main que nous venons de livrer s'élève à 400 000 €. » Pour rentabiliser de tels investissements et pour améliorer l'accueil, voici les conseils de cinq professionnels.
Définissez une stratégie de vente directe
L'ouverture d'un lieu de dégustation et de vente doit s'inscrire dans une stratégie de vente directe, recommande Emmanuelle Rouzet, consultante en marketing de vente. « Il ne suffit pas d'ouvrir un magasin pour qu'il fonctionne. Il faut prévoir une formation à l'accueil et à la vente du vigneron ou du personnel, des actions commerciales pour attirer et fidéliser les clients, comme des journées portes ouvertes, et des mailings réguliers en cours d'année. Il faut aller à la rencontre des prescripteurs du tourisme, afin de faire connaître votre boutique, et établir des partenariats avec plusieurs restaurateurs. »
Jessica Debieve, en charge de l'oenotourisme à Inter Rhône, est du même avis. Pour elle, un caveau de vente ne doit pas être une activité accessoire. Il ne s'agit pas de viser uniquement un complément de revenu. Une boutique ne fonctionnera que si elle devient un circuit de vente à part entière, en conformité avec la stratégie de l'entreprise.
Affichez vos horaires d'ouverture
Les horaires d'ouverture sont un point crucial pour le succès d'un caveau. « Les clients comprennent qu'un lieu de vente ne soit pas ouvert tous les dimanches. Mais il faut proposer des plages horaires suffisantes et, surtout, les respecter. Si un contretemps vous oblige à fermer votre caveau inopinément, le minimum, c'est de laisser un message à l'entrée pour informer les clients », conseille Christian Vital, d'InterLoire.
« Éviter les horaires qui rappellent ceux de l'administration, ce n'est pas cohérent avec l'image de la vente directe. L'idéal est d'avoir la plus grande plage horaire possible et de s'adapter à la clientèle. Ouvrir entre midi et deux est toujours apprécié des clients, tout comme le dimanche quand les autres magasins sont fermés. En revanche, il est inutile d'ouvrir très tôt le matin. Et en période estivale, il est intéressant de rester ouvert jusqu'à 20 heures », suggère Emmanuelle Rouzet. Quoi qu'il en soit, les horaires doivent être clairement affichés et visibles, même quand le caveau est fermé. C'est une obligation réglementaire.
Aménagez votre caveau à votre image
« Il n'y a pas de recette applicable à tous. Un caveau doit refléter la personnalité du producteur et de ses vins. C'est un élément de communication tout comme les étiquettes, la plaquette ou le site internet. Dans l'idéal, l'ensemble de ces outils doivent répondre à une même charte graphique », assure David Desperrier, gérant de la société éponyme basée dans le Beaujolais et spécialisée dans l'agencement de magasins. Ce professionnel démarre tout chantier par un long entretien avec le producteur au cours duquel il cerne ses besoins et son tempérament pour lui proposer un projet adapté.
De même, les professionnels soulignent l'intérêt d'un storytelling (ou récit) bien mis en valeur dans le caveau. « Raconter l'histoire du domaine en images ou à travers des objets anciens, c'est un moyen de personnaliser le caveau. Cela répond aux besoins de cette clientèle qui achète sur un lieu de production pour trouver de l'authenticité », affirme Thibault Ducoin.
« La création d'un caveau peut être l'occasion d'une évolution de l'image du domaine, quand, par exemple, les enfants succèdent à leurs parents et qu'ils veulent le moderniser », ajoute Alexandra Storath, architecte d'intérieur de la société Ducoin.
Disposez vos vins dans les lieux les plus propices
« Il existe trois points chauds dans une boutique. Ce sont les endroits où les yeux du visiteur se fixent quand il entre. Ces trois points doivent être réservés à la présentation des vins, et principalement ceux qu'on veut mettre en avant. Le premier est en face de la porte d'entrée, les deux autres sont à 45° de ce point, de part et d'autre de l'entrée. En aménageant ces trois lieux, on peut faire progresser les ventes de 25 à 30 % », soutient Emmanuelle Rouzet.
À l'inverse, il existe une zone « glaciale » - à 90° à droite de la porte d'entrée - où l'on peut installer le vestiaire ou le coin enfants. La caisse doit être la moins visible possible au premier coup d'oeil. L'idéal est de l'installer en fin de circuit - si vous avez suffisamment d'espace - et à gauche de la porte d'entrée, les clients ayant une tendance naturelle à se diriger vers la droite lorsqu'ils pénètrent dans une boutique. Enfin, juste après la porte d'entrée, il faut laisser un « espace de non-agression » d'au moins 1 m, vide de tout aménagement.
