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VIN - TECHNIQUE À L'ÉPREUVE

La cuve en forme d'œuf « Je voulais un blanc sec avec du gras et non boisé »

Marine Balue - La vigne - n°228 - février 2011 - page 38

Afin d'élargir sa gamme, Fabien Castaing a élaboré un sauvignon blanc dans une cuve ovoïde en béton. Le vin y gagne en rondeur et les interventions sont limitées.
ÉLEVAGE. Fabien Castaing a choisi de vinifier et d'élever un sauvignon blanc dans une cuve en forme d'œuf. L'objectif est d'ajouter un nouveau produit original à sa gamme. © P. ROY

ÉLEVAGE. Fabien Castaing a choisi de vinifier et d'élever un sauvignon blanc dans une cuve en forme d'œuf. L'objectif est d'ajouter un nouveau produit original à sa gamme. © P. ROY

ORIGINE. Fabien Castaing a choisi cette parcelle pour sa cuvée Optimum. Elle porte du sauvignon planté en 2008 sur un beau terroir. © P. ROY

ORIGINE. Fabien Castaing a choisi cette parcelle pour sa cuvée Optimum. Elle porte du sauvignon planté en 2008 sur un beau terroir. © P. ROY

DÉGUSTATION. Mi-janvier, après quelques mois d'élevage, Fabien Castaing et son œnologue sont satisfaits : la cuvée est aromatique et révèle du gras en bouche. © M BALUE

DÉGUSTATION. Mi-janvier, après quelques mois d'élevage, Fabien Castaing et son œnologue sont satisfaits : la cuvée est aromatique et révèle du gras en bouche. © M BALUE

ŒUF. La cuve contient 6,7 hl et trône dans le chai à barriques, dominant les fûts de sa hauteur. © P. ROY

ŒUF. La cuve contient 6,7 hl et trône dans le chai à barriques, dominant les fûts de sa hauteur. © P. ROY

TROUBLE. Plusieurs semaines après la fin des fermentations, le vin est toujours trouble. C'est peut-être dû à une remise en suspension permanente des lies, du fait de la forme ovoïde de la cuve. © P. ROY

TROUBLE. Plusieurs semaines après la fin des fermentations, le vin est toujours trouble. C'est peut-être dû à une remise en suspension permanente des lies, du fait de la forme ovoïde de la cuve. © P. ROY

VANNE. La cuve est équipée d'une vanne de soutirage qui facilitera le nettoyage. Elle peut être équipée d'une porte si le producteur veut l'utiliser pour vinifier des rouges. © P. ROY

VANNE. La cuve est équipée d'une vanne de soutirage qui facilitera le nettoyage. Elle peut être équipée d'une porte si le producteur veut l'utiliser pour vinifier des rouges. © P. ROY

Ces derniers temps, on a vu se multiplier dans les chais les cuves ovoïdes de Nomblot, à la forme bien étrange. Pour la campagne 2010, Fabien Castaing, vigneron au domaine Moulin-Pouzy, à Cunèges (Dordogne), a décidé d'investir dans un de ces « œufs » en béton naturel.

« Je souhaitais compléter ma gamme de vins avec Optimum de Moulin-Pouzy, comprenant un bergerac rouge, un monbazillac et un bergerac blanc, relate-t-il. Pour le blanc, je voulais élaborer un vin haut de gamme très aromatique, non boisé et gras tout en étant sec. »

Son œnologue lui propose alors de tester la cuve « œuf », dont on dit qu'elle a un effet sur la rondeur des vins. « L'œnologue a suivi des essais dans un château voisin, où cette cuve a donné des résultats intéressants », explique Fabien Castaing. Il opte alors pour un modèle de 6,70 hectolitres, le plus petit.

L'œuf en béton arrive dans sa cave début septembre et il choisit de l'installer dans son chai à barriques. L'installation est ardue : la cuve, vide, pèse près de 1 300 kg ! Mais grâce à un système de transport astucieux, elle trône enfin au milieu des barriques. Elle apporte au chai une touche esthétique originale.

Aucun brassage ou bâtonnage n'est nécessaire

Avant de l'utiliser, Fabien Castaing explique qu'il a dû rincer l'intérieur de la cuve quatre ou cinq fois à l'acide tartrique pour l'affranchir (elle est en béton brut, non recouvert).

Pour sa cuvée Optimum blanc, vinifiée et élevée dans la cuve œuf, le vigneron a choisi la seule parcelle de sauvignon blanc du domaine : « Nous l'avons replantée en 2008, à 5 000 pieds/ha. Elle est très qualitative », précise-t-il. En 2010, il souhaitait faire un sauvignon dans un style « fruits exotiques ». Il a donc laissé les raisins arriver à bonne maturité. Il les a vendangés à la main, puis pressés en pressurage direct. « Je n'ai gardé que les cœurs de presse, les meilleurs jus, pour la cuve œuf. Les moûts de début et de fin de pressurage ont servi au bergerac blanc classique, assemblé avec du sémillon. »

Après débourbage en cuve inox, Fabien Castaing a transféré le moût par gravité dans la cuve œuf, sans le sulfiter. Il l'a levuré et l'a laissé fermenter sans intervention particulière. « J'ai juste surveillé la densité, la température et dégusté régulièrement le moût. » Le vin devrait être élevé dans la cuve, sans sulfitage, jusqu'en avril ou mai, selon son évolution.

