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DOSSIER - Cultures ornementales

Contrôler les adventices en pleine terre avec... de la paille

ALAIN FERRE* ET TOM HEBBINCKUYS** - Phytoma - n°681 - février 2015 - page 26

Des essais récents ont fait redécouvrir cette technique peu coûteuse, simple, efficace contre les adventices moyennant quelques règles, bénéfique au sol et adaptée à plusieurs espèces cultivées en pépinière.
1. Essai de comparaison de différents types de gestion du sol en pépinière : enherbement (Agrostis + lotier corniculé) au premier plan, puis paillage de paille, témoin et parcelle binée. Photo : A. Ferre

1. Essai de comparaison de différents types de gestion du sol en pépinière : enherbement (Agrostis + lotier corniculé) au premier plan, puis paillage de paille, témoin et parcelle binée. Photo : A. Ferre

2 - Parcelle de Sorbus aria deux mois après paillage. A. Ferre - T. Hebbinckuys

2 - Parcelle de Sorbus aria deux mois après paillage. A. Ferre - T. Hebbinckuys

3 - Parcelle de bulbes quatre mois après paillage.  A. Ferre - T. Hebbinckuys

3 - Parcelle de bulbes quatre mois après paillage. A. Ferre - T. Hebbinckuys

5 - Sol sableux : à gauche paillé depuis deux ans et demi (depuis mai 2012), à droite biné depuis deux ans et demi. A. Ferre

5 - Sol sableux : à gauche paillé depuis deux ans et demi (depuis mai 2012), à droite biné depuis deux ans et demi. A. Ferre

6 - Terre argileuse : à gauche paillée depuis trois ans, à droite binée depuis trois ans. Pour chacun de ces deux clichés, les deux prélèvements ont été réalisés dans la même parcelle à 4 mètres de distance. A. Ferre

6 - Terre argileuse : à gauche paillée depuis trois ans, à droite binée depuis trois ans. Pour chacun de ces deux clichés, les deux prélèvements ont été réalisés dans la même parcelle à 4 mètres de distance. A. Ferre

7. Champignons à carpophore se développant dans la paille. Ce sont des indices d'une activité biologique intense.  A. Ferre

7. Champignons à carpophore se développant dans la paille. Ce sont des indices d'une activité biologique intense. A. Ferre

8. Champignons à carpophore se développant dans la paille. Ce sont des indices d'une activité biologique intense. A. Ferre

8. Champignons à carpophore se développant dans la paille. Ce sont des indices d'une activité biologique intense. A. Ferre

Et si, pour pailler les cultures, le paillage à base de paille était utilisable ? Un véritable retour aux sources ! C'est ce qu'Astredhor a testé en pépinières ornementales sur des productions de pleine terre. Avec des résultats plus qu'encourageants - attention, dans certaines conditions.

Genèse du projet sur le paillage en pleine terre

Le paillage, une technique déjà utilisée sur productions hors-sol

Travailler sur les alternatives à l'usage des produits phytosanitaires est un thème majeur de l'Institut technique horticole Astredhor. Notre station, située à Angers, s'est attelée à la tâche depuis longtemps en commençant par les productions hors-sol. Sur la question de la maîtrise des adventices, des solutions économiquement viables ont été trouvées et sont utilisées par les producteurs. Elles consistent principalement en l'utilisation de disques ou de paillages aussi appelés « mulch ».

De nombreux produits ont été évalués au sein de l'institut. La Figure 1 synthétise les résultats de ces tests. Il apparaît clairement que les disques et les paillages à base de cosse (ou de sarrasin, de cacao...) sont les plus performants avec des écarts d'efficacité faibles entre les essais (écart-type). Cela indique une constance de la performance de ces produits dans diverses situations. Les paillages à base de fibre type miscanthus peuvent fournir de bons résultats, mais les écarts-types plus importants montrent une inconstance d'efficacité suivant les situations, en particulier en conditions humides. Plus un paillage est aéré et stable et plus il est efficace.

