René Desselle (à droite) sert Romain Le Merdy, un habitué. Dès la création d'un compte fidélité, le client est crédité d'un bon d'achat de 5 €. « C'est le geste qui compte », souligne le gérant. PHOTOS : FLORENCE BAL
Le magasin et bar V & B, situé dans une zone commerciale, est facile d'accès avec de nombreuses places de parking. PHOTOS : FLORENCE BAL
Il est 18 heures ce vendredi 3 novembre. Les clients commencent à affluer dans le magasin de René Desselle, franchisé de l'enseigne V & B (vins et bières) à Saint-Maximin, dans l'Oise. Sans hésiter, ils traversent la boutique pour accéder à l'espace bar, aménagé avec des tonneaux, quelques tables en bois, des bancs et des chaises hautes. « Salut. Tu vas bien ? », lancent-ils au passage à René, poignée de main franche et amicale à l'appui.
Dans cet espace bar règne une ambiance de pub, avec lumière très tamisée, jeu de fléchettes et bière à la pression. C'est l'heure de l'afterwork. Et dans cette vaste zone commerciale du nord de Paris, sans âme, ni bars, des amis et collègues de travail se retrouvent. D'autres s'accordent une pause dans leur shoping, autour d'un verre. « Les clients viennent chez nous pour partager un bon moment », confirme René Desselle.
Le concept de l'enseigne, créée en 2000 et qui compte 151 magasins en France, se veut simple. Il s'agit « d'anoblir la bière et de démocratiser le vin ». Il s'appuie toujours sur une boutique doublée d'un bar. « Dans l'espace bar de 90 m2, nous faisons découvrir nos produits à la vente, poursuit le sympathique patron. Nous servons quatre vins au verre à 3,50 €. La coupe de champagne de 10 cl est à 4,50 € et les demis de bière entre 2,50 et 4,50 €. Mais, nous ne sommes pas un bar à vins. »
Les magasins V & B sont tous situés en zone commerciale. « Les centres-villes sont inaccessibles et désertés, explique René. Ici, les loyers sont moins onéreux. Le soir, on accueille entre 100 et 300 clients. Ils se garent très facilement, et la livraison d'un camion de quinze palettes tous les quinze jours ne pose aucun problème. »
La clientèle est plutôt jeune -entre 20 et 40 ans - et masculine. Elle apprécie l'ambiance chaleureuse et la convivialité du lieu. Elle vient d'abord pour acheter de la bière et des spiritueux, à l'instar de Romain Le Merdy, un habitué qui passe souvent avec sa femme acheter des triples bières d'abbaye qu'ils adorent. Ce soir, Romain repart avec une quinzaine de bières et exceptionnellement deux bouteilles de vin « pour les grandes occasions, quand on est invité ».
Son choix s'est porté sur un Mac Carthy, le second vin de Château Haut-Marbuzet 2010 (23,90 €) car son grand-père avait une très belle cave de saint-estèphe. À la caisse, René ne manque pas d'alimenter son compte fidélité, qui donne droit à des bons d'achat.
« Notre clientèle n'a pas l'habitude de se rendre dans des caves à vins », relève le commerçant. La minorité qui achète du vin le fait pour se faire plaisir, à un tarif raisonnable, ou pour offrir un cadeau. Le panier moyen s'élève à 29 € : 35 % pour les bières, 35 % pour les spiritueux, 15 % pour le vin et le reste en accessoires. Le prix moyen de vente de la bouteille de vin se situe à 7 €.
La moitié de la boutique est dédiée aux bières, un quart aux vins et un quart aux spiritueux. René propose ainsi 250 vins, 350 bières et 200 spiritueux (rhum, whisky...) du monde entier dans l'espace de ventes de 110 m2.
Comme dans un supermarché, des paniers sont disposés à l'entrée. Lorsque les clients s'adressent à René, il commence par les questionner pour connaître leurs attentes et répond toujours de façon simple, pragmatique. « Nous ne sommes pas un caviste classique. Sauf exception, cela n'intéresse pas nos clients qu'on leur parle de l'origine du vin, des terroirs, des assemblages, de la façon de produire, affirme-t-il. Ce qu'ils veulent connaître, c'est le goût d'un vin : est-il doux ? fruité ? corsé ? rond ? Et comment le boire, pour quelle occasion : l'apéro ? avec quels mets ? » Bref : du pratique, du concret, de la simplicité.
La future signalétique de V & B prévoit de classer les vins en fonction de leur caractère : puissant et élégant, fruité et léger, rond et souple, corsé et boisé... et ce, indépendamment de leur origine. Pour l'heure, l'espace vins est agencé classiquement par régions et pays. Il compte aussi une « cave des grands crus » séparée du reste du magasin par une grille qui renferme une vingtaine de « vins un peu plus sérieux », pour les « beaux cadeaux », vendus de 25 à 600 €/col. « Les clients sont très flattés d'y entrer, ils se sentent privilégiés », relate René.
