DISCUSSIONS AUTOUR DU TOURAINE SAUVIGNON. Les représentants du négoce et de la production se sont réunis le 2 septembre à Tours (Indre-et-Loire) pour discuter de la prochaine campagne. Un consensus s'est dégagé pour considérer qu'une fourchette allant de 125 €/hl à 130 €/hl serait raisonnable. © C. WATIER
VAL DE LOIRE : Six réunions bien rodées
Ce vignoble est l'un de ceux qui a le plus d'expérience en matière de discussions sur les prix du vrac.
Chaque année, fin août, InterLoire invite les opérateurs des AOC où les achats du négoce sont importants pour discuter du marché.
Objectif : prévoir la campagne.
Ces rencontres réunissent les principaux opérateurs de la production et du négoce de six marchés (muscadet, vins rosés, vins de Touraine, crémant de Loire, vouvray et saumur brut).
Ces six commissions paritaires rassemblent entre dix et vingt intervenants. Certaines fonctionnent depuis plus de dix ans. C'est le cas pour les rosés. L'un des participants à ces réunions explique : « Nous échangeons sur les stocks, les prévisions de vendanges, le marché en aval… Nous finissons par aborder les prix du vrac. S'il y a consensus, cela donne une orientation. Sinon, chaque camp fait circuler son point de vue et le marché fait le reste… »
« La dernière commission des rosés, organisée le 30 août, s'est accordée sur des fourchettes de 140 à 142 €/hl pour l'AOC Cabernet-d'Anjou et de 105 à 108 €/hl pour l'AOC Rosé d'Anjou », indique Yves Matignon, président des rosés et cabernet-d'anjou.
BORDEAUX : Contrats visés, contrôles ciblés
C'était en mai dernier : un courtier pour le compte de Prodis, centrale d'achat de Carrefour, courait la campagne à la recherche des vins médaillés de Bordeaux rouge à 800 euros le tonneau de 900 l. Des prix « honteux » pour la FDSEA de la Gironde. Et un « drame » sachant que le courtier chargé de l'affaire était aussi viticulteur et président d'une ODG ! De ce fait, le syndicat a interpellé le préfet d'Aquitaine, Dominique Schmitt. Le 16 juin, ce dernier a convoqué des représentants du négoce, des producteurs, des courtiers, l'interprofession (CIVB) et la chambre d'agriculture. Il a menacé les négociants qui achetaient à des prix trop bas, d'envoyer les Douanes contrôler leurs chais.
Dans la semaine qui a suivi, une réunion s'est tenue entre le négoce et la Fédération des grands vins de Bordeaux pour adopter une « préconisation » sur les prix. Les participants ont convenu qu'ils ne pouvaient pas être inférieurs à 700 euros le tonneau. De son coté, la FDSEA a écrit à 5 000 viticulteurs pour les inciter à lui communiquer de façon anonyme les bordereaux de transactions en dessous de 700 €/t. « Pour l'instant, il y a peu de retour », admettait, début septembre, Patrick Vasseur, secrétaire général de la FDSEA de Gironde.
Du côté de l'interprofession, on note un changement de ton. « Nous allons cibler nos contrôles qualité sur les opérateurs qui contractent à des prix trop bas, annonce Roland Feredj, directeur. Certes, il est permis de brader son vin. Cela peut être une stratégie d'entreprise. En revanche, si les contrôles révèlent un problème dans la politique de qualité des opérateurs, il est du devoir de l'interprofession d'intervenir. » Des propos attendus depuis longtemps dans le vignoble…
BERGERAC : Objectifs chiffrés envoyés aux viticulteurs
Depuis deux ans, la fédération viticole a engagé une réflexion sur les prix du vrac. « Nous avons demandé une étude sur les coûts de revient à un cabinet comptable, précise Pierre-Henri Cougnaud, le directeur de la fédération. Il a calculé que pour un vin rouge basique bien fait, il faut un prix minimal de 890 euros le tonneau de 900 litres. » L'étude a été transmise aux négociants locaux, histoire de bien se comprendre !
Autre fait notable : la production s'est organisée. Elle s'est regroupée autour de Bergerac vins, chargé de regrouper l'offre en vrac et qui pèse aujourd'hui 70 000 hl sur un total produit dans le vignoble proche de 500 000 hl.
Courant novembre, les principaux intervenants du marché ont pris l'habitude de se rencontrer pour échanger sur la campagne à venir. « Les discussions sont parfois animées, mais au moins nous nous parlons », confie un participant.