Les conditions d'efficacité diffèrent selon le type de paillage

Bien entendu et comme toujours, aucune solution n'est miracle.

Ainsi, les disques sont assez difficiles à poser et les adventices se développent entre leur périphérie et le bord du pot. La cosse de sarrasin peut être sujette au vent, il faut un produit avec un peu d'amidon pour le consolider au premier arrosage. Nous avons noté que sous petit tunnel, les oiseaux viennent fréquemment fouiller dans la cosse (pourquoi ce comportement n'a-t-il pas été observé en extérieur ? Mystère !). Les fibres de bois, miscanthus, chanvre, etc. se dégradent durant la culture en consommant de l'azote (au contraire des cosses, plus stables). Souvent, la fertilisation doit être augmentée lorsque l'on utilise ce type de paillage.

Le paillage apporte un avantage « collatéral » non négligeable voire très profitable en pépinière ! Il réduit le nombre de pontes d'otiorhynque dans les pots (voir « Méthode de lutte alternative contre l'otiorhynque de la vigne en pépinière ornementale » p. 22). Pour ce critère aussi, les efficacités diffèrent suivant les produits. La cosse de sarrasin peut réduire les pontes jusqu'à 80 %. Les fibres de miscanthus sont environ deux fois moins efficaces et les copeaux de bois trois fois moins. Plus le produit est grossier et moins il est efficace.

Une règle se dessine

De ces données, nous pouvons établir une grande règle. Plus la densité d'un paillage sera faible et sa matière stable et plus le produit sera efficace contre les adventices ET les otiorhynques. Finalement, nous ne sommes pas très loin du produit miracle...

Des tentatives en pleine terre, mais davantage de difficultés

Mais revenons à notre sujet, le contrôle des adventices en pleine terre. Suite aux résultats obtenus en hors-sol, de nombreuses stations ont testé ou testent actuellement les paillages en pleine terre. Mais les résultats ne sont pas toujours heureux.

En effet, les quantités à apporter sont souvent énormes : si une épaisseur de 1 cm est suffisante en conteneur, en revanche, en pleine terre, où le sol est infesté de graines d'adventices, au moins 5 à 15 cm sont nécessaires pour observer une efficacité...

Autre piste : désherbage mécanique ou à l'aide d'herbicides naturels

Une autre piste « alternative » travaillée consiste à détruire les adventices soit avec des machines (herses-étrilles, bineuses...) soit avec des herbicides naturels (souvent des extraits de plantes). Ces derniers sont assez efficaces et en cours d'homologation.

Notre choix de stratégie

Ces deux stratégies s'appuient sur deux philosophies différentes. La première vise à « remplir » l'espace avec des paillages pour empêcher les adventices de se développer pleinement. La seconde détruit les adventices.

Cependant, après destruction, le sol est nu. Il est alors rendu sensible à la battance et à l'érosion. De plus, la voie étant libre, les adventices vont rapidement recoloniser le sol. De nombreuses interventions sont donc nécessaires.

Au sein de notre station, après avoir réalisé divers travaux explorant les deux voies, nous avons décidé d'approfondir la première : le « remplissage de l'espace » - ici le sol - avec des éléments qui ne gênent pas la culture. S'ils peuvent l'améliorer, ce sera encore mieux !

Cette piste nous semble être la plus prometteuse et la plus pérenne.

Un autre axiome qui oriente nos projets est la recherche des méthodes les plus simples et « rustiques » possibles. En effet, plus elles sont simples et « rustiques », plus elles sont appliquées correctement. Moins elles sont technologiques, moins il se produit d'échecs et de pannes.

D'où le projet Caapt

En utilisant cette base de travail, à savoir la couverture totale et permanente du sol, nous avons construit un projet (refusé en 2012, mais nous avons quand même réalisé quelques tests préliminaires cette année-là) puis un second (accepté en 2013).

