dossier - Moyens alternatifs

Produits alternatifs, (re) voilà des AMM

Marianne Decoin* - Phytoma - n°632 - mars 2010 - page 22

Doucement en 2007 et 2008, plus vite en 2009 : les autorisations de mise sur le marché de produits phytos d'origine naturelle ont repris
 ph. Samabiol

ph. Samabiol

Champ de pyrèthre. Les pyréthrines sont une des substances d'origine végétale citées ici avec l'huile de lin, le triglycéride éthoxylé et l'huile essentielle d'orange douce, sans compter la laminarine extraite d'algues. ph. Samabiol

Champ de pyrèthre. Les pyréthrines sont une des substances d'origine végétale citées ici avec l'huile de lin, le triglycéride éthoxylé et l'huile essentielle d'orange douce, sans compter la laminarine extraite d'algues. ph. Samabiol

Larve d'aleurode attaquée par V. lecanii Ve6, un des micro-organismes cités ici avec le spinosad, le ZYMV-WK, les deux Trichoderma (atroviride I-1237 et harzianum T22), P. chlororaphis MA 342, C. minitans CON M 91-08 et B. bassiana 147. ph. Koppert BV

Larve d'aleurode attaquée par V. lecanii Ve6, un des micro-organismes cités ici avec le spinosad, le ZYMV-WK, les deux Trichoderma (atroviride I-1237 et harzianum T22), P. chlororaphis MA 342, C. minitans CON M 91-08 et B. bassiana 147. ph. Koppert BV

Les produits phytopharmaceutiques d'origine naturelle font partie des moyens alternatifs au même titre que les barrières physiques, évoquées p. 18, ou les auxiliaires de lutte biologique comme celui dont il sera question p. 40. Pour être vendus, ces produits doivent bénéficier d'AMM, autorisations de mise sur le marché. Après une pause, de juillet 2006 à juin 2007, la délivrance de ces autorisations a repris doucement en 2007 et 2008 et plus franchement en 2009. Catalogue.

Après avoir autorisé quatre nouvelles substances actives phytos (1) d'origine naturelle durant le premier semestre 2006 (Encadré), les autorités françaises ont stoppé les autorisations jusqu'en juillet 2007. Ni plus ni moins pour ces produits naturels, dits aussi « alternatifs » voire « de biocontrôle » ou « complémentaires », que pour les produits dits « chimiques » car issus de la chimie de synthèse. Les autorités avaient en effet à mettre en place une nouvelle procédure de délivrance des autorisations de mise sur le marché incluant un examen par l'Afssa (2).

Pour cela, une nouvelle direction de l'Afssa a été créée le 1er juillet 2006. Cette Dive (Direction du Végétal et de l'Environnement) une fois mise en place puis rodée, le stock de dossiers en attente d'examen a commencé à être examiné en même temps que le flux de nouvelles demandes.

2007, une AMMP

En septembre 2007, on apprenait la délivrance de la toute première autorisation octroyée selon la nouvelle procédure. Datée de juillet 2007, elle autorise un produit naturel dont l'action n'est pas pesticide. Signe des temps.

Il s'agit du Pel 101 GV de la société Elicityl, un antigel vigne à base d'heptamaloxyloglucane. Ce polysaccharide a un effet éliciteur c'est-à-dire déclencheur de réactions de défense des plantes. Il agit contre des stress dits « abiotiques », autrement dit causés par d'autres facteurs que des êtres vivants. L'autorisation obtenue est celle d'un anti-gel sur vigne (Tableau).

Le produit s'utilise en pulvérisation foliaire, idéalement quand un gel est annoncé pour la nuit suivante car il lui faut au moins douze heures pour « préparer » la plante.

Il représente une alternative mais pas à des pesticides chimiques : aucun n'est autorisé comme anti-gel à notre connaissance. En revanche il peut se substituer aux chaufferettes à fuel considérées par certains comme largement aussi polluantes qu'un pesticide chimique.