Soignez la mise en place des bouteilles
Emmanuelle Rouzet prône une mise en scène sobre et épurée : n'exposez qu'une à cinq bouteilles par cuvée pour éviter de produire un effet de masse qui renverrait à l'image des grandes surfaces et à leur étalage de produits d'entrée de gamme. Autre conseil : affectez l'espace central du caveau à la mise en avant des produits de saison : les rosés d'été, les vins prestigieux pour les fêtes, les cuvées pour la Saint-Valentin, la Fête des mères et des pères...
Éclairez bien l'espace de dégustation. Mais pensez à des coins plus intimes, avec une lumière tamisée. Enfin, il est utile de prévoir un espace « kinesthésique » où les visiteurs peuvent toucher vos produits ou accessoires sans détruire vote déco : des bacs ou comportes avec des bouteilles, des corbeilles remplies de goodies (produits dérivés)...
Pensez à aménager les abords
Les visiteurs doivent être dirigés vers le parking par un fléchage démarrant à l'entrée de votre domaine. « Les gens ont peur lorsqu'ils pénètrent dans un espace privé. Il faut les rassurer en les guidant pour éviter qu'ils s'égarent », précise Emmanuelle Rouzet.
De même, depuis le parking, l'entrée de la boutique doit être, elle aussi, très clairement signalée. En outre, sur ce chemin, tout ce que voient vos clients doit servir à vendre. Exit donc tous les éléments de votre vie privée (le linge qui sèche, les jouets des enfants...).
« Il est important de bien dissocier le caveau de vente du site de l'exploitation. Même si les clients savent qu'ils viennent sur un lieu de production, il faut que les différentes zones soient bien identifiées », insiste Jessica Debieve. Ajoutons encore, même si cela semble aller de soi, que le chemin vers le caveau doit s'inscrire dans un environnement agréable, avec des espaces verts bien entretenus.
Un accueil des handicapés conforme aux obligations légales, à moindre coût
Depuis le 1er janvier 2015, les caveaux de vente doivent être accessibles à toute personne en situation de handicap, comme tous les établissements recevant du public. Cette règle vaut autant pour les nouveaux caveaux que pour les anciens. Si votre magasin n'est pas encore aux normes, vous pouvez encore déposer un agenda d'accessibilité programmé (APP) dans lequel vous vous engagez à réaliser les travaux de mise en conformité d'ici octobre 2018. À Mireval, les Caves Belle Dame, de Jean-Luc et Béatrice Mazas (photo), sont la première entreprise héraultaise labellisée Tourisme et Handicap pour les quatre déficiences (auditive, mentale, motrice et visuelle). Une mise aux normes effectuée à moindres frais. En effet, au lieu de passer par des entreprises proposant des solutions clés en main, forcément onéreuses, ils ont fait avant tout preuve d'astuces. « Plutôt que d'acheter un pictogramme "place handicapée", nous l'avons décalqué sur un parking de supermarché puis peint sur notre place de parking dédiée. Nous avons nous-mêmes tracé la bande de guidage au sol pour les aveugles avec une peinture que nous avons recouverte de silice (7 € les 25 kg). Et pour le marquage des vitres, obligatoire pour les malvoyants, nous avons posé des autocollants à la main. La main courante de la rambarde, elle, a été réalisée avec le fer le moins cher : des tubes de chauffagiste. Ainsi, pour chaque norme, nous avons cherché des solutions adaptées à nos moyens. Au final, l'investissement reste acceptable », témoignent-ils.
Le Point de vue de
JULIEN PLAUD, COFONDATEUR DE VINOTRIP, UNE AGENCE SPÉCIALISÉE DANS LES SÉJOURS NOTOURISTIQUES
« Nos clients raffolent des ambiances authentiques »
« La qualité des caveaux est un des critères de sélection de nos vignerons partenaires. Le caveau est un indicateur de l'état d'esprit du vigneron. Il doit montrer sa volonté d'accueil. Mais nous sommes également attentifs à la qualité de ses vins, à sa personnalité et à l'histoire qu'il raconte. C'est sur cet ensemble de critères que nous choisissons les propriétés que nous intégrons dans les visites. Nos clients raffolent des caveaux à l'ancienne avec de vieilles pierres et des barriques. C'est l'image qu'ils se font du vin. Nous privilégions donc les lieux authentiques où nos visiteurs sont plongés dans l'histoire du domaine. Mais, dans un même circuit, nous proposons également des univers plus contemporains où l'accueil peut se faire par une autre personne que le vigneron, si son discours est bien construit et s'il fait sens avec le site. Ce qui importe, c'est que les clients vivent des émotions tout en approfondissant leur connaissance du vin. »