Deux types de couverture étaient prévus dans le projet : un enherbement volontaire et un paillage.

Ce projet dénommé Caapt (contrôle alternatif des adventices en pleine terre) est mené en partenariat avec le lycée du Fresne, à Angers (49), l'Iteipmai, à Chemillé (49) et Terrena bulbes, à Brain-sur-l'Authion (49). Il est cofinancé par le conseil régional des Pays de la Loire et France AgriMer.

Enherbement volontaire inadapté : reste le paillage

Concernant l'enherbement volontaire, nous avons testé des couverts constitués de graminées et de légumineuses. Les semis étaient réalisés à la plantation de la culture. Cette voie a rapidement été abandonnée.

En effet, les couverts n'ont pas empêché le développement des adventices et les cultures accusaient un retard de croissance important (voir photo 1).

Pourquoi tester le paillage à base de paille

Un « brin de paille » fortuit et japonais

Pour le paillage, nous n'avons pas exploré la voie classique type application de miscanthus. À la suite d'une lecture fortuite de La Révolution d'un seul brin de paille de Masanobu Fukuoka (publié en 1975 au Japon), nous avons décidé de travailler sur le paillage à base de paille. Quel archaïsme, direz-vous ! Voire...

Masanobu Fukuoka était microbiologiste à l'équivalent japonais de l'Anses. Un jour, en regardant un champ de riz abandonné, il constata que de magnifiques plants de riz émergent des mauvaises herbes. Pourtant le sol est sec (contrairement aux cultures qui sont inondées) et non travaillé. Il interrompit son travail, revint à la ferme familiale et y modifia sa méthode de production.

Il arrêta d'inonder son champ, sema le riz à l'automne et non au printemps, arrêta de travailler son sol et surtout il contrôla les adventices grâce au paillage avec les pailles de la culture précédente (« orge »(1) ou riz).

Masanobu Fukuoka mit alors au point un nouveau système de culture alternant céréales et riz. Il écrit obtenir régulièrement des rendements équivalents voire supérieurs à ceux des systèmes conventionnels.

Masanobu Fukuoka, malgré sa formation scientifique, a opté pour une approche holistique de son système de culture. Il ne cherche plus les causes précises du fonctionnement de son système (par exemple : comment la paille réduit-elle le développement des adventices ?) mais s'intéresse aux effets de différentes pratiques mises ensemble, considérant que le fonctionnement d'un agroécosystème ne se limite pas à l'addition des effets de chaque intervention.

Ainsi, peu lui importe de savoir pourquoi les cicadelles sont contrôlées dans son système de culture, si tous les ans elles le sont.

Des résultats à vérifier et une technique à adapter en France

Dans le cadre de notre projet, nous avons repris cette idée de paillage avec de la paille. En effet, cette pratique, très prometteuse au vu des allégations de Masanobu Fukuoka, nous a paru particulièrement simple et peu coûteuse, surtout si sa production peut être incluse dans les rotations.

Tests réalisés

Quatre espèces à la station Astredhor

Ainsi, à partir de 2012, nous avons réalisé différents essais. À la station, nous travaillons en culture de pommiers, de Sorbus aria (un arbre d'alignement, voir photo 2), de bulbes d'ornement (voir photo 3) et, depuis 2014, de muguet.

Tests réalisés par Terrena, le lycée du Fresne et l'Iteipmai

Les bulbes sont également travaillés à Terrena bulbes. Le lycée du Fresne teste ou a testé la méthode en culture de thym et de verveine citron. Enfin, l'Iteipmai travaille sur la mélisse.

Technique d'application de la paille

Nous appliquons la paille sur le sol en la décompactant. Cela représente environ 1 kg de paille par mètre carré. Après application, le sol ne doit plus être visible et la couche de paille doit être de 10 à 15 cm. Par souci de clarté, les enseignements obtenus vont être présentés de manière synthétique.

Le paillage avec de la paille est-il suffisamment efficace ?