A l'issue de ce rendez-vous, « la fédération écrit à ses adhérents pour leur communiquer des objectifs de prix », affirme Alain Philippe, président de la cave coopérative de Sigoulès (Dordogne). L'an passé, la fédération visait 800 €/t pour le bergerac rouge. Au final, le prix moyen de campagne s'est élevé à 771 €/t…
Face à la réaction que les Fraudes pourraient avoir à propos d'un tel courrier, la réponse est claire : « La seule chose qui nous inquiète à la fédération, c'est l'avenir de la filière. Et avec des prix comme nous en avons connus, c'est la faillite pour tous assurée ! »
LANGUEDOC : Entre la pression des coopératives…
Comme chaque année, la fédération régionale des coopératives vinicoles a envoyé, début septembre, un communiqué dans lequel elle fait le point sur les volumes prévus pour la prochaine campagne. Elle estime que compte tenu de leur faiblesse, une revalorisation des cours est indispensable. « Une hausse de 10 % est un minimum », précise Denis Verdier, président de la Confédération des coopératives viticoles françaises.
LANGUEDOC : ...et l'audace des AOC
Du côté des appellations, la réflexion engagée par le Conseil interprofessionnel des vins du Languedoc (CIVL) fait preuve d'audace.
La commission économique est partie du constat suivant : le droit français interdit la revente à perte (cela concerne le négociant et les distributeurs), mais rien n'empêche un producteur de vendre à perte.
« Dans la plupart des cas, un viticulteur qui vend à très bas prix a un problème de stocks ou un souci dans sa façon de travailler, déclare Jérôme Villaret, délégué général du CIVL. Si c'est un souci de gestion d'entreprise, cela le regarde. En revanche, si ce producteur parvient à vendre moins cher que les autres parce qu'il ne respecte pas les règles du jeu des AOC, nous ne pouvons pas le laisser faire. »
En clair, l'interprofession va demander des explications aux « bradeurs ». La théorie est posée. La pratique doit se mettre en œuvre…
COGNAC : Etudes de fond et outils anticrise
Depuis 2005, un groupe de travail calcule le coût de production du vin destiné à la distillation. Tout est pris en compte : renouvellement du vignoble, amortissement du matériel, achat d'intrants, main-d'œuvre…
« La seule donnée à rajouter est la marge du producteur pour développer son entreprise », précise Jean-Bernard de Larquier, représentant de la production à l'interprofession.
Les calculs sont effectués à partir des données de l'année précédente, pour deux profils d'exploitation (15 ha et 40 ha). Ils tiennent compte des modes de conduite de la vigne. Il en ressort un bulletin d'une quarantaine de pages, envoyé fin août aux exploitants. « Cela leur permet de se situer », explique Stéphane Roy, du syndicat des bouilleurs de cru.
« Connaissant le coût de production moyen, le rendement autorisé et le cours du vrac, on sait vite si la production perd ou non de l'argent », poursuit le responsable. Qu'en est-il aujourd'hui ?
A Cognac, le rendement autorisé d'eau-de-vie est fixé chaque année en fonction des prévisions de vente du négoce. Pour 2010, il s'élève à 9 hl d'alcool pur par hectare (AP/ha). Or, « avec les prix actuels, il faudrait récolter 9,5 hl d'AP/ha pour que le viticulteur se rémunère », précise Stéphane Roy. Le syndicat des bouilleurs de cru a donc demandé une « réserve de gestion ». Ce volume, produit au-delà du rendement autorisé, ne pourrait pas être vendu avant une certaine date.
La production espère obtenir la réserve de gestion dès cette année, à hauteur de 0,5 hl d'AP/ha. La demande a été présentée aux pouvoirs publics. Réponse attendue avant la date limite de déclaration de récolte…
Très novateur dans sa réflexion, le syndicat des bouilleurs de crus réfléchit à un système de quota de production par exploitation, applicable en cas de récession des marchés à la consommation… L'objectif serait de permettre aux producteurs de produire autant mais sur une plus petite surface. Affaire à suivre…
Beaujolais : la production ne parvient pas à regrouper son vrac
Depuis la création en 2006 de Caves et vignobles du Beaujolais, les responsables professionnels locaux essaient de convaincre les caves particulières de passer par ce regroupement de neuf coopératives pour la vente en vrac de leurs beaujolais nouveaux. La concentration de l'offre leur paraît en effet le seul moyen d'enrayer la chute des cours. Mais les particuliers n'ont pas suivi les conseils de leurs dirigeants. Pour les inciter à le faire, cette année, l'ODG du beaujolais et du beaujolais villages s'est proposé d'acheter leur production pour mieux la revendre via CVB. L'opération nécessitait un prêt bancaire de huit millions d'euros. Hélas, la production n'a pas réussi à fédérer 70 % des volumes produits, condition fixée par les banques pour accorder le prêt. Face à cet échec, le conseil d'administration de CVB a jugé qu'il ne pouvait pas peser sur le marché, totalisant moins de 60 % des volumes de beaujolais nouveau. CVB s'est mis en sommeil. Les viticulteurs se retrouvent livrés à eux-mêmes…