Huit nouvelles matières actives ont été homologuées en 2009 et début 2010 Cette situation résulte de la mise en place du nouveau dispositif d'homologation. Depuis septembre 2006, l'Afssa (Agence française de sécurité sanitaire des aliments) est chargée d'évaluer les préparations commerciales. Elle dispose de moyens importants. Elle examine les dossiers dans des délais plus courts. Surtout « nous avons été chargés de résorber le retard accumulé dans le traitement des demandes d'AMM (autorisation de mise sur le marché). De ce fait, en plus du flux habituel des AMM, s'ajoutent ces deux dernières années, les AMM résultant de ces dossiers en stock. En clair, les AMM de produits innovants, évaluées avec des critères d'exigence élevés, bloquées ou retardées depuis six ou sept ans, sont sorties au cours des deux dernières années », explique l'Afssa.
Après des années bien maigres, l'innovation est de retour sur le marché des phytos. Nous avons répertorié pas moins d'une vingtaine de nouveaux produits qui sont mis en marché cette année ou qui ont fait l'objet d'une précommercialisation la saison dernière. Certes, la plupart ne sont que des déclinaisons de produits existants. Mais il y a plusieurs réelles nouveautés. Parmi les antimildious, Mildicut sort du lot, de l'avis des experts et des distributeurs que nous avons interrogés. Tous s'accordent à dire que c'est un vrai « quatorze jours ». Dans tous les essais, ce produit a tenu cette cadence quelle que soit la pression de mildiou. En l'utilisant, on peut donc mieux programmer les travaux à la vigne.
La cadence s'allonge aussi chez les antioïdiums. Les viticulteurs vont disposer de deux fongicides pouvant tenir jusqu'à vingt et un jours, dans des conditions particulières. Talendo et Tsar, les nouveautés, apportent une sécurité contre l'oïdium, à un moment où l'on relâche souvent les cadences parce que la pression de mildiou diminue. Ils réduisent le risque d'avoir des attaques tardives d'oïdium.
Du côté des insecticides, c'est l'arrivée du Runner : un RCI qui se positionne avant le début des pontes pour la cochylis. Mais qui peut s'appliquer jusqu'au stade tête noire des œufs d'eudémis, sans perte d'efficacité contre ce ravageur. Avec ce produit, il n'est plus nécessaire de déclencher les traitements dès la réception du bulletin signalant le tout début des pontes. Là encore, l'utilisateur dispose de plus de souplesse pour s'organiser.
Prudence
Mais ce produit est assorti d'importantes restrictions d'utilisation, que la firme espère voir lever rapidement et qui nous rappellent aux règles de prudence lorsqu'on emploie des produits phytos. En effet, à force d'avoir été trop ou mal utilisés, des familles entières de produits ont perdu tout leur intérêt. Pour éviter que cela se reproduise, les vendeurs tempèrent leur enthousiasme.
Le Point de vue de
Qu'attendez-vous des innovations ? Trois viticulteurs répondent
« J'attends de voir comment les produits se comportent sur le terrain »
« J'utilise rarement les nouveautés dès la première année. J'ai eu, par le passé, quelques mauvaises expériences. En plus, je fais de la prestation de service. Si le nouveau produit rencontre un problème d'efficacité ou de sélectivité, je serai responsable. Je préfère attendre de voir comment il se comporte sur le terrain avant de l'acheter.
Mais je ne suis pas contre les nouveautés. Bien au contraire. Nous en avons besoin. Un nombre croissant de produits sont interdits. Et, les restrictions s'accumulent. Il devient compliqué d'élaborer les programmes de traitement. Pour le mildiou et l'oïdium, il faut trouver dix traitements en moyenne (huit à douze selon les années) en tenant compte des recommandations des notes nationales, pour gérer les résistances. Au final, tous les vignerons se retrouvent avec le même programme, avec un risque de concentration des matières actives dans les eaux. Les nouveautés sont donc bienvenues. Cette année, nous allons intégrer l'antimildiou Mildicut dans notre programme. Comme il appartient à une nouvelle famille chimique, il nous offre une possibilité d'alternance supplémentaire. Les essais sur son efficacité semblent concluants, mais je reste prudent. »
Le Point de vue de
Qu'attendez-vous des innovations ? Trois viticulteurs répondent
« Plus le panel de produits est grand, mieux c'est »
« Chaque année, des produits sont interdits. Et il en disparaît plus qu'il n'en apparaît. L'arrivée de nouveautés est une bonne chose. Plus le panel de produits est grand, mieux c'est. Nous avons plus de possibilité d'alternance, ce qui évite l'accoutumance des parasites. Mais il faut également voir les coûts. Si une nouveauté est bien placée au niveau prix, je l'utilise. Sinon j'attends de voir ce qu'elle apporte de plus par rapport aux produits déjà présents sur le marché. Pour l'oïdium, nous avons désormais le proquinazid. Sa cadence de vingt et un jours est intéressante. Mais il nous faudrait aussi un antimildiou qui bénéficie de la même cadence. Pour l'oïdium, nous attendons des produits plus curatifs et d'autres plus respectueux de l'environnement. Pour le mildiou, c'est pareil, nous souhaitons des nouveautés plus écologiques et surtout moins chères. Mais c'est surtout au niveau du désherbage que nous en attendons. La palette des herbicides disponibles est aujourd'hui très réduite. Dans mes parcelles, je ne peux guère utiliser que le glyphosate et le flazasulfuron (Katana). Or, je commence à avoir des inversions de flore, notamment une progression de l'érigéron. Un nouvel herbicide serait le bienvenu. »
Le Point de vue de
Qu'attendez-vous des innovations ? Trois viticulteurs répondent
« On parlera de nouveautés quand il y aura un produit efficace sur l'esca »
« J'ai le sentiment qu'il n'y a pas de réelle innovation en viticulture. Certes, il y a de nouvelles homologations. Mais les firmes phytosanitaires font des assemblages de matières actives différentes, changent les formulations ou utilisent des molécules déjà homologuées sur d'autres cultures. Il y a même des choses qui m'inquiètent. Je vois des publicités vantant les nouveautés pour lutter contre les maladies du bois. Or, lors de journées techniques, des chercheurs nous ont bien dit que les Trichoderma n'ont pas d'effet sur ces maladies. Le jour où l'on aura un produit vraiment efficace sur l'esca, on pourra parler de nouveautés. J'attends aussi des solutions qui nous permettront de réduire les quantités de phytos et d'avoir des produits plus respectueux de l'environnement. Or, je n'ai pas l'impression qu'il y ait beaucoup de recherche sur le terrain. On retourne même en arrière. Par exemple, pour lutter contre les vers de la grappe et la cicadelle verte, j'utilisais Cascade. Mais il vient d'être classé T. Je ne peux plus le mélanger avec mon antimildiou. Je suis donc obligé d'effectuer un passage supplémentaire. Aujourd'hui, les seules nouveautés que l'on a ce sont des contraintes. Ce n'est pas comme ça que l'on progresse. »