GILLES ET PASCALE MASSENOT-PONS vendent 10 % de leur production dans leur caveau ouvert tous les jours de 9 heures à 19 heures, sauf les dimanches et jours fériés. Il jouxte les bureaux de l'exploitation. Deux employés sont disponibles en permanence pour accueillir les clients. © PHOTOS F. BAL
« Nous pensions travailler à mi-temps. » Lorsque Gilles Pons et Pascale Massenot décident de devenir vignerons, ils sont loin de se douter de ce qui les attend. Il était chef d'une entreprise en informatique. Elle travaillait pour le Club français du vin. Diplômés de l'école supérieure de commerce de Lyon, ils exerçaient en région parisienne.
« Nous nous y connaissions en commerce, mais pas en culture de la vigne », poursuivent-ils. En 1993, ils achètent un domaine de dix hectares à La Londe-les-Maures, dans le Var, qui livre toute sa production à la coopérative du village. Quatre ans plus tard, ils s'installent définitivement et élaborent leur premier millésime en côtes-de-provence avec l'aide d'un employé et de l'œnologue Daniel Abrial, qui les conseille toujours.
Ils démarrent avec un millésime difficile. En 1997, la vendange est très atteinte par la pourriture grise. « Nous avons énormément trié », se souviennent-ils. C'était la seule façon de réaliser un bon produit. Ils mettent toute la récolte en bouteilles. « Pour vivre sur dix hectares, c'est indispensable », commentent-ils. Le château les Valentines était né. Aujourd'hui, la propriété compte 35 hectares et valorise bien ses vins.
Dès le départ, ils fixent des tarifs assez haut, « à l'image » des domaines voisins. « Et depuis, on surfe sur l'explosion du marché haut de gamme », souligne Gilles Pons. La cuvée principale, le château les Valentines rosé, produite à 120 000 bouteilles est vendue à 10,70 euros TTC, soit trois fois le prix moyen de vente des rosés de la région en grande surface. Mais « hors grande distribution, ce n'est pas énorme », tempèrent-ils.
En s'installant, ils ont pris des risques. « Il n'y avait ni chai, ni cave. Tout était à faire. Nous sommes partis la fleur au fusil », témoignent-ils. Ils ont investi 3,5 millions d'euros, achat des terres compris. Ils ont construit quatre bâtiments aux couleurs provençales et ouvert le caveau dès la première année. Ils ont acheté leur matériel à mesure qu'ils se sont agrandis pour rester autonomes (2 000 hl de cuverie, deux pressoirs pneumatiques, une embouteilleuse, etc.).
Dès le départ, ils optent pour un habillage « sympa », alors que ce n'était pas encore la tendance. L'étiquette séduit. Elle n'a pas bougé depuis. Ils décrochent leur premier client, le caviste Lafayette gourmet, à Paris, suite à une demande d'échantillons pour la Saint-Valentin. Ils vont astucieusement transformer l'essai en fixant le 14 février, jour de la Saint-Valentin, comme rendez-vous annuel de lancement du millésime auprès de leurs clients auxquels ils vendent le château les Valentines comme « le vin des amoureux ».
Ils ne participent qu'à des salons professionnels, mais ils répondent à toutes les demandes d'envoi d'échantillons émanant de la presse ou des sommeliers. Résultat : le domaine est cité régulièrement dans des guides et magazines. D'autant qu'il crée régulièrement des cuvées spéciales en petites quantités (entre 5 000 et 7 000 cols) qui suscitent la curiosité.
Ainsi, « Bagnard », assemblage de mourvèdre, syrah et cabernet-sauvignon, est conçu comme « un vin rouge d'initiés », élevé en demi-muids (19,50 euros). Et la cuvée 8 de La Londe, rosé de macération pelliculaire, naît en 2008, année de naissance de l'appellation Côtes-de-Provence La Londe qu'ils ont activement encouragée.
« Nous voulons élaborer des vins qui plaisent, fins et très équilibrés, soulignent-ils. A titre d'exemple, nous vinifions les rouges en partie en cuves en bois de 80 hl, car elles gomment le côté raide des vins jeunes. » Les rosés « doivent être fins, délicats, avec des robes pâles, gras et épicés en bouche. »
Depuis le début, ils cultivent en bio mais, sous la pression du marché, ils ont engagé une certification en 2008. C'est un argument de plus auprès de leurs clients.
« Nous avons sous-estimé le risque climatique, expliquent-ils toutefois. Suite aux rendements excessivement bas de 2003 et compte tenu de notre fort endettement, nous avons créé un négoce afin d'assurer une trésorerie et un revenu réguliers. » La gamme Caprice de Clémentine voit ainsi le jour. Elle représente 40 % des ventes, avec un objectif de 50 %. Elle dispose d'habillages adaptés aux différents marchés (CHR, export, particuliers). « Nous en sommes fiers, même si le négoce a mauvaise réputation en Provence », affirment-ils.
Pascal et Gilles Pons-Massenot réfléchissent aujourd'hui à la mise en place d'une activité œnotouristique ludique et informative avec visites de vigne, reconnaissance des cépages, cours de dégustation… Leur domaine est idéalement situé sur la côte varoise. Ils entendent bien en profiter.
Et si c'était à refaire ? « Nous prendrions le virage de l'export plus tôt »
« Nous avons démarré les ventes à l'export il y a trois ans seulement. Elles représentent aujourd'hui 10 % de notre production. Mais nous n'avons peut-être pas pris ce virage assez tôt. En rencontrant des domaines d'autres régions, nous avons réalisé que nous n'avons pas assez diversifié notre réseau commercial.
Nous n'avons pas assez respecté le sacro-saint principe selon lequel il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier. Nous ciblons l'Europe, en priorité les Pays-Bas, la Belgique, la Suisse, la Norvège et le Danemark. Nous attaquons actuellement les marchés anglais et allemands. Par ailleurs, si c'était à refaire, nous replanterions aussi de l'ugni blanc et du rolle dès notre arrivée sur la propriété. Nous n'avons que 3 ha de blanc, pour une production de 15000 bouteilles.
Résultat : nous sommes systématiquement en rupture de stock. »