Les pressions et enjeux sont nombreux : les autorités et le grand public exigent davantage de transparence, de sécurité et de bonnes pratiques dans le cadre de l'utilisation des produits de protection des végétaux. En particulier ceux utilisés en ZNA (zones non agricoles) à proximité des plus des trois quarts de la population(1). Les intervenants du colloque organisé par l'UPJ(2), le 21 septembre dernier sur le site de Salon Vert Sud-Ouest, ont tenté d'apporter des informations précises et ciblées aux applicateurs, distributeurs, élus, fabricants et utilisateurs de ces produits phytopharmaceutiques – en abrégé « phytos ». Échos.
Cette session d'information portait principalement sur l'importance des bonnes pratiques phytosanitaires dans un contexte réglementaire de plus en plus strict pour les produits phytos. Les décrets d'application de la loi dite Grenelle 2 étaient en attente, mais l'été dernier a vu la publication d'un arrêté sur la restriction d'utilisation de certains de ces produits, dit « arrêté lieux publics »(3). De nombreuses questions sont soulevées par tout un secteur d'activité. Comment concilier la propreté des villes vue par les riverains, l'entretien raisonné et la gestion environnementale durable ?
Des représentants de l'administration (Gilbert Chauvel, expert ZNA à la DGAL(4)), de l'application (Philippe Beuste, Président de l'AAPP(5)), de l'expérimentation (Adeline Rénier, CETEV(6)) et des fabricants (Jean-Michel Carrier, Jacques My et Cédric Bachelier, respectivement Vice-président Espaces Publics, Directeur Général et Responsable des affaires techniques et réglementaires à l'UPJ) ont décrypté les textes modifiant la réglementation sur les phytos et mis l'accent sur les bonnes pratiques d'utilisation.
Pratiques encadrées, les faits réglementaires
Globalement, une réglementation de plus en plus stricte
Les acteurs des espaces publics sont responsables de la sécurité de ces espaces et de l'effet des pratiques d'entretien de ces mêmes espaces sur la santé des publics les fréquentant et le bien-être des riverains. Cette responsabilité pèse de plus en plus sur les élus, souvent en manque d'information, et les applicateurs.
G. Chauvel a ainsi décortiqué l'arrêté « lieux publics » paru en juillet 2011. Les bonnes pratiques d'utilisation des produits phytos et la protection des populations « sensibles » sont au cœur de ce texte :
– d'une part il interdit l'utilisation de la plupart de ces produits dans certains lieux (ceux d'accueil des enfants et à moins de 50 m des bâtiments accueillant ou hébergeant des « personnes vulnérables ») et d'une partie dans les « parcs, jardins, espaces verts et terrains de sport » ouverts au public ;
– d'autre part il organise un balisage, l'information du public, l'éviction de ce public, etc.
Un arrêté complet ou non ? Responsabilités, lieux concernés
Les responsabilités entre élus/décisionnaires et prestataires de services/mandatés restent à définir, tout n'est pas encore clair tant pour les autorités que pour les administrés.
Cet arrêté serait-il incomplet ? Pas exactement. Mais il a soulevé des questions dans la salle. Par exemple : que faire dans les lieux qui ne sont pas explicitement mentionnés, comme les golfs appartenant à des investisseurs privés mais ouverts au public ? Vide juridique ?
G. Chauvel a clairement répondu que non. L'arrêté dit « lieux publics » concerne tous les « parcs, jardins, espaces verts et terrains de sport et de loisir » qui sont « ouverts au public », quels que soient les propriétaires de ces espaces. Donc les golfs (et autres terrains de sport) privés ouverts au public, ainsi que les parcs et jardins de propriétaires privés ouverts au public, sont concernés par l'arrêté (détails p. 20).
Et par rapport à l'arrêté de 2006 ?
Par ailleurs comment cet arrêté de 2011 s'articule- t-il avec l'arrêté général sur l'utilisation des produits phytos du 12 septembre 2006 ?
L'arrêté « lieux publics » de 2011 augmente les restrictions et l'encadrement des conditions d'utilisation : limite des 50 m, balisage, etc. Il définit la notion de « public à risque ». Sur ces sujets-là, il va plus loin que l'arrêté de 2006 et c'est donc lui qui s'impose.
En revanche, les nouveaux « délais d'éviction » définis par l'arrêté de 2011 ne remettent pas en cause les « délais de rentrée » mentionnés dans l'arrêté de 2006(7). Ainsi, à la question : « Que faire si deux délais différents sont imposés dans deux textes différents ? », la réponse a été sans appel : « Il faut respecter le délai le plus long, sans suivre obligatoirement le texte le plus récent. » Donc, si un produit a un délai de rentrée de 48 heures, il faut le respecter et ne pas se contenter du délai d'éviction de 12 heures.
Et les projets réglementaires
Nouveau catalogue des usages
D'autres réglementations sont en préparation, on en a parlé le 21 septembre. Ainsi, la nouvelle version du catalogue des usages en ZNA devrait voir le jour d'ici… quelque temps.
