Notre époque se distingue des précédentes par une profusion invraisemblable d'interdits. Il semble que les hommes de pouvoir aux costumes bien trop grands pour eux ne puissent montrer leur présence que par l'invention de nouveaux interdits. Les règlements administratifs, les règles financières, les textes juridiques, par superposition, constituent un écheveau qui crée des situations plus que kafkaïenne, dantesque. Un enfer pour ceux qui les vivent. De ce fait, l'alcool ou plutôt les alcools deviennent les seuls exutoires momentanés qui peuvent aider à supporter cette pression.
Pour les jeunes « l'idéal » avancé est « travailler plus pour gagner plus », alors que le nombre de chômeurs et le nombre de mise au chômage n'ont jamais été aussi élevés. D'autre part, le symbole proclamé de la réussite personnelle est de posséder l'outil indicateur de l'instant T (je dis une montre de marque). Ce qui pourrait être une bonne définition de la futilité, de l'éphémère et du superfétatoire, à l'heure où l'essentiel fait défaut.
Devant une réalité aussi déprimante, inconsistante et sans perspective d'avenir, on comprend que les jeunes, même diplômés des grandes écoles se « mettent minable » le samedi soir.
L'alcool n'est pas le vin. « Avec le vin, nous arrivons à la partie intellectuelle du repas » (A. Dumas). Le vin se déguste, et par son identité (les origines et le millésime), il est un marqueur des évènements de notre vie. Il prend place dans notre culture et dans notre histoire personnelle, il participe à la construction de notre personnalité. Si les rites de dégustation sont les mêmes, les ambiances varient et le vin prend alors le sens que nous lui imprimons. C'est bien une boisson intellectuelle.
Aujourd'hui, la France produit 60 millions d'hectolitres de vin avec 900 000 hectares de vignes. Il faut rappeler qu'en 1875 (où l'on aurait pu croiser Victor Hugo, Flaubert, Maupassant, Zola, Daudet, Rimbaud…), la France produisait de l'intelligence, des idées, des grands hommes et aussi 84,5 millions d'hectolitres de vin (record jamais égalé) avec 2 500 000 hectares de vignes.
Alors que cesse cette profusion d'interdits aliénants et la répression de l'intelligence. Que la Loi Evin contre le vin (qui semble sortie du « Roman de la Bêtise ») soit annulée et le vin comme alcool pour se saouler (sorti lui du « Dictionnaire des idées reçues ») retrouve son rang de boisson festive et intellectuelle. Mais pour cela, il faut avoir les moyens de le dire, de l'expliquer, de le montrer et de le partager.