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DOSSIER - Bioprotection : les sulfites voient rouge

Philippe Fabre, directeur technique à la cave coopérative Anne de Joyeuse, à Limoux, dans l'Aude « Je sécurise mes macérations à froid »

La vigne - n°300 - septembre 2017 - page 21

Chez Anne de Joyeuse, Philippe Fabre emploie des non-Saccharomyces pour sécuriser les macérations à froid de ses rouges et affiner le profil de ses vins.
PHILIPPE FABRE arrose ses raisins rouges de levures non-Saccharomyces pour les protéger durant la macération préfermentaire à froid. © L. LECARPENTIER

PHILIPPE FABRE arrose ses raisins rouges de levures non-Saccharomyces pour les protéger durant la macération préfermentaire à froid. © L. LECARPENTIER

À Limoux, dans l'Aude, Anne de Joyeuse veut élaborer des produits à forte identité. « Nos vins en bouteille sont commercialisés à 95 % en CHR. Nous visons des produits qui se démarquent. Dans cette optique, nous pratiquons la macération préfermentaire à froid sur les deux tiers de nos AOP rouges (Limoux et Malepère) pendant 3 à 7 jours entre 7 et 8 °C. Cette technique permet de gagner en complexité, en intensité aromatique et en couleur », explique Philippe Fabre, le directeur technique de cette coopérative.

Jusqu'en 2015, il procédait classiquement, en sulfitant à l'encuvage. Cependant, comme la vendange était très mûre, il utilisait des doses élevées de SO2 (10 g/hl), avec le risque d'avoir des fins de fermentation languissantes ou de malo difficiles. En 2015, pour réduire ce risque, il a supprimé le SO2 lors de la vinification au profit de l'incorporation de non-Saccharomyces au moment de l'encuvage.

« L'idéal serait de les ajouter dès la récolte. Mais, en cave coopérative, c'est compliqué. On prépare le levain chaque matin en réhydratant les levures dans de l'eau non chlorée. On le verse sur nos cuves avec un arrosoir à pommeau au fur et à mesure de leur remplissage, juste après la table de tri », détaille l'oenologue.

En 2015, Philippe Fabre a employé Concerto, une Lachancea thermotolerans, à 20 gl/hl. En 2016, il a utilisé un mélange 50/50 de Concerto et de Prélude, une Torulaspora delbrueckii, toujours à 20 g/hl. Durant la macération, ces non-Saccharomyces ont produit de 2 à 3 % vol. d'alcool. Puis la fermentation alcoolique a démarré rapidement après l'ensemencement des cuves en LSA.

Le choix des non-Saccharomyces s'avère complexe. « Ces levures sont capables de marquer fortement un vin. En 2015, Concerto a apporté beaucoup de fraîcheur car elle produit de l'acide lactique à partir des sucres. Lorsqu'on l'a constaté, on a eu peur que la malo se soit enclenchée. Elle révèle aussi des arômes de fruits frais. En 2016, comme le millésime était plus frais, j'ai introduit la Torulaspora delbrueckii qui amène du gras et de la complexité aromatique ».

L'oenologue tient compte du terroir, du millésime, des raisins et des caractéristiques de chaque souche pour choisir celle qui convient le mieux à ses objectifs. « Cette année, j'ai attendu fin août pour passer commande. J'ai opté pour un mixte Concerto-Prélude car le millésime s'annonçait précoce avec un profil plus axé fruits frais que fruits mûrs. »

Philippe Fabre évalue le coût de la bioprotection à 1,80 €/hl. « Pour des bouteilles vendues entre 8 et 10 € prix public, cela reste acceptable. Et quoi qu'il en soit, une cuve contaminée par des Bretts me coûterait beaucoup plus cher. »

Pour l'instant, il sulfite en fin de malo à 3-4 g/hl pour atteindre de 90 à 100 mg/l de SO2 total dans ses vins prêts à être commercialisés, après de 18 à 24 mois d'élevage. Pour aller plus loin, il tente cette année de faire une cuvée sans sulfites.

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