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VIN

Au cœur d'une cave de vinification à façon

Marine Balue - La vigne - n°222 - juillet 2010 - page 46

Vino-Tec élabore des vins à la carte. Voici comment cette cave fonctionne.
FABIEN PUJOL a créé Vino-Tec, une entreprise de prestation de services vinicoles. Son activité principale est la vinification à façon, qu'il a lancée en août 2009. Ici, il se trouve à côté des cuves d'élaboration de rouges. © PHOTOS M. BALUE

FABIEN PUJOL a créé Vino-Tec, une entreprise de prestation de services vinicoles. Son activité principale est la vinification à façon, qu'il a lancée en août 2009. Ici, il se trouve à côté des cuves d'élaboration de rouges. © PHOTOS M. BALUE

Mi-juin, Fabien Pujol me recevait dans les locaux de Vino-Tec, à Autignac (Hérault). Le jeune homme a créé cette société en 2008, après avoir exercé dix ans dans l'équipement de caves.

Au départ, inscrit comme négociant, il s'est orienté vers la prestation de service en août 2009. Avec son associé Walter Valgalier, œnologue, il propose à des propriétaires récoltants de la région de vinifier leurs raisins à façon. « L'idée est qu'ils puissent avoir le vin de leur domaine, explique Fabien Pujol. Mais avec un investissement financier limité. »

Des vins sans IG aux AOC

Pour l'instant, Vino-Tec compte sept clients, parmi lesquels des viticulteurs qui ne possèdent pas de caves ou bien qui ont des installations trop vétustes pour réaliser de bonnes vinifications.

Lors de sa première campagne en 2009, l'entreprise a vinifié 8 500 hl environ, des vins sans indication géographique, des IGP et des AOC. « Autignac est dans l'appellation Faugères, mais est limitrophe de l'aire de Saint-Chinian. Nous pouvons donc vinifier les raisins provenant des deux appellations et les revendiquer », précise Fabien Pujol. Le chai fonctionne « à la carte ». Il établit un cahier des charges avec chaque client. Vino-Tec peut assurer la vinification, l'élevage, le conditionnement… « Certains nous confient toutes ces tâches. Mais nous avons trois clients qui récupèrent leurs vins et les élèvent dans leur cave », décrit Fabien Pujol.

Le service peut être une simple mise à disposition de matériel. « Un de nos clients vient vinifier chez nous avec son propre œnologue. » Mais il inclut souvent la mise à disposition des cavistes de l'entreprise et les conseils de l'œnologue. Pour deux clients se situant hors région, Vino-Tec s'occupe même de trouver le personnel qui cultive le vignoble et élabore les vins jusqu'à l'habillage des bouteilles.

« En fonction du potentiel de la vendange, nous nous mettons d'accord avec le client sur les vins à élaborer, poursuit Fabien Pujol. Par la suite, il peut solliciter nos conseils autant qu'il le souhaite. » Ainsi, certains clients suivent les vinifications de très près. Ils passent régulièrement à la cave pour discuter et participer à l'élaboration des vins. Le jour de ma venue, l'un d'entre eux était présent pour conditionner une de ses cuvées en bib. D'autres laissent le champ libre à Vino-Tec.

L'entreprise est capable d'élaborer n'importe quel type de vin, du plus traditionnel au plus technologique. La société a investi environ deux millions d'euros pour construire la cave et l'équiper en conséquence. Elle possède deux quais de réception. Un quai pour les vendanges récoltées mécaniquement et un autre vibrant « plus qualitatif, avec possibilité de tri ».

De nouveaux investissements pour 2010

Deux pressoirs sont disponibles. L'un, d'une capacité de 150 hl, est équipé du système Inertys qui protège le moût de l'oxydation dans le pressoir et dans la maie. « Il donne de très bons résultats sur les vins technologiques, très aromatiques », indique Fabien Pujol. L'autre est un pressoir pneumatique de 30 hl, idéal pour les petites cuvées.

A l'extérieur, une batterie de cuves inox de 100 à 260 hl héberge la vinification des blancs et des rosés. Un groupe de froid et les doubles parois des cuves permettent de réguler la température. Il est possible de réaliser des macérations préfermentaires à froid : les raisins peuvent être maintenus à 5°C pendant une semaine, grâce à la circulation d'eau glycolée.