Pendant encore presque un an, cette première autorisation qui n'est que provisoire (AMMP pour trois ans) sera suivie d'autorisations encore plus provisoires de divers autres produits : il s'agit de dérogations pour 120 jours soit à peu près quatre mois (3).

2008, deux autorisations et quatre dérogations

En mars 2008, la première AMM délivrée pour 10 ans à un produit alternatif concerne un produit lui aussi non pesticide. Il s'agit de Iodus 2 cultures spécialisées des Laboratoires Goëmar.

Ce SDN (stimulateur des défenses naturelles) à base d'algues marines est autorisé contre l'oïdium du fraisier. En même temps, il obtient contre le feu bactérien du pommier et du poirier une autorisation pour 120 jours jusqu'au 17 juillet. Celle-ci sera suivie d'une véritable AMM officiellement datée du 28 juillet 2008.

Précisons que le principe actif du produit, nommé laminarine, était déjà autorisé avant le 30 juin 2006 sur blé et orge dans Iodus 2 Céréales qui succédait à de précédents Iodus.

À noter par ailleurs : quatre autres dérogations pour 120 jours obtenues entre février et avril 2008 ont été octroyées à des produits alternatifs : un Trichoderma atroviride contre les maladies du bois de la vigne, deux pyréthrines contre la cicadelle de la flavescence dorée et une phéromone sexuelle pour le piégeage de masse de la pyrale du riz. On reparlera de deux d'entre eux.

Et puis l'été 2008, on apprend l'AMM de Cerall, de Belchim Crop Protection, un traitement des semences de céréales à base d'un micro-organisme vivant : la souche MA 342 de Pseudomonas chlororaphis. L'autorisation a été délivrée officiellement le 15 juin. Ce produit, présenté en détail en p. 10 de ce numéro, est actif contre la carie du blé et les fontes de semis dues à des fusarioses (Fusarium et assimilés type M. nivale) ainsi qu'à Septoria nodorum.

Le bilan au 1er janvier 2009 est donc de trois véritables AMM de produits alternatifs en deux ans et demi : deux préparations d'origine naturelle et un organisme vivant. C'est peu.

2009, deux après dérogations

En 2009 en revanche, tout s'est accéléré avec neuf nouvelles vraies autorisations. Deux d'entre elles sont en fait la suite de dérogations obtenues auparavant. Quatre autres apportent trois principes actifs totalement inédits en phytopharmacie. Enfin les trois dernières sont d'intéressantes extensions d'emploi.

Les deux AMM suivant des dérogations concernent la vigne. Ce sont celles de l'Esquive WP et du Pyrévert.

Le premier produit, bio-fongicide d'Agrauxine à base du champignon Trichoderma atroviride souche I-1237, est désormais autorisé en badigeonnage ou pulvérisation des plaies de taille contre l'eutypiose.

C'est une maladie bien précise ; des essais de longue durée sont en cours pour évaluer l'effet du produit contre d'autres maladies du bois, notamment l'esca bien entendu.

Quant au second, il est d'origine végétale : il est à base de pyréthrines naturelles extraites de fleurs de pyrèthre (photo en médaillon). Les pyréthrines étaient déjà utilisées dans certains produits bio de jardins et pour le traitement des locaux de stockage. Ce bio-insecticide de Samabiol est autorisé contre le puceron vert du pêcher sur pêcher mais surtout contre la cicadelle vectrice de la flavescence dorée. Phytoma l'a présenté en septembre dernier (4). L'article en p. 26 de ce numéro montre qu'il retire une belle épine du pied des viticulteurs biologiques en zone de lutte obligatoire contre la flavescence.

Trois inédits totaux

Passons maintenant aux trois principes actifs inédits en 2009. Il s'agit d'un micro-organisme à la base de deux préparations et de deux substances d'origine végétale.

La première se nomme triglycéride éthoxylé 10 OE. Cet adjuvant pour bouillies herbicides d'origine végétale proposé par Vivagro a été autorisé en février 2009 dans Cantor et Fieldor. C'est plutôt un mouillant. Pour en savoir plus, les détails sont dans Phytoma d'octobre dernier (5).