Pourquoi un nouveau catalogue ? Qu'est-ce qui va changer ? D'abord, les gammes « espaces verts professionnels » et « amateurs » seront totalement séparées. Ensuite, il y aura regroupement des usages actuels sous des intitulés plus globaux.
Avec deux avantages : une simplification pour tous les acteurs et davantage de réactivité face à l'arrivée de problèmes nouveaux. Concrètement, il couvrira tous les produits phytos. Il permettra une utilisation légale de ces produits en toute sécurité sanitaire, environnementale et économique.
Ainsi, il intégrera mieux les usages pour les ZNA en anticipant l'avenir.
Un exemple ? L'usage « arbres et arbustes d'ornement * TPA * Chenilles phytophages » regroupera les usages en traitement des parties aériennes (TPA) sur tous les arbres et arbustes d'ornement possibles y compris les espèces exotiques qui pourraient être lancées en France demain, contre toutes les chenilles qui les mangent : processionnaires, bombyx, tordeuses, mineuses ou toute autre chenille, y compris celles arrivant sur notre territoire à l'avenir(8).
Un nouveau catalogue, oui… mais quand ?
Le 21 septembre, ce nouveau catalogue était réputé comme prêt mais pas publié. (NDLR : il ne l'était toujours pas le 2 novembre).
Ce document est préparé depuis longtemps, mais découle réglementairement d'une ordonnance de juillet 2011(9) qui a réécrit l'article L 253-1 et les suivants du Code Rural(10). Ce catalogue devrait être publié au B.O. (Bulletin officiel) du MAAPRAT (ministère chargé de l'agriculture), et un arrêté publié au JORF devrait en préciser sa gestion.
Du Certiphyto au « certificat individuel »
Autre question réglementaire, le Certiphyto. Il va être remplacé par un « certificat individuel ». Pour qui ? Quel diplôme ? Comment ? Quand ? C. Bachelier a abordé ces questions.
Tout vendeur, conseiller ou utilisateur professionnel de produits phytos devra être titulaire de ce certificat individuel. Celui-ci certifiera d'une connaissance des produits/vendus/conseillés/ utilisés, des risques pour l'environnement et la santé et des bonnes pratiques d'utilisation, selon un référentiel déjà publié(11).
On aura le choix entre plusieurs moyens d'obtenir ce certificat : diplôme de formation initiale, participation à une formation spécifique ou combinaison de test et formation éventuelle.
Actuellement, les entreprises vendant des produits phytos ou en appliquant en prestation de service doivent être assurées, agréées et compter dans leur personnel une personne certifiée sur 10 employés (Certiphyto ou DAPA(12)). Demain, l'agrément et l'assurance resteront obligatoires pour ces entreprises, et il faudra que tous leurs applicateurs et/ou vendeurs aient leur « certificat individuel ».
Nouveauté, les conseillers devront être certifiés et leur entreprise agréée.
Autre nouveauté, le cas des utilisateurs professionnels de produits phytos en ZNA qui n'interviennent pas en prestation de service. Ces employés municipaux, jardiniers de golfs ou parcs privés, etc., devront être eux aussi titulaires de certificats individuels. En revanche leurs employeurs n'auront pas à être agréés.
Le 21 septembre, on attendait les textes d'application (NDLR : le décret est paru le 20 octobre ; les arrêtés concernant le conseil, la distribution et l'utilisation en prestation de service sont parus le 22 ; le 2 novembre, on attendait l'arrêté sur l'« utilisation non agricole non prestataire » ; voir aussi p. 20).
Bonnes pratiques martelées
La question des responsabilités
En attendant, les applicateurs, représentés par P. Beuste (AAPP), ont exprimé leurs inquiétudes pour l'avenir de leur profession. Les responsabilités pesant sur eux se sont élargies et se confondent avec celles des élus : il s'agit d'interventions en espaces publics. Et ceci pour l'application des produits phytos comme pour les autres interventions (les entreprises adhérentes de l'AAPP réalisent aussi des prestations de désherbage alternatif, mécanique et/ou thermique notamment).
Tous sont soumis aux mêmes réglementations, mais, bien souvent, les utilisateurs professionnels sont plus au fait de la réglementation en vigueur que les élus. Si l'obligation de détenir un certificat spécifique à l'application, l'utilisation et la vente de produits phytos professionnalise ces activités, elle renforce également les obligations de tout le monde.
Besoin d'informations
En parallèle, des élus ont exprimé leur inquiétude et manque d'information sur des problématiques spécifiques phytos : choix des produits et bonnes pratiques d'application. Ils sont soumis aux pressions sociétales et doivent mettre en place une politique de gestion des espaces verts à la hauteur des attentes des administrés. Mais comment faire sans information pertinente et souvent avec des moyens humains et financiers limités ? L'UPJ a lancé une information spécifique pour informer les gestionnaires, distributeurs et utilisateurs professionnels des espaces verts via une « alerte ». Pour s'inscrire : emiliebasuyau@upj.fr.