Une autre zone est destinée à la vinification de gros volumes de rouges. On y découvre des cuves inox de 500 hl à fond cuillère. « On les décuve sans qu'on ait besoin d'y entrer, pour plus de sécurité », fait remarquer Fabien Pujol. Quelques cuves possèdent même un système de démarcage automatique. Et des cuves inox servent à l'élevage et au stockage.

L'intérieur du chai abrite une cuve en bois, des cuves en plastique (bins) de 10 hl et tout une série de cuves à chapeaux flottants de diverses capacités (20, 30, 50, 70 et 100 hl) pour faciliter les opérations de relogement. Ces contenants servent tous à la vinification et au stockage des vins des petits propriétaires. Vino-Tec possède également des filtres et du matériel pour la mise en bouteille et le conditionnement en bib.

Au final, selon le volume traité et le type de vin, les coûts de vinifications vont de 25 à 45€/hl. Cette année, Fabien Pujol et Walter Valgalier vont investir dans la macération préfermentaire à chaud. Ils installeront également un filtre tangentiel pour les moûts et les vins. Ils souhaitent aussi agrandir leur chai pour y loger les barriques qui sont dans d'autres locaux pour l'instant. « Nous nous adaptons afin de répondre aux attentes d'un maximum de clients. Ce qui nous aide aussi à rentabiliser notre entreprise. »

Pour la saison 2010, leur objectif n'est pas forcément d'augmenter le volume total à vinifier, mais d'avoir plus de clients avec des petits volumes.

Fabien Pujol voit les entreprises de vinification à façon comme une solution aux difficultés actuelles : « Beaucoup de viticulteurs qui ne s'en sortent pas finissent par arracher et arrêtent tout. Nous leur proposons peut-être un moyen de continuer leur activité. »

Pas encore de statut spécifique

Les chais de vinification à façon commencent à se développer. Mais pour l'instant, ils n'ont pas de statut à part entière. Leurs gérants sont inscrits en tant que négociants. Le problème est qu'avec ce statut, les propriétaires des domaines qui apportent leurs raisins dans ces chais et qui leur demandent d'embouteiller leurs vins ne peuvent pas revendiquer la mention « Mis en bouteille à la propriété ».

Pourtant, ce sont des récoltants. La législation est en cours d'évolution. Elle devrait permettre aux viticulteurs faisant appel à la vinification en prestation de service de revendiquer ce droit.

Le Point de vue de

Geneviève et Denis Cabrol, avec leur fils, propriétaires du Clos des Gentillères, à Cazedarnes (Hérault)

« Nous profitons d'un matériel de pointe »

Geneviève et Denis Cabrol, avec leur fils, propriétaires du Clos des Gentillères, à Cazedarnes (Hérault)

Geneviève et Denis Cabrol, avec leur fils, propriétaires du Clos des Gentillères, à Cazedarnes (Hérault)

« Après plus de vingt ans d'expérience dans les vignes, nous avons décidé de passer en cave particulière. Nous voulions valoriser nos vins et transmettre notre exploitation à notre fils. Nous n'avons gardé que les cinq meilleurs hectares sur les dix-huit initiaux. Mais nous ne voulions pas vinifier nous-mêmes. D'abord parce que l'investissement financier est trop important. Ensuite, parce qu'être vigneron est un métier complexe où il faut gérer le vignoble, la vinification et la commercialisation. Pour démarrer, nous avons préféré confier la vinification à des professionnels. Après plusieurs mois à chercher un particulier qui vinifierait nos vins dans sa cave, nous avons entendu parler de Vino-Tec.

C'est la solution idéale ! En 2009, nous avons mené nos premières vinifications. L'œnologue nous a même aidés pour les suivis de maturité à la vigne. A la réception des raisins, nous avons discuté des profils de vins souhaités.

Nous avons élaboré un vin IGP pays d'Oc rouge et un rosé, ainsi que trois AOP Saint-Chinian : un rosé, un rouge fruité et un rouge de longue garde. Vino-Tec prend tout en charge jusqu'à l'élevage, après lequel nous récupérons nos vins. Tout ça avec un matériel de pointe. Nous avons une très bonne relation avec les responsables de la structure, qui sont très disponibles pour répondre à nos interrogations.

Nous sommes très satisfaits du service. En ayant notre propre vin, nous nous sentons vraiment récompensés de nos efforts à la vigne. Nous continuerons avec cette structure jusqu'à ce que notre domaine fonctionne vraiment bien et que nous puissions investir dans un chai. »

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