La boutique compte également un meuble à magnums avec une vingtaine de cols et un espace Gargalou, la marque de la maison. Sur plusieurs meubles, des affichettes signalent les « dernières bouteilles », les « séries limitées » ou les vins « à partager à l'apéro ». « Avec un produit, il faut toujours avoir une histoire à raconter, poursuit René. Il est important de donner aux clients une information ou une anecdote qu'eux-mêmes vont pouvoir transmettre à leurs convives lors d'un apéritif ou d'un repas. »
Il propose ainsi des vins originaux, comme « le vin argentin Amalaya dont les vignes sont les plus hautes du monde ». Dans un registre plus malicieux, il apprécie La Fontaine des demoiselles, un vin sur les fruits rouges, facile de caractère qui fait écho à La Soif des hommes, plus velouté et sur les fruits noirs. Ce duo d'IGP Côtes Catalanes du Château Montana (Pyrénées-Orientales) correspond bien à ce qu'il attend : « un vin avec une histoire à raconter » pour accrocher des clients qui ne sont pas connaisseurs.
« Grâce à l'espace de détente, on a une relation privilégiée avec nos clients, confie le caviste. Il n'y a pas la barrière de professeur à élève, c'est plutôt une relation d'ami à ami, le tutoiement vient très vite. »
Il est 19 h 30 : le bar grouille de monde, la majorité un verre de bière à la main. Une dizaine de collègues qui vient tous les vendredis se démarque : parmi eux, quelques-uns se partagent deux bouteilles de Gargalou, un rouge et un blanc. Ouf ! « Nous ne manquons jamais ce rendez-vous pour nous retrouver après le travail », expliquent-ils. Dans cet univers où la bière est reine, ils sont une exception.
Les best-sellers
Uby n° 3, colombard et ugni blanc : léger et facile, le caviste recommande ce blanc sec pour accompagner les salades, les plats à base de fromage et les poissons. Les clients font souvent remarquer qu'il ne fait pas mal à la tête. Prix : 4,90 €.
Les best-sellers
Uby n° 4, gros et petit manseng : ce côtes-de-gascogne fruité, doux mais pas trop sucré, vendu 6,90 €, ravit les clients qui souhaitent un vin pour l'apéritif. René Desselle le propose à ceux qui lui demandent la cuvée Les Premières Grives de Tariquet, un vin qu'il n'a pas à sa gamme.
Les best-sellers
Gargalou rosé : ce vin de France, gourmand, fruité et doux est très facile à boire. La marque appartient à V & B. Elle est déclinée en rouge et blanc. Un vin qui casse les codes imposés par les rosés secs provençaux.Prix : 6,90 €.
LES ASTUCES DU CAVISTE
>>« Il est important de montrer sa passion du produit, d'aimer les gens et d'aimer partager. Je pratique souvent l'humour pour décontracter la relation. Je ne brusque jamais les clients. »
>>René Desselle cherche systématiquement à entrer dans leur univers. « Interrogez-les, résume-t-il. Demandez-leur ce qu'ils aiment, pour quelle occasion et quel budget ils veulent acheter. Ils vous disent tout ! Ils savent ce qu'ils veulent, même s'ils ignorent comment l'exprimer. Si vous proposez des vins sans connaître leurs attentes, ils risquent de douter de votre proposition, de ne pas acheter et de ne pas revenir. »
>>Il leur explique aussi que l'équation cher = bon n'est pas forcément vraie. Pour un budget donné, il n'hésite pas à conseiller deux bouteilles au lieu d'une, moyennant quelques euros de plus !
Le Point de vue de
« De bons vins à des prix accessibles »
«J'ai ouvert ce magasin franchisé en août 2014. La centrale nous propose près de 1 000 vins sélectionnés avec l'aide de Franck Thomas, meilleur sommelier d'Europe. J'en ai choisi 200. Je les ai dégustés pour les connaître et pouvoir orienter les clients. La moitié des références vient de Bordeaux, le tiers de Bourgogne, le reste des autres régions et du monde. L'idée est de proposer de bons vins à des prix accessibles. Je fais aussi découvrir nos propres vins, comme la cuvée La Lubie d'Arsilemont de Château La Vieille Croix, un fronsac dont V & B est propriétaire. L'enseigne possède également la marque Gargalou, produite avec un négociant du Gers, en côtes-de-gascogne blanc ou en vin de France rouge et rosé vendus 6,90 €/col. Avec cette production, on montre aux clients qu'on sait de quoi on parle. Cela les rassure. »