CHARGEMENT DE VRAC. La loi de modernisation agricole permet aux interprofessions d'imposer un contrat-type de vente entre production et négoce dans lequel les modalités de collecte des vins devront obligatoirement figurer. © C. WATIER
LE CONTRAT ÉCRIT. « C'est l'outil essentiel de défense du revenu des agriculteurs. Il garantira de la stabilité et de la visibilité sur plusieurs années à des producteurs qui aujourd'hui investissent sur dix ans, mais ne savent pas quel sera leur revenu le mois suivant », a déclaré Bruno Le Maire, le 29 juin à l'Assemblée nationale, alors qu'il défendait son projet de loi. © LUDOVIC/REA
VENTE AU NÉGOCE : La contractualisation à long terme est encouragée
La loi de modernisation agricole (LMA) impose que l'acheteur remette une offre écrite au vendeur. En viticulture, c'est déjà le cas dans presque toutes les régions.
La LMA veut aussi encourager la contractualisation entre producteurs et acheteurs. Pour cela, elle permet aux interprofessions, ou à défaut au gouvernement, de rendre obligatoires des contrats-types de longue durée. Ces derniers comprendront impérativement plusieurs clauses dont :
la durée minimale du contrat,
les volumes et caractéristiques du produit,
les modalités de collecte ou de livraison,
les modalités de détermination du prix,
les modalités de paiement.
D'autres clauses, tels le calendrier de livraison, le principe de prix plancher ou les modalités de révision des prix pourront aussi y figurer. Aux interprofessions de décider si elles veulent les rendre obligatoires !
Ces contrats s'appliqueront entre les viticulteurs et les négociants, les coopératives ou leurs unions de coopératives et les négociants, ainsi qu'entre les unions de coopératives et la grande distribution. En revanche, ils ne s'appliqueront pas entre le négoce et la grande distribution.
Pour que les coopérateurs soient informés des clauses figurant dans les contrats de vente utilisés par leur coopérative ou union de coopérative, celles-ci devront obligatoirement leur remettre un exemplaire de leurs statuts ou de leur règlement intérieur, comportant ces clauses.
Dans l'esprit du gouvernement, les contrats spots, bien que très courants aujourd'hui, deviendront dérogatoires à ceux de longue durée. Les interprofessions pourront toujours en fixer les principales clauses. Par ailleurs, des réflexions sont en cours pour pouvoir adresser les contrats aux interprofessions par mail.
En cas d'infraction, absence de contrat écrit ou manquement à une clause obligatoire, le contrevenant risque 75 000 euros d'amende par an et 150 000 euros en cas de récidive dans les deux ans. Reste à savoir comment cette nouvelle mécanique se mettra en place, car les contrats de longue durée sont encore loin d'être monnaie courante en viticulture.
Pas de prix plancher
Fin juin, avant les ultimes discussions sur la loi de modernisation agricole, l'Association générale de la production viticole (l'AGPV qui regroupe la Cnaoc, la CFVDP, les Vif et la CCVF) demandait dans un communiqué « l'interdiction de vente en dessous du prix de revient ». Elle n'a pas eu gain de cause.
Le gouvernement a expliqué que le droit communautaire de la concurrence empêche la fixation d'un prix. Un argument qui n'a pas convaincu les producteurs. Pas plus que l'intervention de Bruno Le Maire à l'Assemblée nationale, le 1er juillet. Le ministre de l'Agriculture a soutenu que l'interdiction de la vente à perte « ne correspond pas à la logique de la majorité (gouvernementale, NDLR). La logique de la majorité c'est de faire en sorte qu'on réduise les coûts de production des agriculteurs pour qu'ils aient un revenu plus élevé ». Ce à quoi les viticulteurs répondent : exceptées les charges sur les travailleurs occasionnels, quels coûts de production le gouvernement a-t-il réduit ?
Mais tout n'est pas perdu. Il est désormais possible de discuter ouvertement des prix au sein des interprofessions, bien sûr sans fixer de limite inférieure, afin de diffuser des « indices de tendance de marché ». « Nos professionnels vont s'impliquer pour définir ces indicateurs de marché au sein des interprofessions, prévient Pascal Bobillier-Monnot, directeur de la Cnaoc (Confédération des syndicats de producteurs de vins AOC). Ce sera une manière, via la connaissance, de moraliser les échanges. Et puis, nous allons nous investir dans la révision de la réglementation de la concurrence au niveau européen, en 2011. »
INTERPROFESSIONS : Tout le monde paiera la CVO
La LMA apporte un changement de taille dans la territorialité des accords interprofessionnels. Désormais, une entreprise dont le siège social n'est pas situé dans le périmètre géographique d'une interprofession devra tout de même respecter ses règles.
La principale incidence concerne les CVO (Cotisations volontaires obligatoires). Un négociant bourguignon qui achète du côtes-du-rhône devra payer la CVO à Inter-Rhône, alors qu'il en était dispensé jusqu'alors. Cette mesure était demandée depuis longtemps par les viticulteurs. En contrepartie, le négoce extérieur pourra être représenté au sein de l'interprofession à qui il paie des CVO.