Conditions lors de l'implantation

Nos essais (treize essais sur dix taxons différents) ont montré que la paille contrôlait généralement correctement les adventices (régulièrement jusqu'à 90 % d'efficacité) jusqu'à quatre-six mois.

Cependant, pour trois essais nous avons observé des échecs avec des adventices insuffisamment contrôlées dès l'application. Nous attribuons cela à deux causes.

La première est l'irrégularité du sol. Si le sol n'est pas plan, il existe alors des zones où la couche de paille est trop mince. Les adventices parviennent donc à la traverser à ces endroits.

La seconde situation d'échec a été constatée lorsque les conditions climatiques pendant et juste après le paillage étaient particulièrement pluvieuses.

Pour les autres situations (conditions climatiques ensoleillées, sol plus ou moins plan), la méthode de paillage permet un contrôle efficace des adventices, surtout les adventices annuelles.

Au fur et à mesure que la paille vieillit, elle se dégrade et devient de moins en moins efficace (voir Figure 2).

Tous les six mois, biner puis repailler

Après environ six mois, il est nécessaire de renouveler la paille. Pour cela, nous binons le sol (ce qui enfouit les restes de paille et détruit les adventices), nous fertilisons si nécessaire puis nous repaillons.

La question du chardon et du liseron

Deux espèces d'adventices, particulièrement coriaces, ne sont pas contrôlées. Il s'agit du chardon des champs (Cirsium arvense) et du liseron (Convolvulus arvensis).

Dans deux situations, nous avons dû appliquer un herbicide de contact pour les contrôler. À part les repousses de blé et ces deux vivaces, la paille contrôle efficacement les annuelles et même les vivaces (voir Figure 3). Après plusieurs mois, lorsque la paille est fortement dégradée, l'efficacité disparaît. C'est le moment de biner et de repailler. Malgré la présence de quelques adventices, nous n'avons pas constaté d'effet négatif sur la croissance (voir paragraphe : « Et la faim d'azote ? » page suivante).

De la paille, oui, mais laquelle, et comment ?

Paille de blé plutôt que d'orge

En culture de mélisse et de thym nous avons testé l'orge en comparaison avec le blé. Dans la majorité des cas, nous avons constaté davantage de repousses d'orge que de blé. En effet, la paille peut contenir des graines de la céréale dont elle est issue...

Par ailleurs, la paille de blé contrôle plus efficacement les adventices. Il convient donc d'utiliser de la paille de blé.

Paille broyée ou paille entière ? Difficile de trancher...

L'ouvrage de M. Fukuoka signale que la paille doit rester entière pour conserver sa qualité. Initialement nous ne comptions pas tester le broyage. Mais de nombreux professionnels pensaient que l'application serait facilitée si la paille était broyée. Nous avons donc testé cette option.

Résultat : nous avons constaté que suivant le type de machine, cette action pouvait réduire fortement les levées de blé et d'orge, avoir peu d'impact ou au contraire provoquer des levées massives.

Au lycée du Fresne, trois semaines après application, l'orge recouvrait 10 % de la surface de la modalité témoin contre plus de 50 % pour la modalité « paille non broyée ». Le broyage serait-il donc néfaste ?

Au contraire, dans l'essai mené à l'Iteipmai, la modalité broyée a présenté beaucoup moins de repousses que la modalité témoin. On ne sait pas si cela est dû à l'écrasement des graines du fait du broyage ou à la séparation des graines de la paille au moment de leur expulsion à la sortie du broyeur. En tout cas, devant cette contradiction (Figure 4), il est difficile de savoir s'il faut broyer ou non la paille. Le mieux reste encore de tester sa broyeuse sur une petite surface avant de pailler de grandes superficies et de s'assurer de la propreté de son origine.

Il est inutile d'appliquer un herbicide antigerminatif sous la paille

Appliquer un antigerminatif sur le sol avant le paillage permet-il d'améliorer encore l'efficacité de la paille ? Nous avons testé cette option en culture de bulbe.

