Jérôme Boutinon, Château Hostin le Roc, 20 ha à Saint-Quentin-de-Baron (Gironde) « Nous n'avons presque pas eu de pause cet été »
« Entre le retard que nous avons pris dans les vignes gelées et la précocité, nous n'avons presque pas pu nous arrêter cet été. Le relevage a été plus long que d'habitude car il a fallu s'y prendre à plusieurs reprises pour bien faire passer toutes les branches dans le palissage. L'épamprage a été lui aussi plus long. Beaucoup de pampres sont sortis sur les vignes gelées, surtout sur les jeunes. Nous épamprons mécaniquement. Nous avons dû passer deux fois à la machine et une troisième fois à la main pour supprimer les branches les plus basses là où habituellement un seul passage à la machine suffit. Si bien que nous avons fini les travaux en vert le 6 août. Et après cela, il a encore fallu s'occuper des jeunes vignes alors qu'en temps normal tout est terminé fin juillet. D'habitude, mon salarié prend quatre semaines l'été. Cette année, je n'ai pas pu le lui accorder. Quant à moi, je me suis arrêté cinq jours seulement. Puis il a fallu préparer les vendanges. Mardi 5 septembre, nous ramassons les blancs, avec quinze jours d'avance. Nous en avons peu, et ces vignes n'ont pas gelé. Vers le 20 septembre, nous attaquerons les merlots non gelés. Puis, dans les vignes gelées - un peu plus de la moitié de ma surface - nous attendrons le plus possible pour obtenir une bonne maturité. Le premier contrôle réalisé le 28 août par notre laboratoire montre qu'elles ont presque deux degrés de retard sur les autres, soit deux à trois semaines. Aujourd'hui [2 septembre, NDLR], ce qui n'a pas gelé est très prometteur, très sain et déjà bien mûr. Nous aurons de quoi faire de très beaux vins dans ces parcelles. Ailleurs, tout dépendra du temps. Concernant les rendements, ils sont très difficiles à évaluer, tellement les situations sont diverses. Mais cela m'étonnerait que j'atteigne une demi-récolte. Dans une parcelle de 3 ha, on cherche les grappes. Il y a tellement peu de raisins que je ne passerai pas à la machine. Si la saison estivale n'a pas été de tout repos, ce sera l'inverse pour les vendanges. Nous aurons bien moins de raisins à rentrer et moins de cuves à vinifier. Ce sera plus tranquille. Il faut voir le bon côté des choses ! »
Jean-Claude Blanc (au centre), 20 ha à Gignac (Hérault) « Je n'ai pas vendangé mes parcelles gelées »
« Comme je m'y attendais, je n'ai pas vendangé mes deux parcelles totalement raclées par le gel. Il n'y avait rien à récolter, excepté quelques grapillons qui étaient loin d'être mûrs. La première, c'est une parcelle de merlot. La seconde est complantée en gewurztraminer et viognier. En tout, elles font 3 ha. Par contre, je les ai traitées comme en année normale. Les vignes sont belles, mais exemptes de raisins. Sur le plantier qui a également été touché par le gel, j'ai compté les pieds manquants avec mon pépiniériste : il y a 1 125 pieds à remplacer sur les 7 000 plantés. Et ce sont les plus jolis plants qui ont été décimés : ils étaient en pleine sève au moment du coup de froid. Je ne vais pas pouvoir me refaire avec le reste de mon vignoble car le volume est catastrophique. On a eu une petite sortie. On s'attendait à une faible récolte, mais la sécheresse estivale a encore aggravé la situation. J'ai commencé à vendanger le 11 août. C'est la première fois que je démarre aussi tôt. En blanc, les volumes sont très faibles. Je pensais que ce serait mieux pour les rouges, mais là aussi, les raisins ne pèsent rien et donnent très peu de jus. Je m'attends à une baisse de 50 % de ma production. J'espère que l'assurance couvrira cette perte, mais je dois attendre la déclaration de récolte pour savoir combien je peux espérer toucher. Le plus compliqué, ce sera de gérer commercialement cette perte. Je suis déjà en rupture de stock en rosé. En blanc, je ne finirai pas l'année. J'ai la possibilité d'acheter des moûts, mais où en trouver une année comme celle-ci ? J'ai une clientèle locale. Je connais bien tous mes clients, j'ai l'espoir qu'ils reviendront. Pour remplacer ma cuvée de gewurztraminer-viognier, je vais proposer un assemblage viognier-sauvignon avec une pointe de muscat. J'ai envie de baptiser cette nouvelle cuvée Barbaste, qui signifie "gelée" en occitan. Quoi qu'il en soit, l'année 2018 va être difficile. Je devais m'équiper d'un groupe de froid, ce sera pour plus tard. On va vivre sur le salaire de ma femme. »
Didier Avenet, 8,5 ha à Saint- Martin-le-Beau, en Indre-et-Loire « Je suis plus optimiste à l'approche des vendanges »
« Avec l'été chaud que nous avons eu, les vignes sont au top au niveau sanitaire ! Et dans les chenins, l'écart de maturité qu'il y avait entre les vignes qui ont subi le gel et les vignes épargnées a quasiment disparu. Dans les vignes gelées, comme il y a peu de grappes, les pieds ont compensé et les baies ont eu tendance à concentrer les sucres. Je pensais devoir faire deux passages à la main dans les vignes qui présentaient des différences de maturité. Finalement, je vais pouvoir vendanger à la machine comme prévu, excepté pour les parcelles destinées à faire du pétillant naturel que je vendange toujours à la main. J'ai fait mes premiers prélèvements sur les chenins le 31 août. C'est la première fois que je les fais aussi tôt. Même en 2003, l'année de la canicule, je ne les avais faits que le 2 septembre. Et actuellement [1er septembre, NDLR], nous nous situons dans les mêmes degrés qu'en 2003 : le réfractomètre affiche entre 10,4 pour les vignes à fort rendement et 11,9 pour les vieilles vignes. Et pour les baies un peu desséchées, le taux de sucre peut monter jusqu'à 18, mais cela reste anecdotique. Les chardonnays et les sauvignons sont actuellement autour de 12,5, mais l'acidité totale s'élève encore à 8 ou 9 g/l. Pour les crémants de Loire, c'est encore trop. Nous attendons qu'elle descende à 7 g/l. Pour le moment, les vignes n'ont pas trop souffert de la sécheresse. Nous avons eu des journées chaudes, mais des matinées un peu fraîches et humides. Ce sont des conditions parfaites pour la pourriture noble. Néanmoins, les baies sont encore petites. Quelques gouttes de pluie seraient les bienvenues pour les faire grossir un peu. Et ça reboosterait également le feuillage. Finalement, les vendanges s'annoncent bien. En Touraine, elles devraient débuter autour du 5 septembre pour les cépages rouges. Pour le chenin, nous allons attaquer les vendanges vers le 13 septembre. Je vais peut-être commencer par les parcelles qui ont gelé car elles semblent plus matures. Après le gel, je pensais avoir perdu entre 25 et 30 % de ma récolte. Aujourd'hui, je pense qu'il n'y aura que 20 % de perte. Ma cave coopérative aussi a revu ses prévisions à la hausse. Dès lors, elle n'a pas acheté de vendange à Limoux comme elle pensait le faire. Nous en avons acheté suffisamment l'année dernière pour compenser les 20 % de perte de cette année. »