Les coopérations autorisées
La LMA permet aux interprofessions de passer des conventions entre elles ou de constituer des fédérations. Certaines missions pourront ainsi être confiées à une fédération d'interprofessions ou être assumées par une interprofession pour le compte d'une autre, comme le suivi aval de la qualité ou l'enregistrement des transactions. Jean-Louis Salies, président du Cniv (Comité national des interprofessions des vins à appellation d'origine) affiche sa satisfaction : « On nous permet de travailler ensemble. Nous allons pouvoir rationaliser les moyens et gagner en efficacité. »
La LMA entérine aussi la création d'interprofessions régionales pour les IGP.
DROIT DES SOCIÉTÉS : Le Gaec entre époux autorisé
Les parlementaires ont donné leur feu vert au Gaec (Groupement agricole d'exploitation en commun) entre époux, entre concubins ou entre partenaires liés par un Pacs. Dans la même logique, époux, concubins et pacsés pourront appartenir à un Gaec comprenant d'autres membres.
Pour éviter tout abus, la loi rappelle que tous les membres doivent être exclusivement agriculteurs. Les comités d'agrément des Gaec y veilleront, ainsi qu'à l'absence de subordination entre ses différents adhérants et à ce que la taille des exploitations soit en adéquation avec le nombre d'associés.
Les opposants à cette ouverture craignaient que Bruxelles revienne sur le principe de la transparence des Gaec, selon lequel tous les associés peuvent percevoir des aides européennes, à la différence des membres des autres sociétés comme l'EARL. Le ministère de l'Agriculture affirme que cela ne se produira pas si n'y a pas d'abus.
FISCALITÉ : Deux avancées
Contre l'avis du gouvernement, les députés ont voté un amendement permettant de délier une petite partie de la DPA (Dotation pour aléas) de l'obligation d'assurance récolte. On pourra ainsi réaliser une DPA de 5 000 euros au maximum, sans souscrire à une assurance récolte. Rappelons que le montant maximal de la DPA est de 23 000 euros.
Par ailleurs, la Cnaoc a obtenu que le calcul du revenu accessoire agricole s'établisse sur trois ans, de manière à accompagner les fluctuations des revenus agricoles. A noter que le revenu accessoire agricole n'a pas changé. Comme avant, il ne doit pas dépasser 50 000 euros ou 30 % du revenu agricole de l'exploitant.
En outre, Bruno Le Maire a obtenu la suppression de l'article qui autorisait le calcul des cotisations sociales des exploitants sur l'année N. On reste donc au calcul sur l'année N-1.
Autres changements : le crédit d'impôt remplacement sera arrêté après 2010 et l'exonération des plus-values ne sera pas étendue à celles réalisées à l'occasion de la transmission d'une exploitation individuelle à des parties d'entreprises individuelles.
Une nouvelle taxe
La LMA instaure une taxe sur le foncier agricole vendu comme terrain à bâtir dans le but de limiter l'érosion des terres agricoles. La viticulture n'était pas favorable à cette taxe, peu efficace à ses yeux et pénalisante pour les retraités ou les vignerons en difficulté qui vendent un terrain pour s'en sortir.
La plus-value sera taxée de 5 % si le rapport entre le prix de vente et d'acquisition est compris entre dix et trente. Elle est nulle si le rapport est inférieur à dix et sera portée à 10 % pour un rapport supérieur ou égal à trente. Le produit de cette taxe sera affecté à un fonds pour l'installation des jeunes agriculteurs.
PROTECTION DES AOC : L'ingrédient alibi est interdit
Le Cniv a obtenu que la mention abusive d'une AOC sur l'étiquette d'un produit agroalimentaire soit passible de deux ans de prison et d'une amende de 37 500 euros. En effet, des industriels introduisent un tout petit peu d'une AOC dans leurs produits pour tirer profit de sa notoriété. Ils font des sablés au champagne ou du coq au vin de chambertin. On parle alors d'ingrédient alibi. Outre le fait de profiter abusivement de la notoriété d'une AOC, l'industriel risque de ternir l'image de celle-ci s'il rencontre des problèmes sanitaires.
INSTALLATION DES JEUNES : Fin programmée des Adasea
A la surprise générale, le ministre de l'Agriculture a imposé le transfert de l'accompagnement de l'installation des agriculteurs aux chambres d'agriculture. Jusqu'ici, les Adasea (Association départementale pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles) remplissaient cette mission. Ce changement semble signer leur fin.
DISTILLATION OBLIGATOIRE : Au ministre d'en décider
La LMA précise « qu'afin de réduire ou éliminer les excédents, le ministre chargé de l'agriculture peut (...) imposer par arrêté des opérations de distillation de crise ».
Cette possibilité, demandée cette année par le muscadet et le Gers, est conforme à l'OCM vin, qui autorise la distillation de crise jusqu'au 31 juillet 2012.