Quatre modalités ont été testées : une référence chimique (binage, plantation, application d'isoxaben dans la spécialité Cent7), deux modalités « avec paillage », une appliquée par beau temps et l'autre par temps pluvieux, et une modalité semi-alternative où nous avons appliqué de l'isoxaben après plantation et avant paillage. Les résultats indiquent que l'application d'antigerminatif n'est pas utile.

En effet, les adventices ne sont pas mieux contrôlées (voir Figure 5). De plus, le calibre des bulbes est inférieur avec l'antigerminatif (voir Figure 6). Il est donc inutile d'appliquer un antigerminatif sous la paille.

Pas de faim d'azote

Dans tous nos essais, nous n'avons jamais constaté de réduction de croissance due à la consommation de l'azote par la paille.

Au contraire, pour les essais réalisés sur sol sableux, très drainant et pauvre, nous avons à chaque fois constaté un gain de croissance, que ce soit en cultures courtes comme les bulbes d'ornement ou en cultures longues comme les arbres d'ornement ou fruitiers. L'épandage de paille ne provoque pas de faim d'azote !

Ce paillage ne convient pas à toutes les cultures

Nos différents tests ont montré que le paillage n'était pas applicable à toutes les cultures. Deux causes à cela.

D'abord, le paillage entretient l'humidité au niveau du collet des plantes. De ce fait, les plantes sensibles type Choisya ou aromatiques méditerranéennes vont mal réagir, avec des pertes importantes.

Ensuite, le paillage fonctionne en « étouffant » les adventices qui ne parviennent pas à percer la couche de paille. Ainsi, il ne faut pas pailler des cultures trop frêles. Par exemple, en culture de dahlia, il est préférable de ne pas pailler à la plantation des boutures (comme on le fait pour les autres cultures) mais d'attendre quelques semaines que les plantes soient assez développées pour traverser la paille. Autre option : retarder la plantation pour utiliser des jeunes plants plus forts. De même, il est conseillé d'éviter de pailler les plantes buissonnantes, semi-rampantes. En effet, les applications de paille sont alors rendues très difficiles.

Et les effets collatéraux ?

Moins d'interventions

Nous avons vu les effets d'un paillage sur le développement des adventices. Mais d'autres effets ont-ils été relevés ?

D'abord, le paillage réduit le nombre d'interventions : deux ou trois interventions annuelles au lieu de cinq, d'où une économie de main-d'oeuvre non négligeable.

Ravageurs, maladies : rien à signaler

Ensuite, la paille provoque-t-elle des effets phytosanitaires, à l'image de celui de la cosse de sarrasin sur la ponte des otiorhynques en hors-sol ? En fait, aucune différence d'attaque de ravageurs et de maladies n'a pour l'instant été observée entre parcelles binées et parcelles paillées.

La croissance des plantes est favorisée

Par ailleurs, concernant la croissance des plantes et dans tous nos essais, nous n'avons pas constaté de croissance inférieure ; elle est même supérieure lorsque le sol paillé est pauvre. Des retards peuvent être constatés en début de culture, nous l'avons noté avec les bulbes, mais en fin de culture, les plantes paillées avaient rattrapé leur retard et même dépassé celles des parcelles témoin.

La qualité des sols est améliorée

Les derniers types d'effets collatéraux sont ceux sur l'état du sol. Comme on peut s'y attendre, le paillage réduit la battance et les besoins en arrosage. La paille rend le sol plus meuble, ce qui augmente la rapidité de pénétration de l'eau, et le couvert limite l'évaporation. Elle « amortit » la pluie, ce qui réduit voire annule les phénomènes de battance. Un effet certainement lié au précédent concerne la vie du sol, donc sa structure. Nous avons réalisé des tests en sol sableux et pauvres, et des tests en sol argileux. Après deux à trois ans de paillage en continu, nous avons constaté des améliorations notables de la qualité de ces sols.

