Notaires et comptables notent une augmentation significative des acquisitions de vignes par les sociétés d'exploitation. « On encourage les viticulteurs à porter leurs terres à l'actif du bilan, confirme Claire Vidal-Bessonnet, consultante au cabinet d'expertise comptable Exco Languedoc, à Montpellier (Hérault). L'acquisition par les sociétés d'exploitation représente désormais environ 70 % des cas dans le Languedoc. »
Pourquoi acheter les terres à titre professionnel plutôt qu'en nom propre ou par une société foncière ? Le principal avantage tient à l'exonération totale des plus-values lors de la revente ou de la cession de ces terres.
Pour en bénéficier, l'entreprise doit avoir réalisé moins de 250 000 € de chiffre d'affaires (CA) au cours des deux derniers exercices clos et être en activité depuis au moins cinq ans (article 151 septies du code général des impôts). Pour un associé exploitant, le seuil des 250 000 € s'apprécie en fonction de sa part dans le capital (article 70 du CGI). Un associé qui détient 50 % du capital d'une société viticole sera exonéré de plus-values si le CA ne dépasse pas 500 000 €. Le même avantage concerne des plantations dès quinze ans de détention, toujours si le CA ne dépasse pas 250 000 €.
Entre 250 000 € et 350 000 € de CA, l'exonération est partielle. Quant aux plus-values, elles sont amputées de 16 % d'impôt sur le revenu et de 15,5 % de prélèvements sociaux.
Si les terres appartiennent à l'exploitant, en nom propre ou par le biais d'une société foncière, les plus-values sont privées. Les abattements dépendent alors de la durée de détention du bien. Au-delà de 22 ans de propriété, les plus-values sont entièrement exonérées d'impôt (19 %) sur le revenu et, à partir de 30 ans, elles sont également exonérées de prélèvements sociaux (15,5 % de CSG et CRDS).
« Avant 2011, les plus-values des biens privés étaient exonérées au bout de quinze ans de détention, rappelle Claire Vidal-Bessonnet. L'allongement de la durée de détention renforce l'intérêt d'acheter à titre professionnel. D'autant que les loyers sont de plus en plus fiscalisés. »
Sur le plan comptable, l'inscription des terres au bilan de l'entreprise permet de déduire du résultat les charges liées à la propriété (frais d'enregistrement, frais de dossiers bancaires, etc.) ainsi que les charges foncières et annexes comme les intérêts d'emprunts.
La détention à titre professionnel se révèle aussi avantageuse lors d'une transmission. Auparavant, le seul moyen de bénéficier d'exonérations était de faire des baux à long terme, par exemple d'un GFA qui détient les terres à un exploitant. Désormais, avec la loi Dutreil, instaurée en 2003 et finalisée en 2008, les héritiers d'une société d'exploitation bénéficient d'un abattement de 75 % des droits de succession s'ils prennent l'engagement collectif de conserver l'entreprise pendant au moins deux ans. Cette loi renforce l'intérêt de détenir des vignes à titre professionnel dans les vignobles où le prix du foncier est élevé.
À noter que cette option obéit à la règle du tout ou rien. En effet, une société ne peut pas détenir une partie des terres qu'elle exploite et louer le reste à son exploitant. Soit elle détient toutes ses terres, soit c'est l'exploitant ou une société foncière.
Principal inconvénient de l'inscription des terres au bilan : elles peuvent faire l'objet d'une saisie si l'entreprise connaît des problèmes financiers. « Tout évolue, conclut Claire Vidal-Bessonnet. Le schéma classique consistant à séparer le foncier de l'exploitation devient de moins en moins vrai. Il y a toutefois beaucoup de paramètres à intégrer pour prendre la bonne décision et chaque situation est unique. »
Le Point de vue de
ME PHILIPPE LAVEIX, NOTAIRE À SAUVETERRE-DE-GUYENNE (GIRONDE) ET PRÉSIDENT DE JURISVIN
« Le pacte Dutreil a modifié la donne »
«Il y a une quinzaine d'années, il était rare qu'une société viticole achète des vignes. Le pacte Dutreil a modifié la donne en 2008 en facilitant la transmission des entreprises. Depuis, il est plus intéressant d'acheter à titre professionnel.
Pour prendre une décision, lors d'une installation ou si on envisage un achat, nous faisons le point sur les droits d'enregistrement et sur l'impact fiscal de l'achat par la société d'exploitation.
Puis nous étudions les conséquences de ce choix, pendant la vie professionnelle et au moment de la transmission, avec le calcul de la taxation des plus-values. Toutefois, ce raisonnement s'est compliqué depuis l'entrée en vigueur du droit de préemption de la Safer sur les cessions de parts sociales qui empêche, en l'état, certaines sociétés d'acquérir et de conserver du foncier. »