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VIN

Les copeaux de bois font recette

Chantal Sarrazin - La vigne - n°223 - septembre 2010 - page 40

L'ajout de copeaux de bois en cours de vinification est autorisé depuis l'an dernier. Dans le Languedoc, la vallée du Rhône et à Bordeaux, les vinificateurs qui l'ont pratiqué comptent bien renouveler l'opération.
LE BOIS FRAIS a la faveur des utilisateurs, car les ajouts de copeaux sur moûts n'ont pas pour vocation d'apporter un goût boisé. A ce stade, on recherche une meilleure expression des arômes, une stabilisation de la couleur des rouges, plus de sucrosité et des tanins plus enrobés. © PH. ROY

LE BOIS FRAIS a la faveur des utilisateurs, car les ajouts de copeaux sur moûts n'ont pas pour vocation d'apporter un goût boisé. A ce stade, on recherche une meilleure expression des arômes, une stabilisation de la couleur des rouges, plus de sucrosité et des tanins plus enrobés. © PH. ROY

« Le recours aux copeaux de bois au cours de la vinification, c'est un peu comme l'ajout de sel dans la soupe ! compare Marc Thomas, œnologue et responsable de la production à la cave les coteaux du Rhône, à Sérignan-du-Comtat (Vaucluse). Ils jouent le rôle d'exhausteur du profil aromatique des cépages. » Un constat qu'il dresse après quatre années d'essais menés avec Inter-Rhône sur 400 hectolitres de côtes-du-rhône rouge et 200 hectolitres de blanc en vin de pays de la principauté d'Orange.

« Nous devons proposer un maximum de qualités de vins au négoce »

L'an dernier, il est monté d'un cran. « Nous avons vinifié 1 000 hectolitres avec des copeaux. C'étaient des vins de pays rouge et blanc issus, principalement, de grenache et de viognier, ajoute-t-il. Nous récidivons cette année dans des proportions similaires. C'est peu au regard des 60 000 hectolitres que nous commercialisons, mais l'essentiel est vendu en vrac au négoce et nous devons lui proposer le maximum de qualités de vins. »

En plus de révéler le suc des raisins, l'ajout de copeaux répond à une autre attente de ses clients : il stabilise la couleur des rouges. Intéressant sur le grenache qui a tendance à s'oxyder facilement… Dans le Languedoc, l'usage des copeaux est plus répandu, de nombreuses caves ayant participé aux essais lancés avec les pouvoirs publics au milieu des années quatre-vingt-dix. La coopérative Les Vignobles de Montagnac, dans l'Hérault, est de celles-ci. A l'époque, elle avait le droit de traiter 5 000 hectolitres en vinification. L'an dernier, elle a fait le grand saut. Elle a traité la moitié de ses vins de pays d'Oc rouges, soit 45 000 hectolitres.

« Les copeaux font partie de la panoplie des produits œnologiques à notre disposition, lance Jean-Louis Refle, le directeur. Nous ne les utilisons pas pour boiser les vins, mais pour leur rôle de support aromatique, tannique et d'augmentation de la sucrosité des vins. »

Cette année, Jean-Louis Refle prévoit de vinifier les mêmes quantités. Il marie des copeaux d'origine française et américaine. Il privilégie les bois frais ou peu chauffés. Les doses oscillent entre 1 et 5 grammes par litre selon « l'expression des baies. Si le fruit est au rendez-vous, les copeaux sont inutiles ».

A-t-il mieux vendu ses vins ? « Oui, dans la mesure où nous répondons mieux aux besoins des négociants. Surtout, nous rivalisons enfin avec les pays du Nouveau Monde, tout en gardant notre typicité. »

A Bordeaux, des œnologues très motivés

Même discours à la cave Terroirs en Garrigues, dans le Gard. « Nous vendons l'intégralité de notre production à Val d'Orbieu, expose Etienne de Parzia, le directeur. Cet été, nous avons décidé ensemble des quantités et des cépages auxquels additionner des copeaux, des doses et du type de bois à ajouter. Ces ajouts s'intègrent dans un plan complet de vinification. »

Résultat de ces discussions : 300 hectolitres de syrah, 2 000 hl de cabernet-sauvignon et de merlot, ainsi que 450 hl de chardonnay seront traités à 3 g/l avec un mélange de bois frais et de bois moyennement toasté. Ces cuvées entreront dans les assemblages destinés à produire des vins de marque.