Le sol sableux est rendu plus compact et plus foncé (voir photo 5). Pour le sol argileux c'est l'inverse, il est moins compact, plus foncé et beaucoup plus friable qu'un sol à nu (voir photo 6). Il est plus facile à travailler.

Parallèlement, nous avons constaté une très forte augmentation des populations de vers de terre dans les parcelles paillées.

Nous avons également pu observer des champignons à carpophore (voir photos 7 et 8).

Les vers de terre et les champignons se développent certainement parce qu'ils consomment la paille.

L'abondance de vers de terre entraîne une abondance de déjections et de galeries. Ceci peut probablement expliquer la plus grande compacité du sol sableux (déjections) et la plus grande friabilité du sol argileux (galeries). Ainsi le paillage en continu d'une parcelle avec de la paille permet, en quelques années seulement, une amélioration notable de la qualité biologique et physique des sols.

Bâtir avec la paille

Archaïque, peut être, mais efficace

Le paillage avec de la paille semble être une méthode archaïque, peu technologique et peu évoluée. Finalement, il n'en est rien ! Cette méthode apporte de nombreux avantages en plus de contrôler les adventices. Elle améliore la structure et la vie du sol, diminue l'érosion et la battance, favorise la croissance des plantes et réduit les besoins en arrosage ! Cette technique simple et peu onéreuse apporte donc de multiples avantages à la culture.

Le travail continue

En 2015, nous allons travailler sur les possibilités de mécanisation. Différentes pailleuses existent déjà, nous allons les tester pour identifier les machines les plus performantes. En suivant la voie tracée par Masanobu Fukuoka, nous pourrions imaginer travailler sur des itinéraires plus intégrés où la paille serait produite sur la parcelle destinée à la culture et où les plantations se feraient sans travail du sol...

(1) Dans le texte français, il est indiqué orge. Cependant, le traducteur signale que le terme japonais utilisé par Fukuoka peut s'appliquer à l'orge ou au blé. Vu les résultats de nos essais, il semble que ce soit du blé.

1 - Itinéraires de culture avec paillage

Ligneux à plantation automnale

Novembre :

1. Binage superficiel

2. Plantation

3. Paillage (1 kg/m²)

Avril-mai : renouvellement de la paille (1. binage. 2. fertilisation si nécessaire 3. paillage).

Juin-juillet : application d'un herbicide de contact si développement trop important de vivaces.

Novembre : renouvellement de la paille.

Bulbeuses issues de bulbe

Plantation automnale

1. Binage superficiel

2. Plantation

3. Fertilisation si nécessaire

4. Paillage (1 kg/m²)

5. Arrachage.

Fig. 1 : Synthèse des efficacités paillage et disques en hors-sol dans les essais Astredhor

L'efficacité des couvertures du substrat (paillage ou disque) est symbolisée par les colonnes bleues ; les colonnes orange montrent l'efficacité des désherbages chimiques mis en comparaison. Cette figure synthétise les résultats de 2006 à 2012. Essais menés par Astredhor entre 2006 et 2010 inclus.

Fig. 2 : Comparaison entre un paillage et un itinéraire classique

La figure montre une efficacité identique entre des parcelles paillées (avec un binage avant chacun des deux paillages et passage d'herbicide) et celles suivant un itinéraire classique (herbicides et cinq binages).

Fig. 3 : Tenir compte de la durée du paillage et se méfier des vivaces

Taux de recouvrement de la parcelle paillée suivant le type d'adventices. Le 1er pic (essentiellement des repousses de blé) correspond à la fin d'efficacité du 1er paillage, Après binage et repaillage, le 2e pic correspond à un fort développement du liseron.

Fig. 4 : Faut-il broyer la paille ?

Comparaison du recouvrement (en pourcentage) par des repousses d'orge après paillage à la paille d'orge, broyée ou non, dans deux essais différents. Il est clair que les résultats de ces deux essais se contredisent mutuellement !

