Christiane Lambert, agricultrice et présidente de Vivea, présente le bilan du Certiphyto lors du SIA le 27 février 2015. À ses côtés, Gérard Napias, président de la FNEDT et Soline Lagneau, agricultrice venue témoigner sur le sujet. Photo : M. Decoin
La réglementation, qui affiche sa volonté d'encourager les bonnes pratiques phytosanitaires, est loin d'être figée, elle évolue sans cesse.
Voyons ce qu'il y a de nouveau depuis un an, que cela vienne de la loi d'avenir agricole, de l'application d'un arrêté français de 2006 toujours en vogue ou de l'Europe, via le règlement CLP. En attendant le plan Ecophyto 2 annoncé pour bientôt.
Loi d'avenir et Certiphyto
Délai de grâce pour l'obligation
Sept articles de la loi d'avenir agricole d'octobre 2014(1) concernent la protection phytosanitaire (voir Tableau 1 page suivante). Certains touchent plus ou moins directement les pratiques.
Commençons par le Certiphyto. La loi Grenelle 2(2) l'avait rendu obligatoire. Tous les applicateurs non-prestataires de service, notamment les agriculteurs et leurs salariés, auraient dû avoir obtenu leur Certiphyto pour le 1er octobre 2014. La loi d'avenir a reporté l'échéance au 26 novembre 2015, un décret l'a confirmé en décembre(3). Il est donc encore temps de s'inscrire !
En fait, le 10 avril 2015, 270 907 personnes avaient obtenu leur certificat, dont environ 260 000 agriculteurs (les autres sont des personnels d'ETA, entreprises de travaux agricoles, ou encore de paysagistes).
Pour la plupart d'entre eux, cela a fait suite à deux journées de formation. L'opération a touché des agriculteurs qu'on ne voyait jamais dans des stages.
Ce nouveau public, tout autant que les habitués des formations, a apprécié le programme et veut aller plus loin et améliorer ses équipements et ses pratiques. Un succès dont s'est félicité Vivea, le « fond pour la formation des entrepreneurs du vivant », lors du dernier SIA, le Salon international de l'agriculture 2015.
Que faire, en pratique ?
Mais il reste encore des agriculteurs (et des salariés agricoles) non certifiés :
- jusqu'au 26 novembre prochain, ils peuvent encore traiter eux-mêmes ; et s'inscrire pour la formation ;
- après le 26 novembre, ils n'auront plus le droit de traiter tant qu'ils ne seront pas détenteur du Certiphyto ou, au moins, en possession de l'attestation de formation.
Ceux n'ayant pas à traiter entre fin novembre et le printemps peuvent estimer qu'ils auront le temps de se faire « certiphytofier » durant l'hiver 2015-2016... Oui, mais :
- la gratuité des formations n'est pas garantie car, selon Vivea, aucune enveloppe spécifique ne devrait être dédiée au dispositif, contrairement aux années précédentes ;
- juste avant le printemps 2016, ce sera difficile de trouver une place en stage...
Si la saison des traitements 2016 survient avant que personne n'ait le Certiphyto sur une exploitation, l'agriculteur aura trois solutions :
- le renoncement à l'usage de tout produit phyto sur son exploitation ; option envisageable en élevage sur prairie permanente par exemple, mais moins en productions végétales car même l'agriculture biologique utilise des produits phyto : biopesticides, attractifs pour la confusion sexuelle ou le piégeage, etc. ;
- l'appel à l'entraide pour les traitements, à condition que « l'entraideur » applicateur ait lui-même le Certiphyto, bien sûr ;
- la délégation des traitements à une entreprise prestataire de service (ETA, entreprise d'application de produits phytosanitaires) dont les applicateurs sont eux-mêmes titulaires du Certiphyto.
Cette entreprise devra en plus être certifiée et agréée pour les traitements, sauf dans deux cas particuliers :
- intervention sur une petite exploitation (limite fixée départementalement), quels que soient les produits appliqués ;
- application seulement de produits de biocontrôle portés sur une liste (à établir), quelle que soit la taille de l'exploitation.
Loi d'avenir et « mesures de protection »
Ce qui était fixé avant la loi
Par ailleurs, la loi encadre les traitements à proximité des lieux accueillant des enfants (écoles, crèches, aires de jeux, etc.) et d'autres personnes vulnérables (hôpitaux, cliniques, etc.).
Dans ce type de lieux, les seuls traitements phyto autorisés depuis la publication d'un arrêté de 2011(4) sont ceux « à faible risque ou dont le classement ne présente que certaines phrases de risque déterminées par l'autorité administrative ».
