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DOSSIER - PRODUCTEURS-NÉGOCIANTS : La tension monte - Enquête dans les régions

CENTRE Au rendez-vous des bons amis

Olivier Bazalge - La vigne - n°216 - janvier 2010 - page 62

Les négociants locaux sont de loin les principaux acheteurs des vins du Centre. Egalement producteurs, ils entretiennent une relation proche et cordiale avec la production. Tout le monde y trouve son compte.
Catherine Corbeau-Mellot, directrice générale de Joseph Mellot « Notre contact avec les producteurs ne date pas d'hier. La fidélisation est établie. »

Catherine Corbeau-Mellot, directrice générale de Joseph Mellot « Notre contact avec les producteurs ne date pas d'hier. La fidélisation est établie. »

« La région Centre est une place forte au sein de laquelle le négoce extérieur a une activité marginale comparée à celle des négociants locaux, affirme Jean-Michel Masson, le président du syndicat viticole de l'aire de Pouilly. C'est un peu comme le village d'Astérix, c'est une sorte de conservatisme mais, au moins, il n'y a pas de lutte d'un camp contre l'autre et les cours sont sains. Et puis chacun connaît les difficultés de l'autre. »

Peu de négoce extérieur

Dans la région, les négociants sont tous producteurs. « Par conséquent, tout le monde siège ensemble et se connaît. Les négociants sont des vignerons qui ont réussi sur le plan commercial, ils ont besoin de plus de volume pour répondre à leurs marchés, poursuit le président de l'union viticole de Sancerre, Denis Vacheron. La relation négoce-production est donc bonne. Le seul inconvénient que je vois à ce système est celui de la concentration à long terme. Les négociants rachètent souvent les domaines des vignerons qui arrêtent. Ils augmentent ainsi leur propre surface de production. »

Mais comme les Romains qui encerclent le village d'Astérix, le négoce extérieur est à l'affût d'affaires. Selon Fabrice Robineau, directeur de la cave coopérative de Sancerre (Cher), « il intervient davantage sur des coups avec peu de marge. Une appellation comme Sancerre lui sert alors de produit d'appel pour pouvoir placer d'autres vins à meilleure marge. »

Benoît Roumet, directeur du BIVC, ajoute : « Bien que l'on dénombre une quarantaine d'opérateurs extérieurs qui achètent dans le secteur, ils ne brassent en tout que 6 % des volumes des vins de Centre-Loire. De plus, 95 % de ces entreprises n'achètent que sur Sancerre et Pouilly-Fumé. »

Comment fonctionnent les négociants-producteurs du Centre pour conserver ainsi leur mainmise sur l'achat ? Ils bénéficient tout d'abord de l'exigence réglementaire de vinification dans la zone d'appellation ou dans les communes limitrophes qui leur offre un temps d'avance sur la concurrence extra-régionale. D'autant plus qu'ils achètent de préférence des moûts pour maîtriser leurs vinifications.

Des partenariats solides

La maison Joseph Mellot est l'un de ces négociants-producteurs. La moitié de ses volumes provient de sa propre production, l'autre moitié d'achats. Catherine Corbeau-Mellot, directrice générale de l'entreprise, explique : « Notre activité de négoce est historique, notre contact avec les producteurs ne date pas d'hier. La fidélisation est établie et permet la proximité et une relation de confiance. Pour le producteur, le paiement est garanti, ce qui n'est pas évident aujourd'hui sur les marchés export. Pour nous, l'activité de négoce nous permet d'approvisionner nos marchés en volume. »

« Le fait que nous soyons nous aussi producteurs nous empêche de faire n'importe quoi avec les prix, contrairement au négoce extérieur, souligne Jean-Louis Saget, PDG des domaines Guy Saget, un autre négociant-producteur. Ne pas garder un prix correct pour nos apporteurs, c'est aussi nous pénaliser comme producteurs. On ne veut pas se tirer nous-mêmes une balle dans le pied ! »

Chaque année, l'interprofession recense de nouveaux producteurs qui prennent eux aussi une carte de négoce pour acheter du raisin. Benoît Roumet explique que, malgré cela, « le pourcentage d'achat de raisins reste stable depuis dix ans. Les partenariats production-négoce sont solides, même s'ils ne sont pas contractualisés, et tout le monde vit bien de son produit. »

Pour l'heure, la stabilité de ce fonctionnement n'est pas remise en cause, comme l'explique Jean-Michel Masson. « Tout le monde n'a pas les marchés suffisants pour écouler sa production en bouteilles. Le négoce permet donc un équilibre, en plus de la coopération. Ainsi, une bonne partie des producteurs fonctionne avec les trois débouchés : un tiers de la production est vendu en bouteilles, car c'est la meilleure valorisation du produit. Un autre tiers est vendu au négoce, qui paie plus vite, et enfin le dernier tiers est vendu à la coopération, qui paie un peu mieux que le négoce, mais plus tard. » Les bons comptes font les bons amis.

46 %

Le poids du négoce 46 % des volumes de la région Centre sont commercialisés par le négoce. (Source : interprofession)

Les trois premiers acheteurs Maison Henri Bourgeois, Maison Joseph Mellot, Domaines Guy Saget et Fouassier. (Estimation « La Vigne » selon des sources professionnelles)

L'essentiel de l'offre

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