Le seul inconvénient est qu'à cet endroit de la cave, la cuve ne peut pas être équipée d'une régulation de température. Mais cela ne pose pas vraiment de problème : « Pendant la fermentation, le moût est resté entre 15 et 18°C, s'équilibrant avec l'ambiance du chai. En janvier, j'ai un peu réchauffé le vin en plaçant un petit chauffage au bas de la cuve. »

Depuis le début de la fermentation, Fabien Castaing n'a pratiqué aucun soutirage, brassage ou bâtonnage. « C'est un gain de temps important. » Du fait de sa forme arrondie, un mouvement de vortex est supposé se créer dans la cuve et maintenir les lies en suspension.

Un nouvel œuf pour son monbazillac

Si ce mouvement n'est pas forcément visible, le vin reste assez trouble : « Les lies sont en suspension, elles se déposent un peu au fond et ce dépôt est moins important qu'en fût », estime Fabien Castaing.

Phénomène de « bâtonnage naturel » ou non, la cuve œuf entraîne l'effet escompté. « Le vin a plus de volume, et surtout plus de gras que les autres blancs, se satisfait le vigneron. Il est bien aromatique, mais je ne peux pas affirmer que l'œuf y est pour quelque chose… » Pour lui, cette cuve a le même intérêt que la barrique, offrant la possibilité d'élever le vin sur lies totales, mais sans le boisage. « On garde aussi l'oxydation ménagée, car la paroi de béton est poreuse », remarque-t-il.

Le producteur a obtenu le style de vin qu'il recherchait. Il prévoit d'acheter une autre cuve ovoïde pour son monbazillac, où il assemblera sûrement vins en cuve œuf et barriques.

L'investissement de départ est bien plus important que pour des barriques : environ 3 200 € pour un œuf de 6,7 hl livré, contre près de 2 000 € pour trois fûts. « Mais je peux garder la cuve à très long terme et alterner rouge et blanc dedans, contrairement aux fûts, que je change tous les trois ans. »

L'essentiel, c'est que Fabien Castaing a trouvé un bon moyen de se démarquer, avec un nouveau produit à sa gamme et un objet atypique dans son chai.

Le Point de vue de

Julien Belle, directeur du centre œnologique de Cadillac-Podensac

« La prise de gras est systématique »

Julien Belle, directeur du centre œnologique de Cadillac-Podensac

Julien Belle, directeur du centre œnologique de Cadillac-Podensac

« J'ai dégusté plusieurs essais de blancs élaborés en cuve ovoïde dans le Bordelais et le Bergeracois. Si l'on exclut l'influence du cépage, de la parcelle ou de la vinification, on constate une prise de gras systématique en cuve œuf. Il est évident qu'il se passe quelque chose dans cette cuve, qui implique les lies, ou encore l'oxydation ménagée à travers la paroi en béton.

Mais rien n'est prouvé pour l'instant, les recherches ne font que débuter sur ce thème. La cuve œuf a parfois un impact sur l'aspect aromatique. Dans les comparaisons à la barrique, il me semble que le fruit est mieux préservé par la cuve œuf, le vin n'étant pas marqué par le bois.

Sur les cuves classiques, le fruité apparaît souvent plus explosif et plus tôt que sur la cuve œuf. En revanche, cette dernière joue un rôle de protection des arômes. Les vins sont expressifs plus tard, mais pour plus longtemps. C'est intéressant pour des vins que l'on veut garder un peu en bouteille. Enfin, l'intérêt de ce type de cuve est qu'elle permet d'obtenir un nouveau style de vin. C'est donc un moyen d'élargir sa gamme pour séduire plus de consommateurs. »

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LE TÉMOIN Fabien Castaing

30 ans.

Titulaire d'un BTA.

Sur l'exploitation familiale depuis 2000 et installé comme chef d'exploitation depuis 2007.

48 hectares en production sur les appellations Bergerac rouge, rosé et blanc sec, Côte-de-Bergerac blanc et Monbazillac.

1 800 hl annuels environ, commercialisés en GD, CHR et 10 % à l'export environ.

LE BILAN

Avantages

Apporte du gras au vin.

Gain de temps : pas de bâtonnage, de soutirage ou de brassage.

Alternance vin rouge, vin blanc possible dans la cuve.

Inconvénient

Contrôle de la température difficile (dans la configuration de ce chai).

L'essentiel de l'offre

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