Faire baisser les coûts de production de ses adhérents, c'est le défi que s'est lancé la coop Les Vignerons de Puisseguin Lussac Saint-Émilion (VPLSE), en Gironde. « C'est indispensable pour assurer la pérennité de nos exploitations », estime Alain Laborie, le président.
Cette coopérative de 203 vignerons, sept AOC et 1 150 ha accompagnait déjà ses membres sur les plans technique et environnemental depuis 2005. L'année suivante, elle créait un groupement d'achats. En 2012, elle a franchi une nouvelle étape. « Nous avons mis en place un diagnostic économique pour que chaque exploitation puisse situer ses coûts de production par rapport aux autres, précise Benjamin Maison, le directeur. Notre objectif est également de traduire leur comptabilité de manière simple, en ayant une approche technique : coûts de l'énergie, des approvisionnements, etc. »
En 2012, 25 adhérents ont analysé leurs coûts de production avec la coopérative. En 2015, ils étaient 55. Les économies réalisées par les pionniers ont fait des émules. « Nos adhérents se sont rendu compte qu'ils pouvaient être très performants sur un poste et moins sur un autre, souligne Benjamin Maison. Notre diagnostic économique leur permet de faire un point complet. On constate que les coûts de production pour des exploitations similaires d'une même appellation peuvent aller de 5 600 à 11 000 €/ha... » Ces différences tiennent aux coûts d'achats des services et des appros, aux frais de main-d'oeuvre et de matériel.
Pour le moment, les coopérateurs ont surtout comprimé leurs factures d'approvisionnements. Le groupement d'achats mis en place en 2006 a pris de l'envergure, ses membres réalisant 15 à 20 % d'économies quand ils y font appel, soit 200 à 350 €/ha (voir témoignage). Le groupement représente désormais 600 ha des 1 150 ha cultivés par les coopérateurs. Il achète des produits phytosanitaires, de l'outillage, des sécateurs, du carburant et du fioul, des piquets, des extincteurs, des EPI, etc. « Regrouper les achats s'inscrit dans l'esprit mutualiste de la cave », poursuit Alain Laborie.
« Nous voulons aller plus loin, en intégrant le tertiaire, décrit Benjamin Maison. Pour la récolte 2018, nous venons de lancer un groupement sur l'assurance climatique et nous travaillons sur les coûts de comptabilité. Ces derniers sont souvent importants dans les petites structures. » La mutualisation de la main-d'oeuvre figure aussi parmi les projets. Un groupement d'employeurs a été créé en 2014. Il emploie entre 10 et 40 salariés selon la saison et compte 15 adhérents. Pour réduire les coûts de mécanisation, une Cuma a été mise en place en 2015.
En vue d'organiser cette démarche, la coopérative a recruté Noémie Tanneau, qui travaille à mi-temps sur l'accompagnement économique des adhérents et à mi-temps sur le foncier (accompagnement des installations et des cessions, etc.).
Pour gagner en puissance, le groupement d'achats n'est pas réservé qu'aux coopérateurs. Les caves particulières peuvent adhérer en contrepartie d'un engagement d'apport de 15 % de leur surface. « Pour mieux rémunérer nos adhérents et les fidéliser, il y a plusieurs axes de travail, résume Benjamin Maison. Le premier est d'augmenter le prix de vente de nos vins, ce à quoi travaillent nos commerciaux. Le second est d'aider les vignerons à baisser leurs charges. C'est le levier le plus important en gain et le plus simple à réaliser. » Cette coopérative dynamique a d'autres projets, comme celui d'aider les adhérents à gérer le volet social (DSN, etc.) de leur exploitation.
CHRISTOPHE CHASSELINAT, VITICULTEUR SUR 33 HA, EN APPELLATION LUSSAC-SAINT-ÉMILION « J'ai économisé 11 000 euros en un an »
« En 2016, la coopérative dont je suis administrateur m'a proposé d'analyser mes coûts de production en les comparant avec ceux de collègues. J'ai vu que j'achetais plus cher certaines fournitures que d'autres coopérateurs. J'ai donc adhéré au groupement d'achats de la coop, au début uniquement pour le fuel. J'ai alors économisé 2 000 € pour l'année. Puis, en 2017, j'ai également acheté mes produits phytosanitaires avec le groupement, pour un gain de 7 000 €, soit environ une baisse de 15 % du montant global. J'étais pourtant réticent à adhérer à un groupement d'achats car je souhaitais garder mon indépendance. Et ce n'est pas culturel, pour un viticulteur, de travailler sur ses achats. Nous privilégions trop le relationnel avec nos fournisseurs. Cette année, j'ai pris le temps de comparer, seul, les différentes offres des cabinets comptables. J'ai quitté celui avec lequel je travaillais, ce qui m'a permis de baisser ma facture de 6 000 à 3 500 €. En 2017, j'ai ainsi économisé plus de 11 000 €, soit 350 €/ha. Pour l'assurance récolte, j'attends de voir la proposition de la coopérative. »