Tout est parti d'un constat : « Nos clients s'intéressent au biocontrôle, mais beaucoup ne savent pas à quoi cela correspond. À nous de répondre à leurs questions », explique Jacques Chassaigne, le directeur commercial de PCEB. C'est la raison pour laquelle ce négoce d'agrofournitures a organisé le premier Salon du biocontrôle, le 8 juin, sur son site de Limoux (Aude). Lors de cette manifestation, 22 exposants ont mis leurs solutions en avant. Jacques Chassaigne ne s'attendait pas à un tel succès lorsqu'il a lancé son initiative.
Syngenta a fait le déplacement pour répondre à la curiosité du marché. « Beaucoup de professionnels nous demandent de présenter nos produits, de faire des essais. Ils veulent un outil pour améliorer leur image », observe Jean-Baptiste Drouillard, expert technique vigne chez Syngenta.
La firme a présenté le Cos-Oga, un principe actif qu'il commercialise sous les marques Bastid et Blason. « C'est un nouveau concept : un stimulateur des défenses contre le mildiou et l'oïdium. Notre produit est présent dans quasiment tous les réseaux de distribution. Les ventes démarrent. Les viticulteurs le testent, ils ont besoin de l'apprivoiser », note Jean-Baptiste Drouillard.
L'entreprise présentait également Redeli, un autre produit de biocontrôle - un antimildiou à base de disodium phosphonate - qu'elle a lancé fin 2015-début 2016. « Là, le démarrage a été plus rapide. Les phosphonates sont déjà connus », rapporte Jean-Baptiste Drouillard.
Pourquoi ces produits suscitent-ils tant d'intérêt ? « La plupart des viticulteurs sont impliqués dans des démarches environnementales et veulent réduire leurs IFT. De plus, leurs salariés demandent des produits plus neutres pour leur santé. À cela s'ajoutent les soucis de voisinage. Les viticulteurs veulent montrer qu'ils utilisent des produits plus respectueux de l'environnement et des gens », répond Jean-Baptiste Drouillard.
Le biocontrôle expliqué à tous
Pour les aider dans cette entreprise, Syngenta a édité le petit fascicule « Je biocontrôle ma vigne ». Elle y explique très simplement, à l'aide de dessins, le fonctionnement de Bastid. Succès garanti auprès du grand public.
Démystifier le biocontrôle et aider les viticulteurs à s'en emparer, c'est également le credo de Belchim. La société est venue pour promouvoir le Beloukha, son herbicide d'origine naturelle homologué en désherbage et en épamprage. À base d'acide pélargonique, il agit strictement par contact. L'effet choc est visible en deux heures. Mais comme beaucoup de produits de biocontrôle, il fonctionne dans des conditions très strictes. Le produit doit être appliqué sur des jeunes adventices, par temps ensoleillé, à température d'au moins 15 °C et sur un feuillage sec. De plus, le soleil doit continuer à briller durant deux heures après l'application ! « On insiste beaucoup sur tout cela », indique Raphaël Bernat, chef de marché chez Belchim.
Lorsqu'on lui objecte que son produit coûte cher, ce dernier l'admet. Puis il repasse à l'attaque : « Beloukha est très intéressant pour la prêle, en complément du travail du sol, et pour freiner les enherbements. Il est également en cours d'homologation pour les plantiers », confie-t-il. Sera-t-il homologué en bio ? En France, cela semble mal parti. « Les organisations responsables partent du principe qu'un herbicide ne peut pas être bio », regrette-t-il.
Aussi efficace qu'en conventionnel
Quelques mètres plus loin, Sumi-Agro vantait les mérites de son nouvel antibotrytis à base de terpènes (thymol, géraniol, eugénol) encapsulés dans des parois de levures. Elle le vend sous trois marques : Mévalone, Nirka et Yatto. « C'est un curatif précoce. Il faut l'appliquer au tout début d'une infection. En conditions humides, les microcapsules gonflent et libèrent les terpènes. Il est aussi efficace qu'un produit conventionnel », assure la firme. Pour déterminer le moment d'intervenir, Sumi-Agro recommande d'utiliser le modèle botrytis de Promété. Afin d'optimiser l'efficacité de Mévalone, il faut l'intégrer dans un programme et l'appliquer avec un adjuvant terpénique.
