«Et si on prenait un vin chaud afin de se réchauffer ? » La suggestion tombe rarement à plat dans les marchés de Noël en Alsace. Les visiteurs ont l'embarras du choix. Les stands, spécialisés ou non, pullulent. Sur cette portion du marché de Colmar, située dans le quartier de la petite Venise, il y en a quatre sur moins de cinquante mètres.
Loïc et Catherine trempent prudemment leurs lèvres dans leur gobelet fumant à 2,50 € l'unité de 20 cl. « J'en ai bu un affreusement mauvais à Toulouse. Ici, il est meilleur. Il y a d'autres épices et il n'est pas trop sucré », raconte satisfait Loïc, pour qui « le vin chaud est la boisson traditionnelle de l'hiver ».
Les Romains auraient été les premiers à en élaborer. Au Moyen Âge, il s'en préparait du sud de la France jusqu'en Suède. À l'époque, les habitants du nord et de l'est de l'Europe, particulièrement les Germains, étaient réputés pour apprécier ce breuvage.
Strasbourg l'adopte pour son premier marché de Noël à la fin du XVIe siècle. Aujourd'hui, plus de soixante échoppes en proposent pendant toute la durée de l'événement, sans compter les restaurants et les bars.
Ne cherchez pas LA recette du vin chaud. Il y en a quasiment autant que d'élaborateurs. Deux écoles s'affrontent. La première garde jalousement le secret de ses ingrédients. « Je les tiens de ma grand-mère. J'utilise du rouge, mais pas du bordeaux qui est trop tannique. J'y ajoute quatre épices pesées au gramme près. Le dilemme, c'est le sucre. Il en faut pour casser l'acidité, mais pas trop pour convenir à un maximum de monde », confie Marc Trau, qui en vend depuis quinze ans sur le marché d'Obernai. Mais il ne nous dira rien de plus sur l'origine de son vin, ni sur ses épices.
La seconde école joue la transparence. D'ailleurs, ses membres affichent leur recette sur leur stand. Sur le marché de Strasbourg, Charles Brand, viticulteur et membre de l'association la Tribu des gourmets du vin d'Alsace, recommande un blanc sec non aromatique. Il y ajoute des petits dés d'orange et de citron bio, de l'anis étoilé, de la cannelle, du sucre et un peu d'eau. Il laisse chauffer le tout dans une marmite au couvercle fermé pendant une heure, sans faire bouillir. À cette base, certains ajoutent vanille, clous de girofle, cardamome, poivre, miel, voire cerises en conserve ou confiture de mirabelles.
Depuis plusieurs années, le blanc se rebiffe, même si le vin rouge pèse toujours un peu plus de la moitié de l'offre. « Ça change ! Celui-ci est bien dosé », juge Alexandre, rencontré le 15 décembre, avec quatre de ses collègues et amis, à Obernai, où les viticulteurs ne jurent que par le sylvaner.
À Colmar, Alexis Halter fait confiance à l'edelzwicker, un assemblage dans lequel il demande à son fournisseur d'intégrer « davantage de pinot gris que de riesling ». La recette qu'il a élaborée lui-même il y a dix ans lui a valu le titre de « meilleur vin chaud de Colmar » en 2011. « Les ventes dépendent de la météo, de la fréquentation et de l'emplacement. Elles varient beaucoup d'un jour à l'autre. Mais elles progressent d'année en année. Les marchés de Noël attirent de plus en plus de touristes, notamment étrangers », évalue Alexis.
Donner les volumes vendus sur les marchés de Noël alsaciens est mission impossible. Rien qu'à Strasbourg, 800 000 gobelets consignés et réutilisables sont mis à la disposition des exposants durant le marché qui attire près de 2 millions de visiteurs chaque année. Une chose est sûre : le vin chaud est un succès populaire !