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VIN

Trois producteurs décrivent leur pratique d'assemblage

Olivier Bazalge - La vigne - n°215 - décembre 2009 - page 52

Chacun de ces producteurs poursuit un objectif différent. Le premier veut garder la liberté de composer des cuvées pour le négoce. Le second a bien ciblé les attentes de ses marchés. Quant au troisième, il affirme l'identité de ses châteaux.

Le Point de vue de

« Pas de grands lots pour conserver une variété de profils de vins »

Julien Fauque, œnologue de la cave coopérative de Bonnieux (Vaucluse)

Julien Fauque, œnologue de la cave coopérative de Bonnieux (Vaucluse)

Le moment :

« En novembre, une fois les vins soutirés et sulfités. Nous nous réunissons à trois : le directeur de la cave, notre œnologueconseil et moi-même. »

Les vins à assembler :

« Nous avons 5 000 hl de côtes-du-luberon rosé à assembler, soit vingt à vingt-cinq profils différents. Nous vinifions 80 % de ces rosés avec l'objectif prioritaire d'obtenir une couleur pâle. Pour cela, nous inertons très tôt la vendange au CO2, puis nous la pressons à l'abri de l'oxygène. Ces vins constituent notre profil « goutte ». Les 20 % restants sont les presses qui ont coulé au-dessus de 0,6 bar, et la syrah. Ces lots sont plus colorés. Nous les traitons séparément.

Nous collons les presses à la gélatine pour gommer leur côté dur. Ces 20 % servent de bases très aromatiques. La complémentarité des deux profils nous permet de travailler nos assemblages. La gestion des apports nous donne les moyens d'avoir des cuves de degré homogène, entre 12 et 13 % vol. »

L'objectif :

« Nous avons deux débouchés : le négoce, à hauteur de 3 500 hl, et notre gamme propre, soit 1 500 hl. Le négoce attend avant tout un profil pâle. Pour ce marché, nous ne faisons pas de grands lots. Nous préférons conserver une variété de proposition dans les profils de vins. Nous gardons séparément les différents vins de goutte, afin de préserver les nuances révélées en vinification. Nous y ajoutons 5 à 10 % de base syrah/presse pour renforcer les arômes sans foncer la couleur.

En gamme propre, nous procédons différemment. Nous commercialisons deux vins bien distincts. Le premier est très pâle, frais et facile à boire. Nous sélectionnons parmi les « gouttes » et ajustons la palette aromatique avec une proportion de base plus colorée. Le second profil est plus complexe, plus vineux, plus opulent. C'est la base syrah/presse qui en constitue la trame. »

Le Point de vue de

« Des profils raisonnés pour nos différents marchés »

Cyril Payon, directeur de la cave de l'Ormarine, à Pinet (Hérault)

Cyril Payon, directeur de la cave de l'Ormarine, à Pinet (Hérault)

Le moment :

« Nous ne faisons aucune malo sur les vins blancs. Nous sulfitons après fermentation, puis nous laissons les vins se clarifier pendant quinze jours. C'est alors que nous les dégustons, afin de pouvoir assembler dès le premier soutirage, et ce pour limiter pompages et apports d'oxygène. Les dégustations d'assemblage de nos blancs se font donc en novembre. Nous sommes quatre œnologues de la cave à déguster. »

Les vins à assembler :

« Nous avons 27 000 hl de picpoul-de-pinet, c'est la moitié de notre volume de vins blancs. Par identification parcellaire, nous avons classé nos vignes de picpoul en trois familles de terroirs. Nous subdivisons les apports de chaque famille en cinq catégories : jus issus des vendanges machine, jus de goutte de macération, presses douces (extraites à moins de 0,9 bar), presses extraites à plus de 0,9 bar et, enfin, les jus de filtration des bourbes. Cela conduit donc à quinze catégories de picpoul qui, à la fin, représentent deux cents échantillons à déguster. Nous procédons alors sur plusieurs matinées, en se limitant à trente ou quarante vins par dégustation pour ne pas saturer. Pour faire nos assemblages, nous avons en tête des proportions types, mais nous nous adaptons au millésime. »

L'objectif :

« Des quinze catégories dont nous disposons après vinification, nous faisons trois grands profils, avec une proportion de base plus colorée. Le second profil est plus complexe, plus vineux, plus opulent. C'est la base syrah/presse qui en constitue la trame. » eux-mêmes déclinés en deux ou trois lots, pour arriver à huit lots à la fin des assemblages. C'est beaucoup pour un seul cépage, mais cela nous permet de répondre aux attentes de nos marchés, différentes entre la France et l'export. A titre d'exemple, nous déclinons le profil « tradition », qui représente 17 000 hl, en trois lots : un pour la France, un pour le Royaume- Uni et un autre pour le Canada. Le lot britannique est plus végétal que les autres. Enfin, nous gardons également de côté quelques cuves plus acides pour réajuster en cours d'année des trames acides essoufflées. Nous assurons ainsi un profil homogène sur tous les tirages de l'année. »

Le Point de vue de

« Nous assemblons dès l'encuvage les raisins de terroirs similaires »

Fabrice Dubosc, responsable de production des châteaux Montus et Bouscassé, à Maumusson-Laguian (Gers)

Fabrice Dubosc, responsable de production des châteaux Montus et Bouscassé, à Maumusson-Laguian (Gers)

Le moment :

« Avec l'expérience, nous avons constaté de meilleurs résultats en assemblant le plus tôt possible. Nous assemblons donc les raisins dès l'encuvage. Nous dégustons ensuite tout au long de l'élevage pour suivre l'évolution de ces assemblages. Ces dégustations se déroulent avec les maîtres de chais des deux châteaux, Montus et Bouscassé, et le propriétaire, Alain Brumont, qui apporte une expertise précieuse de ses vins. »

Les vins à assembler :

« Nous assemblons les raisins destinés à la cuvée principale du château Montus d'une part, et ceux de la cuvée principale du château Bouscassé d'autre part. Ce sont deux madirans, produits chacun à 300 000 bouteilles. Ils représentent 70 % de notre récolte. Les 30 % restants sont issus des terroirs très précis que nous conservons séparés de la récolte à la bouteille. Ce sont nos « crus » de vins rouges, que nous n'assemblons pas. Mais les choses ne sont pas figées, car nous expérimentons régulièrement de nouvelles cuvées ou assemblages. »

L'objectif :

« Notre logique est celle du terroir. Lors de l'encuvage, nous associons les terroirs similaires. Pas de galets roulés avec des argilo-calcaires, par exemple. En revanche, nous assemblons dans une même cuve des tannats et d'autres cépages de terroirs semblables. L'observation de l'état des vignes sur l'année et l'expérience des millésimes précédents nous permettent d'orienter ces assemblages. Chaque cuve que nous vinifions correspond à une expression de terroir que nous avons identifiée. Nous conservons ces profils jusqu'en fin d'élevage. Nos vins sont tous élevés en barriques. Nous ajustons les origines de bois et les chauffes à l'acidité aux besoins de sucrosité de nos différents terroirs et au marquage boisé que nous voulons leur conférer. Nous utilisons plus de 50 % de bois neuf. En assemblant dès l'encuvage, nous nous sommes aperçus que le boisé est mieux fondu sans avoir à diminuer la proportion de bois neuf. En fin d'élevage, nous assemblons les terroirs propres à chaque château. Travailler comme cela nous permet d'avoir une vision toujours plus pointue de nos terroirs et de leur expression. Enfin, nous constatons aussi que, commercialement, cette démarche axée sur le terroir est payante. Les clients viennent vers nos vins parce que cette identité et cette typicité leur plaisent. »

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