En avril 2009, c'était le tour du micro-organisme : il s'agit encore d'un Trichoderma mais de l'espèce harzianum, souche T22.

Au passage, on voit de nouveau que l'autorisation d'un micro-organisme comme produit phyto ne concerne pas un genre entier ni même une espèce, mais encore une souche précise et identifiée de cette espèce. C'est important : les souches peuvent avoir des effets différents les unes des autres.

La souche T22 est contenue dans deux spécialités de Koppert : Trianum G et Trianum P. La première est un granulé et la deuxième une poudre mouillable. Pour en savoir plus, on peut lire Phytoma de décembre dernier (6).

Le troisième biopesticide inédit est d'origine végétale. Cette huile essentielle d'orange douce est la substance active de Prev-am, insecticide de Vivagro. En juin 2009, il a été autorisé sous serre contre les aleurodes sur courgette et tomate. Des extensions d'emploi ont été demandées en cultures légumières et sur vigne mais plutôt contre des champignons.

En effet, cette huile essentielle contient des terpènes à effet dessiccant sur tous les stades des insectes à cuticule molle, mais aussi sur certains champignons. Affaire à suivre au niveau des AMM mais aussi dans Phytoma qui présentera cette nouveauté en détail.

Trois champignons en extensions

Les trois autres nouveautés concernent des produits à base de micro-organismes déjà autorisés avant 2006 : un bio-fongicide et deux bio-insecticides, tous à base de champignons.

Le biofongicide est le Contans WG de Belchim Crop Protection, dont le principe actif est la souche CON-M 91-08 de Coniothyrium minitans (voir à son sujet p. 31). Suite à une décision datée de février 2009, le produit est désormais autorisé en traitements généraux pour les traitements du sol en post-semis et post-émergence des cultures contre le sclérotinia.

Il était déjà autorisé en traitement du sol contre le sclérotinia, mais en pré-semis des cultures ou dans la rotation. Désormais, on peut l'appliquer aussi après les semis des cultures sensibles (colza, tournesol, carottes, salades, etc.)

En mars, Ostrinil, de NPP, a bénéficié d'une extension d'emploi sur ravageurs divers des arbres et arbustes d'ornement. Cette autorisation vise en fait un ravageur précis, le papillon palmivore argentin Paysandisia archon, sur un arbre d'ornement précis, le palmier.

Ce produit à base de Beauveria bassiana souche 147 était connu comme actif contre des lépidoptères puisque déjà autorisé contre la pyrale du maïs, mais il est peu utilisé sur cette culture où on lui préfère d'autres méthodes de lutte y compris biologique (trichogrammes). De façon imprévue, il s'est montré particulièrement intéressant sur P. archon. La protection des plantes réserve parfois des surprises.

La dernière extension d'emploi est celle de Mycotal, de Koppert. Ce bio-insecticide à base de Verticillium lecanii souche Ve6, présenté dans Phytoma en mars 2006 (7), était déjà autorisé sur tomate, aubergine, concombre, fraisier, rosier et cultures florales diverses. Il a bénéficié en novembre 2009 d'une autorisation sur poivron contre aleurodes (photo ci-dessus). Il enrichit la gamme utilisable pour cet usage mineur : aux côtés de cinq substances chimiques et de deux auxiliaires (8), c'est la seule préparation insecticide biologique autorisée.

Et il change de classement toxicologique : il est désormais non classé avec un délai de rentrée de 8 heures au lieu de 24. Bonne nouvelle.

