La valeur des médailles

Une étude réalisée à Bordeaux chiffre ce que rapportent les médailles remportées à des concours. Et elle donne un conseil : attendez d'avoir une médaille pour vendre.

Les concours ont-ils un effet sur les prix de vente ? Deux chercheurs français, Emmanuel Paroissien (Université de Bordeaux) et Michel Visser (Université de Paris-Saclay) se sont attaqués à cette question sous un angle bien précis : l'effet des médailles sur les prix de vente au négoce sur la place de Bordeaux. Ils publient leurs résultats sur le site de l'Association américaine des économistes du vin.

Pour eux, il y a bien un intérêt à participer aux concours. Dans une première approche, ils ont remarqué que remporter au moins une médaille augmente de 13 % le prix de vente au négoce. « Il s'agit de l'effet moyen estimé en faisant l'hypothèse que cet effet est le même pour tous les concours et toutes les médailles », explique Emmanuel Paroissien.

Puis, les chercheurs ont voulu savoir ce qu'il en est des vins plusieurs fois médaillés. Sur ce point, leurs résultats sont à prendre avec du recul. Ils indiquent en effet qu'il n'y a pas de différence entre une et deux médailles, mais que trois procurent une forte prime (+ 25 %). « C'est un artefact de nos données, indique Emmanuel Paroissien. Tout juste peut-on dire que le nombre de médailles a son importance. »

Autre question : quelle est la différence entre une médaille d'or, d'argent ou de bronze ? Elle est très nette. Alors que l'or permet de gagner 13 % sur le prix, l'argent et le bronze n'apportent que 4 % de hausse. Ces valeurs non plus ne sont pas à prendre au pied de la lettre. « L'effet d'une médaille varie selon le vendeur, l'acheteur et les termes de la transaction », rappelle Emmanuel Paroissien.

L'étude montre aussi qu'il est bon d'attendre d'avoir une médaille pour vendre son vin. On peut faire jouer la concurrence, alors que si le vin est déjà vendu, il faut s'entendre à l'avance sur le prix d'une médaille. Mais on gagne peu. Dans l'échantillon étudié, le prix moyen des vins ayant obtenu une médaille avant la vente est de 2,99 €/col. Ce prix passe à 3,05 €/col pour les vins vendus après avoir été médaillés. Avec deux médailles ou plus, on passe de 3,60 €/col à 3,67 €/col selon que les médailles ont été obtenues avant ou après la vente.

Dans ces conditions, faut-il attendre que les concours soient passés pour mettre ses vins en vente ? « Cela dépend des opportunités de vente, des besoins de trésorerie et des capacités de stockage des producteurs », observe Emmanuel Paroissien.

Pour obtenir ces résultats, il a épluché les données d'un important cabinet de courtage de Bordeaux avec son confrère Michel Visser. Leur étude ne concerne donc que les vins de cette région. Malgré cela, les auteurs supposent que leurs conclusions sont extrapolables aux autres régions étant donné que les concours étudiés sont nationaux.

Les transactions qu'ils ont analysées portent sur les millésimes 2005 à 2014. Il s'agissait de vins en vrac dans 62 % des cas, de vins mis en bouteille à la propriété par l'acheteur dans 14 % des cas et de vins vendus en bouteilles pour 24 %. 83 % des lots étaient produits par des caves particulières. Au total, l'étude a porté sur 16 399 transactions dont 3 101 de vins médaillés au moins une fois à onze concours différents.

À l'issue de ce travail minutieux, les auteurs estiment que gagner a un effet positif sur les prix quand il s'agit du Concours général agricole, du Concours de Bordeaux, du Decanter Awards et du Challenge international du vin. De plus, les frais de participation à ces épreuves sont largement couverts par le gain procuré par une médaille.

Pour les autres concours, le nombre de données est insuffisant pour conclure à un effet. Pour choisir un concours, ils ajoutent qu'il faut prendre en considération le volume du lot que l'on veut soumettre.

Le coût de l'inscription étant fixe, le gain net en cas de médaille est proportionnel à ce volume. « Les frais d'inscription au Decanter Awards sont élevés. Ils ne peuvent être compensés qu'en présentant un volume important », souligne Emmanuel Paroissien.