Moins de manutention pendant la fermentation
« Avec l'Air Mixing, nous n'avons plus besoin de pompes et de tuyaux pendant la fermentation, affirme Thierry Caymaris-Moulin, directeur vigne et vin de la cave de Chusclan. Nous éliminons tout risque de contaminations croisées, et nous nous affranchissons des corvées de nettoyage. En prime, nous dépensons moins d'argent en eau et en électricité. »
Parsec a posé les injecteurs sur des cuves déjà en place. La coopérative a dépensé environ 5 500 € par cuve, thermorégulation comprise. Pour Lucy Auger (photo), c'est une vraie révolution. Elle peut désormais piloter les fermentations toute seule, alors qu'elle avait besoin de quatre cavistes auparavant. « Nous ne faisons plus de remontages à la pompe. Et, avec la thermorégulation, je n'ai plus à aller ouvrir et fermer les vannes d'arrivée d'eau glacée, ce qui me prenait facilement 2 heures par jour. Désormais, il me suffit de relever les densités le soir et de les saisir dans le logiciel, sur la console centrale ou directement depuis mon ordinateur portable au bureau.L'intensité et la fréquence d'injection d'air comprimé s'adaptent à la baisse de la densité et suivent les instructions que nous avons données au programme. À l'écran, je contrôle la température du haut et du bas des cuves.Au besoin, je peux lancer une injection d'air pour homogénéiser la cuve. Je le fais aussi après l'ajout de produits oenologiques. »
Selon Irène Manzanero, les injections régulières d'air comprimé ont aussi le mérite de raccourcir les fermentations car elles homogénéisent les températures et les ajouts d'azote et de levures, « ce qui n'est pas négligeable dans les caves qui manquent de cuverie ».
Pour Juan Alberto Iniesta Ortiz, directeur marketing d'Agrovin, l'air comprimé fait en plus gagner de l'argent aux coopératives. « Quand il fait 28 °C l'été et que les cuves de fermentation sont dehors, le passage du vin sur un chapeau chinois lors d'un remontage classique entraîne une évaporation d'alcool. Si la cave est rémunérée 3,50 euros pour un degré d'alcool et que son vin chute de 13 à 12,7 % vol., elle perd 1 000 euros sur la vente de 1 000 hl. »
Des systèmes ingénieux
Convaincue par un essai sur deux cuves en 2016, la cave des vignerons de Laudun Chusclan a demandé à Parsec de lui installer l'Air Mixing dans son atelier des rouges traditionnels 1. Une équipe de soudeurs et d'électriciens s'y est attelée durant l'été. Elle a placé trois injecteurs sur la circonférence de 58 cuves en Inox de 200 à 386 hl, à 50 cm du fond, pour ne pas brasser les pépins ou gêner les décuvages.
« Sur les cuves de grand diamètre, nous installons jusqu'à six injecteurs », précise Mathieu de Basquiat, directeur technique de Parsec. Un anneau en Inox fait le tour de la cuve pour l'alimenter en air comprimé. Sur chaque injecteur, une vanne pneumatique s'ouvre ou se ferme selon la consigne donnée par Lucy Auger, la maîtresse de chai, depuis la console centrale 2. Dehors, deux compresseurs, un filtre et une cuve tampon fournissent l'air comprimé au circuit. Le système Ulises d'Agrovin fonctionne de la même façon. « Mais nos injecteurs envoient 3 une seule grosse bulle d'air, alors que ceux de l'Air Mixing en envoient plusieurs petites », détaille Irène Manzanero, chargée de R & D chez Agrovin. Vu du haut des cuves, le résultat est le même. En quelques secondes, les injections d'air créent des vagues de moût qui déstructurent et immergent complètement le chapeau de marc. Le nombre, l'intensité, la durée des injections et l'ordre d'ouverture des injecteurs sont modulables. Depuis sa console centrale, l'opérateur choisit un programme en fonction du cépage, de la maturité des raisins ou du stade de la fermentation.
Des vins plus ronds
Quand les remontages classiques favorisent la circulation du moût au travers du marc par des chemins préférentiels, l'injection d'air comprimé déstructure et lessive tout le chapeau. Ce n'est pas son seul intérêt. « Cette année, nos syrahs étaient bien pourvues en azote et les raisins sont rentrés chauds. Les fermentations sont allées très vite. Sans l'Air Mixing, nous n'aurions pu remonter les moûts que quatre ou cinq fois, alors que là nous avons pu immerger les marcs cinq à six fois par jour », relate Lucy Auger.
En 2016, la cave de Chusclan a comparé des lots identiques vinifiés sans et avec l'Air Mixing. « Nous avons trouvé les vins remontés par air comprimé plus ronds et aromatiques. Nous avons aussi gagné en qualité », confie Thierry Caymaris-Moulin.
Des utilisations malines
Dans la Mancha (Espagne), la cave de Loreto ne vinifie que des blancs. Pourtant, son gérant, Roman Romero de Avila Jaime (photo), a fait installer Ulises sur quatre cuves de 1 000 hl. « Elles me servent de cuves tampon entre le conquêt de réception et mes décanteurs centrifuges. J'y envoie de la vendange en continu et je la brasse avec de l'air. Une fois bien mélangée, la vendange est pompée vers les décanteurs. Cette opération se déroule beaucoup mieux depuis que j'y envoie de la vendange homogène. » À quelques kilomètres, la cave Virgen de las Vinas utilise Ulises pour l'extraction mais aussi pour décuver ses rouges. Les cavistes n'ont plus besoin de rentrer dans les cuves. Après un écoulage rapide, le marc encore bien imbibé de vin est brassé à l'air puis directement pompé vers le pressoir.
Les fournisseurs en bisbille
Parsec n'a pas apprécié de voir Ulises arriver sur le marché l'an passé. Dépositaire d'un brevet européen en cours de validation, il accuse son concurrent de non-respect de la propriété intellectuelle. « Agrovin imite la partie visible de l'Air Mixing alors que nous avons breveté la technologie », s'insurge Mathieu de Basquiat, directeur technique de Parsec. Directeur marketing d'Agrovin, Juan Alberto Iniesta Ortiz affirme que ce brevet n'est valide qu'en Italie. « Parsec a initié une demande d'extension de ce brevet à toute l'Europe, mais à ce jour elle n'a pas abouti. » Ce à quoi Parsec répond qu'un brevet doit être respecté dès lors qu'il est déposé, et ce tant qu'il n'a pas été refusé. Pour Agrovin, ce brevet ne sera jamais accepté car il ne porte pas sur une vraie nouveauté technologique. « Et même s'il l'était, nous ne serions pas inquiétés car Ulises est différent. » Le conflit pourrait se régler devant les tribunaux.