En clair, cela signifie :
- ceux à base de substances classées à faible risque par l'Union européenne. Au 8 avril, il sont trois : Isaria fumusorosea souche Apopka 97, principe actif du bio-insecticide Preferal (publication le 27 février 2015 d'un règlement du 26), COS-OGA (publication le 2 avril d'un règlement du 1er selon lequel ce mélange de copolymères « consiste en composés naturellement présents dans les plantes et dans certains micro-organismes et omniprésents dans l'environnement ») et cerevisane (publication le 8 avril d'un règlement du 7 selon lequel cette substance est « composée pour l'essentiel de parois cellulaires de Saccharomyces cerevisae, une levure très répandue dans la nature, couramment utilisée dans la production alimentaire [...] sans qu'aucune nocivité potentielle n'ait été constatée »).
- ceux non classés au plan toxicologique (leur étiquette ne porte aucun pictogramme de danger toxicologique, voir Figure 1, ni aucune phrase de risque toxicologique ; le classement écotoxicologique, donc la présence des pictogrammes environnementaux, est toléré).
Ce qui est fixé par la loi
Mais jusqu'à présent, cela concernait seulement ces espaces non agricoles et non les agriculteurs voisins. Désormais, la loi d'avenir encadre les pratiques de ces agriculteurs à proximité de ces lieux.
L'application de produits phyto (sauf ceux à faible risque et « non classés tox ») n'y sera autorisée que sous réserve de « mesures de protection adaptées, telles que haies, équipements pour le traitement ou dates et horaires permettant d'éviter la présence de personnes vulnérables lors du traitement ».
Les bonnes pratiques conseillées sont donc :
- implanter des équipements fixes tels que des haies ;
- utiliser certains équipements d'application adaptés ;
- calculer ses horaires en accord avec les utilisateurs des lieux (par exemple, ne traiter près d'une école qu'après la classe).
Selon la loi, pour toute implantation d'un nouvel établissement, ce sera à cet établissement d'installer des mesures de protection physique (haies, etc.).
Ce qu'il reste à clarifier
Cependant, il reste des points à préciser !
D'abord, où commence la « proximité » d'un tel lieu ? Une distance en mètres ? Modulée selon la topographie, les vents dominants ?
Ensuite, est-il possible d'utiliser d'autres équipements fixes que des haies, par exemple des brise-vent artificiels qui ont l'avantage d'être hauts tout de suite ?
Enfin, quels « équipements de traitement » seraient valables ?
Pour répondre à ces trois questions, il faudra attendre la publication de textes d'application précisant les exigences. Peut-être notre dossier « Bonnes pratiques » de 2016 permettra-t-il d'en savoir plus...
Concernant les équipements de traitement, il serait logique d'y compter les appareils à pulvérisation confinée type PEC (voir « Outils des bonnes pratiques : produits et équipements », p. 30), ainsi que les granulateurs et autres appareils et dispositifs qui ne pulvérisent ni ne poudrent.
Il en est de même pour les moyens officiellement reconnus comme réduisant la dérive en la divisant au moins par trois.
Antidérive : la liste des buses vient de s'allonger
De quoi s'agit-il ?
Il existe une liste officielle de ces moyens de réduction de dérive, reconnus sur la foi de tests. Cette liste est une annexe d'un arrêté ministériel de septembre 2006, périodiquement réactualisée.
Elle comporte des modèles de pulvérisateurs utilisés dans certaines conditions et des modèles de buses antidérive, elles aussi utilisées dans certaines conditions. Il s'agit notamment des plages de pression correspondantes.
Des nouvelles buses, ou plutôt des couples buses/conditions
Cette liste vient juste d'être réactualisée. Une nouvelle version a été publiée au B. O. (Bulletin officiel) du ministère chargé de l'Agriculture daté du 20 mars dernier. Cette nouvelle liste comporte :
- toujours les cinq mêmes « systèmes complets de pulvérisation », dont quatre pour la viticulture (avec des pulvérisateurs Berthoud) et un pour l'arboriculture (avec un pulvérisateur de Tecnoma) ;
- les même neuf couples buses antidérive/conditions d'utilisation pour le désherbage en cultures pérennes, soit trois modèles d'Albuz, deux de Lechler, quatre de Teejet ;
- une liste enrichie de couple buses antidérive/conditions d'utilisation pour traiter les cultures basses (utilisables également en désherbage des cultures pérennes).
Les gammes auxquelles ces buses appartiennent restent les mêmes. Le nom de BFS Ltd a remplacé celui d'AirBubblejet mais les modèles sont toujours des Air Bubblejet. Cinq marques ont obtenu de nouvelles reconnaissances : Albuz (une AVI céramique calibre 110 06), ASI (sept modèles), Hardi (une Minidrift Duo calibre 120 03), Lechler (la PRE calibre 130 05) et Nozal (six modèles ADX, trois ARX et trois ATX).
