Au Château de Cérons, dans les Graves (Gironde), Xavier Perromat a adopté la bioprotection pour ses rouges depuis deux ans. « Je me suis toujours interrogé sur l'emploi du SO2. Je cherchais à diminuer les doses car c'est une préoccupation des consommateurs », confie ce vigneron, à la tête de 26 ha de vigne.
En 2015, suivant les conseils de son oenologue, il teste une Torulaspora sur ses merlots. Des contrôles microbiologiques confirment la bonne implantation de cette non-Saccharomyces. Parti pour faire un essai sur deux cuves, Xavier Perromat l'étend au final à tous ses rouges. « En vinifiant sans SO2, on déguste avec plus de précision. Il est ainsi beaucoup plus facile de suivre l'extraction des tannins. Et la malo devient elle aussi plus aisée. Pour les deux millésimes, elle a débuté spontanément dans la foulée du décuvage », relate-t-il.
Le vigneron a utilisé Prélude en 2015 et Concerto - une Lachancea thermotolerans - en 2016. Il n'a pas observé de différence entre ces deux préparations. Il les a réhydratées dans de l'eau non chlorée entre 20 et 25 °C additionnée de moût. Pour 500 g de levures, il a utilisé 5 litres d'eau et 2 litres de moût. « Ces levures ne gonflent pas lors de la réhydratation. Le mélange reste liquide », note-t-il.
Xavier Perromat récolte à la machine. Il a ajouté ses non-Saccharomyces à l'arrivée des raisins en cave, au goutte-à-goutte, entre le trieur et la pompe à vendange. Il a réalisé un remontage d'homogénéisation. Puis il a refroidi la vendange pour une macération préfermentaire à froid de trois à cinq jours. Habituellement, il abaissait la température entre 6 et 8 °C. Avec la bioprotection, il a pu remonter à 12 °C. « Comme le milieu est occupé, les risques de déviations ou de départ en fermentation sont réduits. J'ai ainsi pu économiser des frigories. »
À la fin de la macération préfermentaire, Xavier Perromat a ensemencé ses cuves en S. cerevisiæ. Les fermentations alcooliques ont démarré très vite et se sont déroulées sans problème. Quant aux malos, elles sont parties dès le décuvage.
Les vins ont été sulfités pendant l'élevage, mais moins qu'auparavant. « Les vins qui jusque-là n'ont jamais vu le SO2 y sont plus sensibles. Dès lors, on peut diminuer la couverture. In fine, on est arrivé entre 60 et 65 mg/l de SO2 total à la mise en bouteille, après douze mois d'élevage en barrique », détaille Xavier Perromat.
En fin d'élevage, le vigneron constate plus de complexité aromatique et plus de finesse : « Les vins n'ont pas la dureté apportée par les sulfites. »
En 2015, la bioprotection n'a cependant pas empêché des Bretts de contaminer des vins en barriques neuves. « Cet incident ne remet pas en cause l'intérêt de cette oenologie préventive. Elle permet sans doute de limiter le risque des Bretts, en diminuant les populations avant la fermentation alcoolique. Mais elle ne couvre pas le risque pendant l'élevage », explique le vigneron.
La bioprotection a coûté 1,95 €/hl. « Les non-Saccharomyces sont nettement plus chers que les Saccharomyces. Mais ramené à la bouteille, le surcoût n'est pas exorbitant », estime Xavier Perromat. Le vigneron bordelais, heureux de proposer à sa clientèle des vins allégés en sulfites, va poursuivre dans cette voie. « Il y a un risque à supprimer le SO2 en vinification, mais avec la bioprotection, on s'en affranchit. L'expérience de ces deux derniers millésimes m'a convaincu de continuer. »
Un essai décevant sur les blancs
En 2015, Xavier Perromat a testé la bioprotection sur ses blancs pour supprimer le SO2 durant leur vinification. Il a ajouté la préparation FrootZen à la sortie du pressoir, puis une S. cerevisiæ après le débourbage. FrootZen est une Pichia kluyveri qui est censée consommer l'oxygène des moûts et révéler les thiols. Malheureusement, la protection contre l'oxydation a été insuffisante. « J'ai obtenu des vins très légèrement oxydés. Je n'ai pas renouvelé l'expérience en 2016. Je vais refaire des essais cette année en améliorant la protection contre l'oxygène de mes moûts », assure-t-il.