Cette société présentait aussi ses biostimulants, notamment le Kelpak, à base d'extraits d'algue Ecklonia maxima. « Appliqué en préfloraison, il allonge les grappes. En postfloraison, il augmente la taille des baies. On peut gagner 10 à 15 % de rendement. Nous avons de très bons échos de ce produit », assure Gilles Albertos, le directeur du département marketing stratégique chez Sumi-Agro. Cette année, il a intéressé des viticulteurs qui ont subi le gel.
« Il est important d'être présents à ce salon pour montrer qu'il existe des solutions de biocontrôle », explique Antoine Meyer, le président de Sumi-Agro, qui est également président de l'IBMA France, l'association française des entreprises de produits de biocontrôle.
Dans la même veine, Philagro mettait en avant son Berelex, un produit à base d'acide gibbérellique qui a pour effet d'allonger les grappes. « Son utilisation se développe. C'est une alternative aux antibotrytis et il permet d'améliorer le positionnement des insecticides et des fongicides », explique Jean-Luc Comptour, ingénieur en développement et marketing. Berelex s'applique au printemps, lorsque les grappes font 2,5 à 4 cm de long, à la dose de deux comprimés par hectare.
Protège des insectes... et du soleil
Finissons avec les insecticides. Dans ce domaine, la nouveauté vient d'Agri Synergie. Fin 2016, cette société a obtenu l'homologation de Sokalciarbo, une argile blanche contre la cicadelle verte. « Nous travaillons aussi sur la cicadelle de la flavescence dorée. On sait que notre produit fonctionne mais il nous faut trouver la bonne dose et le bon positionnement », explique Patricia Blanc, déléguée régionale chez Agri Synergie. Et, d'ajouter que Sokalciarbo a aussi un intérêt pour protéger les grappes des coups de soleil. Même les pionniers du biocontrôle étaient là : Philagro avec ses Bacillus thuringiensis, BASF avec ses Rak et De Sangosse, nouvel acteur de la confusion sexuelle, avec ses Puffer. Bref, les solutions ne manquent pas. Deux cents viticulteurs et agriculteurs sont venus les découvrir. « C'est un sujet nouveau. On a vraiment besoin d'information sur ce qui se fait et ce qui est efficace », nous a rapporté l'un d'eux.
Un plastique biodégradable et un piège connecté
Depuis un an, la société Case vend un nouveau plastique biodégradable de couleur noire pour les plantiers : le Biovigne. « C'est un produit à base de PLA (amidon). Il dure trois ans au bout desquels il se dégrade naturellement sur place, détaille Laurent Giner. Avec les réductions des doses et de l'offre en herbicides, les viticulteurs rencontrent des baisses d'efficacité. Nous proposons une alternative au désherbage chimique. » Son coût est d'environ 2 000 euros l'hectare.
DuPont présentait le Trapview, un piège connecté que la firme teste depuis un an, mais qu'elle ne vend pas. Équipé d'une caméra, ce dispositif photographie régulièrement le piège, envoie les images sur le site Trapview qui dénombre les insectes capturés. « Cela évite à une personne de faire le tour de tous les pièges pour compter les papillons », explique Louis Hoegeli, attaché de clientèle chez DuPont.
Un salon soutenu par la coopération
Les caves coopératives Anne de Joyeuse et Sieur d'Arques avaient aussi leurs stands. Toutes deux étaient venues présenter leur label respectif : Protect Planet pour la première et Vignerons en développement durable (VDD) pour la seconde. « Le biocontrôle est un outil parmi d'autres pour être plus performant sur le plan environnemental », justifie Anne-Marie Andrieu, responsable vignoble et qualité chez Anne de Joyeuse.
« Le biocontrôle entre dans la stratégie de réduction des produits phytosanitaires des VDD. Une journée comme celle-ci peut générer une réflexion en vue d'intégrer le biocontrôle dans le cahier des charges de VDD », suggère Sébastien Canut, responsable qualité et développement durable chez Sieur d'Arques.