Le plan écophyto 2018 en régions : les CROS
Déclinaison régionale du comité de suivi et d'orientation du plan écophyto 2018, les CROS (Comités régionaux d'orientation et de suivi) sont des groupes réunissant les parties prenantes et représentants de la société civile. Il s'agit, pour les groupes de travail, de concrétiser les objectifs de ce plan en proposant des actions régionales concrètes. Le problème est qu'il n'y a pas de sous-groupes ZNA dans tous les CROS. Or les problématiques des ZNA diffèrent souvent de celles du monde agricole.
Un appel à créer et/ou rejoindre ces groupes a donc été lancé lors du colloque. Pourquoi ? Parce qu'il est important d'identifier les acteurs de ce secteur et de dialoguer avec les pouvoirs publics afin de mettre en place des actions spécifiques en faveur du respect des bonnes pratiques, de l'environnement et de la santé.
Engagement de filières vers les bonnes pratiques : l'accord-cadre du 3 septembre 2010
Les professionnels des espaces verts, publics et privés se sont engagés à mettre en place des actions visant à promouvoir les bonnes pratiques. Rappelons, Phytoma l'a déjà évoqué(13), que l'AAPP et l'UPJ ont initié et signé volontairement cet accord portant sur l'axe 7, 5 et 9 du plan écophyto 2018.
Inconvénient de poids… un certain retard administratif
Le 21 septembre, nul n'osait avancer de dates de parution des textes pour le certificat individuel et le catalogue des usages. Or ces parutions étaient prévues initialement pour l'été dernier. Pourquoi ce retard ?
L'ambitieuse loi « Grenelle II de l'Environnement » est complète donc complexe, ceci peut expliquer les retards de sortie de ses textes d'application. Les pouvoirs publics auraient-ils eu les yeux plus gros que le ventre ?
Intérêt manifesté
Le colloque a soulevé autant voire plus de questions que celles auxquelles les intervenants ont pu répondre. Les contenus des textes réglementaires, au fur et à mesure de leurs publications, devraient permettre d'y remédier.
Les interventions ont suscité des demandes d'informations et ont révélé des lacunes dans la communication des autorités publiques.
À retenir : l'intérêt grandissant des collectivités pour ces questions réglementaires et l'importance d'identifier les différents acteurs du secteur (élus, gestionnaires d'espaces verts, membres de l'administration, distributeurs, utilisateurs professionnels et fabricants). La multiplication des leviers réglementaires renforce l'encadrement, mais aussi réaffirme la crédibilité des acteurs dans les espaces publics.
<p>* Responsable communication et relations publiques de l'UPJ.</p> <p>(1) NDLR : Les villes occupent 22 % du territoire et abritent 77,5 % de la population, selon le site de l'Insee, Institut national de la statistique et des études économiques, consulté le 7 octobre 2011.</p> <p>(2) Union des entreprises pour la protection des jardins et des espaces publics.</p> <p>(3) Arrêté du 27 juin 2011 publié le 28 juillet au JORF, Journal officiel de la République française.</p> <p>(4) Direction générale de l'Alimentation du MAAPRAT, ministère de l'Agriculture, de l'Alimentation, de la Pêche, de la Ruralité et de l'Aménagement du territoire.</p> <p>(5) Association des applicateurs professionnels phytopharmaceutiques.</p> <p>(6) Centre d'expertise en techniques environnementales et végétales.</p> <p>(7) Les deux termes désignent quasiment la même réalité : ce sont les délais durant lesquels personne ne peut rentrer sur le lieu d'un traitement après la fin de celui-ci. L'arrêté du 27 juin 2011 précise que l'éviction s'applique durant le traitement (seuls les applicateurs ont accès aux lieux).</p> <p>(8) Exemple donné par Gilbert Chauvel.</p> <p>(9) Ordonnance n° 2011-840 du 15 juillet « relative à la mise en conformité des dispositions nationales avec le droit de l'Union européenne sur la mise sur le marché et l'utilisation des produits phytopharmaceutiques », parue au JORF du 16 juillet.</p> <p>(10) Sans trop détailler, rappelons que ces articles définissent les produits phytos et regroupent la réglementation les concernant ; l'ordonnance de juillet est une mise en conformité avec la nouvelle réglementation européenne (règlement n° 1107/2009 et directive « utilisation durable » n° 2009/128 regroupées dans le « paquet pesticides »)</p> <p>(11) Consultable sur le site www.chlorofil.fr</p> <p>(12) Certificat de qualification pour les distributeurs et applicateurs des produits antiparasitaires à usage agricole et assimilés, instauré par la « Loi d'agrément » de 1992.</p> <p>(13) « Ce que fait l'UPJ pour les bonnes pratiques », Phytoma n° 637, octobre 2010, p. 34.</p>