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VIGNE

Premiers essais de paillage naturel

Florence Jacquemoud - La vigne - n°240 - mars 2012 - page 34

Plusieurs organismes testent des paillages naturels pour maintenir les rangs propres sans avoir à désherber. Un feutre végétal se comporte très bien dans l'Aude. En revanche, les granulés de paille se dégradent trop vite.

La chambre d'agriculture de l'Aude est une pionnière en matière de paillage végétal. En 2009, elle a mis en place un essai visant à comparer cette technique au désherbage manuel ou chimique des jeunes plantations. Elle teste ainsi un film plastique de 80 microns d'épaisseur, à base d'amidon de maïs, un mulch composé de granulés de paille compressée et un feutre végétal. L'essai a lieu sur deux parcelles, l'une en terrain plat et l'autre en demi-coteau et exposée au vent.

« Pour le feutre, nous avons contacté la société tarnaise So.tex.tho, spécialiste des feutres végétaux pour l'horticulture. Nous le voulions sans colle, ni liant synthétique », raconte Frédéric Prigent, conseiller viticulture à la chambre d'agriculture, en charge de l'essai avec Fabrice Guilhois, autre technicien de la chambre. Thorenap Vigne, le feutre testé, est réalisé à base de fibres de jute recyclées et de fibres de chanvre. Certifié par Ecocert, il est utilisable en agriculture bio.

Premier bilan après trois ans d'expérimentation

Après trois années d'expérimentation, la chambre d'agriculture tire un premier bilan. Le paillage plastique a donné de bons résultats en termes de contrôle des adventices, de maintien de l'humidité du sol et de croissance des vignes. Sa pose mécanisée est facile. « En revanche, c'est un produit cher qui n'est pas aussi biodégradable qu'annoncé, note Frédéric Prigent. Il laisse des petits morceaux partout, ce qui n'est pas acceptable esthétiquement. » Ce plastique favorise également l'enracinement superficiel des plants.

Les granulés de paille compressée, faciles à poser, se sont vite dégradés. La vigne a moins bien poussé que sur la parcelle témoin, certainement à cause d'un phénomène de faim d'azote. De ce fait, la première récolte en 2011 est inférieure. De plus, les lapins sont venus gratter et des champignons ont poussé sur le paillage.

Seul le feutre végétal donne satisfaction, avec 100 % de reprise des plants. Les rendements et la vigueur des vignes sont équivalents au témoin. Les adventices n'ont pas poussé au travers du feutre dont la couleur terre, est mieux acceptée que le noir du plastique. « Ces parcelles ont même tendance à débourrer plus tard, ce qui n'est pas une mauvaise chose dans les zones gélives, poursuit Frédéric Prigent. Le sol se réchauffe moins vite et il semble que la vie microbienne soit bien meilleure que sous les autres paillages. Des analyses en cours nous le diront. »

Ceux qui travaillent l'interrang devront se garder de recouvrir le feutre de terre, car il se dégraderait trop vite. « Il est possible d'incliner les rasettes pour passer sous le matériau, conseille Frédéric Prigent. Il faut surtout rouler doucement. »

Les techniciens ont testé deux largeurs de feutre (50 et 70 cm) et deux épaisseurs (1 400 et 1 800 g/ m ). La bande de 55 cm de large, pesant 1 400 g/m2, apparaît la meilleure en termes d'opacité, de résistance à la pose mécanique, de durabilité, de maintien de l'humidité et de coût.

Pour l'instant, ce feutre végétal se pose avec un dérouleur pour film plastique, mais l'opération est longue et délicate. La SARL Testas et Romero, fabricant de machines agricoles à Valence d'Agen (Tarn-et-Garonne), construit un prototype de dérouleuse-buteuse, doté d'un système pour fendre le feutre au moment de la pose. Mais, ce dernier peut aussi être pré-percé en usine.

Quant au prix, il est plus élevé que le désherbage chimique, mais plus bas que le désherbage manuel effectué les trois premières années par de nombreux viticulteurs bio. Lorsque la demande sera plus importante, les coûts baisseront.

Les autres essais en cours

D'autres essais, moins avancés, sont en cours. Dans le Frontonnais, au nord de Toulouse (Haute-Garonne), l'IFV Sud-Ouest teste depuis deux ans trois paillages végétaux sur vignes adultes.

« Nous comparons la paille de chanvre (chénevotte), les granulés de paille (avec ou sans herbicide naturel) et les écorces de châtaignier, explique Laure Gontier, ingénieure spécialisée dans l'entretien des sols. L'épaisseur des paillis est de 5 cm, disposés sur trois rangs de 15 m. La paille compressée, facile à mettre en œuvre mécaniquement, s'est dégradée au bout d'un an. Ce matériau n'est pas concluant pour la lutte contre les adventices et nous l'avons abandonné. Nous continuons les deux autres essais et nous publierons des résultats fin 2012. »

En période de sécheresse, ces paillages préservent l'humidité un certain temps, mais se pose ensuite la question de la réhumectation du sol.

Enfin, la Plateforme régionale d'innovation (PRI) Vignes & vins, implantée au lycée Edgard Pisani de Montreuil-Bellay (Maine-et-Loire), met un essai en place pour comparer trois toiles, fabriquées à partir de fibres végétales biodégradables, pour l'instant tenues secrètes. Les essais sont menés sur douze rangs de vignes.

L'un se fait sur vigne adulte, l'autre à la plantation. Les premiers résultats sont attendus en 2015.

Le Point de vue de

Philippe Pons (à droite), vigneron bio au Domaine Loupia, à Pénnautiers (Aude)

« Les rangs paillés sont plus beaux et ont plus de pousses »

Philippe Pons (à droite), vigneron bio au Domaine Loupia, à Pénnautiers (Aude)

Philippe Pons (à droite), vigneron bio au Domaine Loupia, à Pénnautiers (Aude)

« Nous testons depuis un an le feutre végétal jute-chanvre sur 1 ha de plantations, sur un terrain pentu balayé par le vent. Pour la pose, j'avais monté un cadre sur mon tracteur pour dérouler le feutre que j'ai tout d'abord posé sur les plants. Puis, je l'ai percé à l'aide d'une disqueuse à hauteur de chaque plant. Le feutre est épais, un cutter n'aurait pas suffi. Nous avons travaillé une semaine à deux sur ce chantier : un jour pour la plantation, un jour pour l'arrosage et trois jours pour dérouler et percer le feutre. Mais, plus le travail avançait, plus nous allions vite. Avec le feutre, il n'est pas nécessaire de mettre de tuteur aux vignes, ni de sarcler manuellement les plants, comme nous le faisons une fois par an. J'ai calculé que le prix du feutre est compensé par l'absence de tuteur et l'économie de main-d'œuvre. En viticulture bio, c'est une alternative intéressante. Pour comparer les résultats, j'ai laissé deux rangées sans paillage, que nous avons sarclées, mais l'herbe y est présente et elle fait concurrence aux plants. Les rangs paillés sont plus beaux, avec environ 20 % de pousses en plus. Le paillage évite les adventices et garde l'humidité. Ce qui peut aussi être un inconvénient, car cela attire les sangliers. J'ai dû mettre une clôture électrique pour éviter qu'ils viennent tout arracher. »

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