<p>* Phytoma.</p> <p>(1) Dans cet article, « phytos » est l'abréviation de « phytopharmaceutiques ».</p> <p>(2) Agence française de sécurité sanitaire des aliments.</p> <p>(3) Voir <i>Phytoma</i> n° 615, mai 2008, p. 3 et n° 617, juillet-août 2008, p. 3.</p> <p>(4) M. Loison - <i>Mieux connaître</i> Pyrévert, <i>nouvel insecticide à base de pyréthrines naturelles</i>, dans <i>Phytoma</i> n° 624-625 de septembre 2009, p. 52.</p> <p>(5) F. Lemarchand - <i>Qu'est-ce que le triglycéride éthoxylé 10 OE</i>, dans <i>Phytoma</i> n° 626-627 d'octobre 2009, p. 49.</p> <p>(6) M. Piron - <i>Qu'est-ce que</i> Trichoderma harzianum <i>souche T22, stimulateur de la vitalité des plantes</i>, dans n° 629 de décembre 2009, p. 45.</p> <p>(7) M. Piron &amp; A.-I. Lacordaire-<i>Qu'est-ce que</i> Verticillium lecanii <i>souche Ve6, insecticide biologique contre les aleurodes</i>, dans <i>Phytoma</i> n° 591 de mars 2006, p. 41.</p> <p>(8) Précisément : acétamipride, buprofézine, deltaméthrine, pymétrozine et pyriproxyfène (insecticides conventionnels), ainsi qu'<i>Encarsia formosa et Eretmocerus mundus</i> (auxiliaires), selon l'<i>Index phytosanitaire</i> 2010 de l'ACTA, p. 639.</p>

AMM de produits phytos naturels de 2006

Cinq des produits cités ici concernent la vigne (ici, taille début mars 2010) : Success 4 et Phytopast autorisés en 2006, PEL 101 GV autorisé en 2007, Esquive WP et Pyrévert autorisés en 2009. ph. M. Doumergue

Cinq des produits cités ici concernent la vigne (ici, taille début mars 2010) : Success 4 et Phytopast autorisés en 2006, PEL 101 GV autorisé en 2007, Esquive WP et Pyrévert autorisés en 2009. ph. M. Doumergue

Avant la « pause des AMM », six spécialités à base de substances naturelles inédites avaient été autorisées au premier semestre 2006. On y trouve trois substances d'origine biologique et une minérale.

Les trois premières sont :

– le spinosad dans Success 4 autorisé sur pommier, poirier, pêcher, vigne, Syneïs appat sur olivier et agrumes et Conserv e sur rosier et cultures florales diverses ;

– l'huile de lin dans Phytopast G pour le traitement des plaies de tailles (vigne, arbres fruitiers et d'ornement...) ;

– le ZYMV-WK dans Agroguard-Z sur concombre, courgette et melon.

La première est d'origine bactérienne, la deuxième végétale et la troisième virale.

La substance minérale est le kaolin de Surround WP Crop Protectant autorisé contre le psylle du poirier.

Résumé

Les AMM de produits phytos naturels ont recommencé en juin 2007 après une pause depuis juillet 2006 liée à une évolution réglementaire (mise en place de la nouvelle procédure d'évaluation incluant l'Afssa).

Une nouvelle substance a été autorisée en 2007 : l'heptamaloxyloglucane dans la spécialité PEL 101 GV.

2008 a vu autoriser Iodus 2 cultures spécialisées (à base de laminarine déjà connue sur céréales) et Cerall (à base de Pseudomonas chlororaphis souche MA 342, inédite).

2009 a vu arriver quatre nouvelles substances : Trichoderma atroviride souche I-1237 dans Esquive WP, Trichoderma harzianum souche T22 dans Trianum P et Trianum G, le triglycéride éthoxylé 10 OE dans Cantor et l'huile essentielle d'orange douce dans Prev-Am.

La même année, le lancement de Pyrévert à base de pyréthrines naturelles (déjà connues en jardin et pour les locaux de stockage) est un gros progrès en viticulture biologique.

Enfin il y a eu d'intéressantes extensions d'emploi de trois produits : Contans WG (à base de Coniothyrium minitans souche CON-M 91-08), Ostrinil (à base de Beauveria bassiana souche 147) et Mycotal (à base de Verticillium lecanii souche Ve6).

Mots-clés : moyens alternatifs, produits phytos (phytopharmaceutiques) naturels, bio-pesticides, bio-insecticides, bio-fongicide, SDN (stimulateur de défenses naturelles), AMM, autorisations de mise sur le marché.

L'essentiel de l'offre

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