Sept marques ne voient pas leur liste de buses s'allonger. Il s'agit d'Agrotop, de BFS (ex-Air Bubblejet), d'Hypro EU, d'Hypro EU/Lurmark, de John Deere et de Teejet.
Règlement CLP : l'étiquetage bascule bientôt
Faits et calendrier
L'an dernier, nous avions fait le point sur les nouvelles règles d'étiquetage des produits phyto - et autres produits chimiques, y compris désinfectants agricoles et produits ménagers.
Pour ceux qui auraient égaré notre dossier de l'an dernier, le Tableau 2 évoque l'essentiel. Soulignons ce qui est important :
- dès le 1er juin prochain - dans peu de temps ! - ne devront sortir d'usine que des produits étiquetés selon le code imposé par le nouveau règlement, dit CLP ;
- les distributeurs pourront encore stocker et vendre des produits étiquetés selon l'ancien code, dit DPD ; mais ils devront avoir tout écoulé avant le 1er juin 2017 ; après, les produits ne seront plus vendables...
- les utilisateurs (agriculteurs, ETA traitant en prestation de service, collectivités territoriales et même jardiniers amateurs) auront le droit d'utiliser les produits jusqu'à cette même date du 1er juin 2017 ; après, les produits ne seront plus utilisables.
En pratique, pour les utilisateurs
Il est donc conseillé d'arrêter d'acheter des produits portant l'ancien étiquetage DPD (revoir les pictogrammes Figure 1) dès que l'utilisateur n'est plus sûr de les appliquer d'ici le 31 mai 2017. En pratique, il faut faire attention dès 2015 !
En effet, il est courant d'utiliser un produit l'année suivant celle de son achat à l'automne pour traiter au printemps. Mais il arrive de l'employer encore plus tard.
Imaginons l'achat, à l'automne 2015, d'un fongicide antimildiou pomme de terre ou vigne, ou d'un insecticide antipucerons des épis des céréales, pour une utilisation prévue en 2016.
Si le printemps 2016 est sec, l'antimildiou ne sera pas utilisé - ou, si le printemps est frais et humide, l'antipucerons ne sera pas nécessaire... Il faudra se servir de ces produits au printemps 2017... mais est-ce que cela sera possible avant le 1er juin ?
C'est l'occasion de rappeler une bonne pratique : tenir l'inventaire de son stock de produits phyto et respecter le principe du « premier entré premier sorti ». On reviendra sur la question dans l'article sur Adivalor, p. 48 de ce numéro.
Pour les distributeurs
Afin d'éviter de se trouver confronté à des clients voulant rendre des produits après le 1er juin 2017, il est conseillé aux distributeurs de finir d'écouler leurs stocks de produits « étiquetés DPD » le plus tôt possible.
Et Ecophyto 2 ?
Annoncé comme un des six plans de l'agroécologie le 30 janvier dernier, le plan Ecophyto 2 devrait être publié, en principe, en juin 2015. Cependant, on sait déjà qu'il devrait suivre les recommandations du rapport Potier(5), sauf peut-être sur les montants d'aides alloués...
En tout cas, le développement de plusieurs outils des bonnes pratiques figure dans ces recommandations.
Il s'agit notamment des « agroéquipements de nouvelle génération » (ex. : pulvérisation localisée par repérage de cible ou par confinement, voir « Outils des bonnes pratiques : produits et équipements », p. 30) et des « outils d'aide à la décision »(ex. : ceux évoqués dans l'article p. 37, « Outils des bonnes pratiques : place aux immatériels »). Sans compter le développement du biocontrôle (voir notre dossier du mois dernier), dont l'usage est estimé une bonne pratique en soi dans le rapport Potier.
(1) Loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt (LAAAF), parue au JORF (Journal officiel de la République française) du 14 octobre. Voir « Loi d'avenir agricole : quel volet végétal ? » Phytoma n° 677, octobre 2014, p. 6.(2) Loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010, parue au JORF du 13 juillet. Voir « Et la protection des plantes, Grenelle ? » Phytoma n° 636, août-septembre 2010, p. 8.(3) Décret n° 2014-1570 du 22 décembre 2014, paru au JORF du 24. Voir Phytoma n° 680, janvier 2015, p. 6. (4) Arrêté du 27 juin 2011, au JORF le 28 juillet. Voir « Réglementation, l'État met le(s) paquet(s). », Phytoma n° 648, novembre 2011, p. 20.(5) « Ecophyto 2 : ce qui se prépare. Entretien avec Dominique Potier ». Phytoma n° 681, février 2015, p. 11.