Dans le Bordelais, la cause semble entendue. A l'issue des vendanges 2009, Pascal Hénot, le directeur du centre œnologique de Coutras, a mené une enquête de satisfaction auprès de vingt-huit œnologues conseils de la Gironde. Tous ont dit qu'ils prévoyaient d'utiliser des copeaux sur le millésime 2010.

Dans ce vignoble, on leur attribue les mêmes vertus qu'ailleurs : révélation des arômes fruités, stabilisation de la couleur, augmentation de la sucrosité. On leur prête aussi le pouvoir de corriger une vendange insuffisamment mûre. Au Château Grand Barrail, dans l'appellation Montagne-Saint-Emilion, le maître de chai, Frédéric Revert, a testé l'ajout de copeaux l'an dernier. Cette année, il renouvellera l'opération sur 10 à 20 % de ses cabernet-franc, s'il constate un manque de maturité. « Tout va dépendre de l'arrière-saison », explique-t-il. Si nécessaire, il utilisera du bois frais à raison de 1 g/litre, comme l'an dernier. Il accompagnera l'ajout de copeaux d'une micro-oxygénation.

Mais certains sont encore dans l'expectative. L'an dernier, Laurent Vacher, l'œnologue des vignerons d'Uni-Médoc, a testé des copeaux de bois frais sur 4 000 hectolitres de médoc, à raison de 2 g/l. « Ils pourraient être une alternative aux tannins œnologiques destinés à stabiliser la couleur. Mais nous élevons nos vins douze à dix-huit mois en barriques. Nous devons attendre la fin de l'élevage pour voir si les lots traités aux copeaux sont plus réussis. »

Une prudence de bon aloi, car les essais de la chambre d'agriculture de Gironde montrent que les résultats ne sont pas toujours au rendez-vous. Selon cet organisme, les vins rouges traités aux bois frais en cours de vinification sont la plupart du temps préférés aux témoins, mais pas systématiquement. Un mystère de l'œnologie.

Le Point de vue de

Patrick Chaudet, acheteur vins Moncigale (ex-Chais Beaucairois)

« Les vins copeautés nous ouvrent des portes à l'export »

Patrick Chaudet, acheteur vins Moncigale (ex-Chais Beaucairois)

Patrick Chaudet, acheteur vins Moncigale (ex-Chais Beaucairois)

« Les vins “copeautés” nous permettent de présenter une gamme de produits plus étendue à nos clients étrangers, des acheteurs de la grande distribution pour la plupart. Lorsqu'ils recherchent des couleurs soutenues, de la sucrosité, du gras et de la longueur en bouche, nous intégrons des lots vinifiés avec des copeaux dans nos assemblages. Les produits concernés sont essentiellement des vins de pays d'Oc de cépage cabernet-sauvignon, merlot ou chardonnay. En revanche, ces qualités correspondent moins aux standards du marché français. Il nous arrive de les utiliser pour des marques de distributeurs et pour certaines de nos marques, en assemblage également. Mais, c'est à la marge. Le consommateur français préfère les vins sur le fruit, frais, légers et faciles à boire. On s'en aperçoit avec l'engouement pour les rosés, les vins vendus en Bibs, en poches souples ou en bouteilles de 25 cl. Le “facile à boire” est la clé du marché domestique. »

Le Point de vue de

Guillaume de Jarnac, président du Syndicat des producteurs de bois pour l'œnologie (SPBO)

« La demande est en hausse »

Guillaume de Jarnac, président du Syndicat des producteurs de bois pour l'œnologie (SPBO)

Guillaume de Jarnac, président du Syndicat des producteurs de bois pour l'œnologie (SPBO)

« Nous ne disposons pas de statistiques sur les ventes de copeaux de bois. Les quatorze membres de notre groupe représentent 70 % des volumes commercialisés en Europe. D'après nos estimations, des centaines de tonnes de copeaux ont été vendues lors des vendanges 2009. Il s'agit essentiellement de bois frais utilisés sur des vins rouges et, dans une moindre mesure, sur des chardonnays. Les apports vont de 1 à 3 g/l. Nous prévoyons des ventes en hausse conséquente en 2010. De plus en plus de caves coopératives et particulières vont se convertir à la technique du fait de la satisfaction qu'elle a offerte l'an passé. Mais le facteur climatique sera l'élément déterminant du taux de progression. »

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