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ACTUS - RÉGIONS

Coup de filet en Languedoc

MICHÈLE TRÉVOUX - La vigne - n°305 - février 2018 - page 8

Sept viticulteurs languedociens sont restés 48 heures en garde à vue les 15 et 16 janvier à Montpellier. Six d'entre eux sont poursuivis pour des dégradations ou tentatives de dégradation chez des négociants.
Des vignerons sont venus soutenirs leurs collègues poursuivis pour des affaires de dégradation. JA GARD

Des vignerons sont venus soutenirs leurs collègues poursuivis pour des affaires de dégradation. JA GARD

Le réveil a été brutal le 15 janvier pour sept viticulteurs languedociens. Interpellés au petit matin, ils sont restés en garde à vue pendant 48 heures à l'hôtel de police de Montpellier. Après leur libération, Christophe Barret, procureur de la République de Montpellier, a annoncé que six d'entre eux étaient poursuivis par la justice parmi lesquels le porte-parole du Syndicat des vignerons du Gard.

Ces viticulteurs sont mis en cause dans trois affaires de dégradations ou de tentative de dégradations chez des metteurs en marché. Ils sont convoqués le 1er mars prochain devant le tribunal correctionnel. D'ici là, ils sont placés sous contrôle judiciaire.

Le 3 mai 2017, les gendarmes arrêtaient un convoi de quatre véhicules au péage de Saint-Selve, en Gironde. Ils y ont découvert des masses, des merlins, des bombes lacrymogènes, des cocktails Molotov et des téléphones achetés pour l'opération. Leurs occupants sont suspectés d'avoir préparé des saccages chez des embouteilleurs bordelais. Cinq d'entre eux sont poursuivis pour « association de malfaiteurs en vue de destruction ou dégradations par incendie, explosifs ou moyens dangereux ». Ils encourent jusqu'à dix ans d'emprisonnement.

Une deuxième procédure concerne les dégradations commises chez Vinadéis, le 19 juillet 2016, à Maureilhan. Cette nuit-là, une trentaine de personnes ont saccagé en quelques minutes, à coups de masse, les locaux de cette entreprise et y ont mis le feu. Deux des viticulteurs sont poursuivis pour ces faits.

Une troisième action est engagée pour des faits similaires commis à Sète, le 2 août 2016. Ce jour-là, 11 000 hl de vin de la société Biron avaient été déversés dans les rues de la ville.

« Des infractions pénales ont été commises, il est normal que la justice en recherche les auteurs », a déclaré Christophe Barret, le 17 janvier, lors d'une conférence de presse. Puis, il a ajouté : « les personnes déferrées sont des viticulteurs, des gens qui travaillent et qui ne sont pas à confondre avec les personnes qui habituellement font l'objet de poursuite pour association de malfaiteurs ».

Membre du Syndicat des vignerons du Gard, Anthony Bafoil dénonce : « Deux poids, deux mesures. La façon dont ces viticulteurs ont été interpellés est inacceptable. Cette interpellation musclée de nos collègues, devant leur femme et leurs enfants, est disproportionnée pour des viticulteurs qui se lèvent tous les jours pour aller travailler. Ce ne sont pas des bandits, ni des terroristes. Ce sont des agriculteurs défendant leur gagne-pain. Pendant des mois, nous avons dénoncé des étiquettes qui trompaient le consommateur sur l'origine des vins. Mais les auteurs de ces tromperies, eux, n'ont pas été inquiétés. Il est plus facile de s'en prendre aux viticulteurs. »

Entre avril 2016 et août 2017, trente-deux faits, tous revendiqués par le Crav ou le Cav, ont été recensés par les enquêteurs du SRPJ qui poursuivent leurs investigations pour en trouver les auteurs. Le préjudice total s'élève à 3 M€. Fait inédit, toutes ces affaires ont été confiées à un seul parquet, celui de Montpellier, et sont coordonnées par le SRPJ de Montpellier. Une centralisation efficace.

Un soutien populaire

En dix jours, 283 lecteurs ont participé au sondage de Vitisphere sur la mise en examen des six vignerons du Languedoc. 54 % d'entre eux les soutiennent qu'ils soient allés manifester le jour même (13 %) ou qu'ils aient été « scandalisés » (41 %) par l'interpellation musclée de la police. 33 % des lecteurs jugent que « les vrais responsables sont les négociants et distributeurs ». 22 % estime que les actions commando sont « la seule façon d'exprimer la colère du peuple vigneron ». À l'opposé, un quart des sondés condamne les actions du Crav et se dit « soulagé » de l'aboutissement de l'enquête. 29 % demande des condamnations exemplaires dans la lignée du commentaire de Gonet : « Personne en France ne peut se faire justice. Laisser faire le Crav, c'est la porte ouverte à l'anarchie. »

Deux négociants entendus par la police

En même temps que les viticulteurs, deux dirigeants de la société de négoce Vignoble du Soleil International (VSI) ont été placés en garde à vue. Les policiers les ont entendus dans le cadre d'une affaire de francisation de 30 000 hl de vins espagnols, révélée en 2015 par les Douanes. VSI avait acheté ces vins au domaine Jean Gleizes, à Ouveillan, qui les avait importés d'Espagne. Ce dernier a reconnu les avoir francisés. VSI était-il au courant de la fraude ? Les deux dirigeants l'ont nié, affirmant qu'ils ignoraient l'origine espagnole des vins. Rachetée entre-temps par le groupe InVivo, partenaire de Vinadéis, VSI a porté plainte contre son fournisseur pour faux et usage de faux et escroquerie. L'enquête du SRPJ se poursuit avec l'examen de tous les documents administratifs afférents.

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