Fig. 5 : En culture de tulipes, l'antigerminatif n'augmente pas l'efficacité du paillage

Évolution du recouvrement des parcelles par des adventices selon la modalité. Essai réalisé à Astredhor en 2014.

Fig. 6 : Tulipes : l'antigerminatif nuit au calibre

Proportion de chaque calibre commercial de bulbe obtenu :

- avec antigerminatif sans paillage ;

- avec une combinaison antigerminatif + paillage ;

- paillage seul (modalités « beau temps » et « temps pluvieux » regroupées car elles donnent des résultats proches en terme de calibre).

REMERCIEMENTS

Nous tenons à remercier notre stagiaire 2014 Ségolène Dandin pour son important travail. Nous remercions également nos partenaires de l'Iteipmai (Jean-Pierre, Matthieu, Stéphane et Ludovic) et du lycée du Fresne (Éric, Marie-Paule et Frédéric). Enfin nous remercions grandement Philippe Oriot, Michel Viault, Fabien Caillon et Alain Pichot qui nous ont fait confiance et ont accepté de tester la technique au sein de leurs productions.

RÉSUMÉ

CONTEXTE - La technique du paillage est répandue en pépinières ornementales hors-sol où le substrat dans les conteneurs est recouvert de matériaux divers qui, entre autres effets, maîtrisent les adventices. Mais elle est difficile à transposer telle quelle en pleine terre. En effet, l'épaisseur de couverture doit être supérieure, donc le coût est trop important. D'où l'idée de l'adapter.

ÉTUDE - Un programme de recherche a comparé l'enherbement permanent à base d'espèces voulues peu concurrentielles, le paillage à base de paille (matériau très peu onéreux et signalé intéressant par ailleurs) et des itinéraires classiques (sols laissés nus par intervention à l'aide d'herbicides et/ou binages).

Il a été mené à Astredhor Loire-Bretagne, sur pommier, Sorbus aria, bulbes et muguet, et sur différentes espèces chez des partenaires.

RÉSULTATS SUR ADVENTICES - L'enherbement est trop concurrentiel sur jeunes végétaux en pépinière. En revanche, le paillage à base de paille s'est montré très intéressant sur plusieurs cultures.

Certaines conditions d'efficacité anti-adventices ont été identifiées :

- lors de l'opération de paillage, choisir une période faiblement pluvieuse et un épandage d'une épaisseur suffisante (chiffre dans l'article) et régulière (avec un sol égalisé afin d'éviter des zones à paillage moins épais) ;

- repailler et biner tous les six mois avant renouvellement ;

- surveiller et traiter par herbicide localisé face à certaines vivaces (chardon, liseron) ;

- inutile d'utiliser un traitement antigerminatif du sol juste avant de pailler ;

- aucune réponse sur l'utilité ou non de broyer la paille.

AUTRES RÉSULTATS - Par ailleurs, plusieurs observations ont été faites :

- il faut distinguer les cultures auxquelles le paillage convient dès leur mise en place, celles sur lesquelles il doit être appliqué quelque temps après, et celles auxquelles il ne convient pas ;

- sur les cultures auxquelles le paillage convient, il n'y a pas d'effet dépressif (pas de faim d'azote) mais un effet positif ;

- aucun effet sur les attaques de maladie ou ravageurs ;

- le nombre d'interventions et d'arrosages diminue ;

- le paillage produit des effets bénéfiques sur le sol.

MOTS-CLÉS - cultures ornementales, pépinières de pleine terre, paillage, paille de blé, adventices, qualité du sol.

POUR EN SAVOIR PLUS

AUTEURS : *A. FERRE, Arexhor Pays de la Loire, Centre Floriloire, 1 rue des Magnolias, 49130 Pont-de-Cé.

**T. HEBBINCKUYS, chargé d'expérimentation à Astredhor Loire-Bretagne site d'Angers.

CONTACT : a.ferre@arexhor-pl.fr

LIEN UTILE : www.astredhor.fr

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