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GÉRER - LA CHRONIQUE JURIDIQUE

Le bail rural survit au preneur

Jacques Lachaud - La vigne - n°223 - septembre 2010 - page 69

Après la mort du locataire, le bail continue de plein droit au profit du conjoint, des ascendants ou descendants ayant participé à l'exploitation.Il continue même au profit d'héritiers qui n'ont pas participé à l'exploitation si le propriétaire ne s'y oppose pas à temps.

Le droit est fait de règles… et d'exceptions. Ainsi, les rapports entre bailleur et preneur sont régis par le principe suivant : le preneur ne peut, sans l'accord de son propriétaire, résilier le bail dont il est titulaire. L'article 411-33 du code rural prévoit quatre exceptions :

« l'incapacité au travail, grave et permanente du preneur ou de l'un des membres de sa famille indispensable au travail de la ferme »,

« le décès d'un ou de plusieurs membres de la famille du preneur indispensable au travail de la ferme »,

« l'acquisition par le preneur d'une ferme qu'il doit exploiter » et

« le refus d'autorisation d'exploiter par l'autorité administrative ».

Qu'en est-il en cas de décès du preneur ? Le code civil, relatif au droit commun, dispose : « Le contrat de louage n'est point résolu par la mort du bailleur ni par celle du preneur. » Sur le même principe, le code rural (article L 411-34) prévoit qu'« en cas de décès du preneur, le bail continue au profit de son conjoint, de son partenaire de Pacs, de ses ascendants et de ses descendants participant à l'exploitation ou y ayant participé au cours des cinq années précédant le décès ». Notons que ce principe est également en vigueur pour les baux d'habitation. Lors du décès du locataire, le contrat de location est en effet transféré « au conjoint survivant, aux descendants ou au concubin notoire qui vivait avec lui depuis au moins un an à la date du décès », selon l'article 14 de la loi du 6 juillet 1989 relative aux baux d'habitation. Un arrêt de la Cour de cassation du 5 janvier 2010 a admis que le descendant ayant une autre profession peut aussi être considéré comme ayant participé à l'exploitation s'il apporte la preuve de la souscription d'une assurance pour des travaux agricoles occasionnels réalisés sur l'exploitation de son père…

Si le principe de la continuité du contrat existe aussi bien pour les baux d'habitation que pour les baux ruraux, une différence de procédure existe entre les deux catégories de contrats. Dans les baux d'habitation, en l'absence des bénéficiaires de l'article 14, le bail est résilié de plein droit. A l'inverse, en matière de baux ruraux, le propriétaire doit saisir le tribunal paritaire pour obtenir la résiliation.

Ce point est essentiel. Si le propriétaire n'agit pas, le bail se continue au profit des héritiers légaux et même légataires universels. Précisons que le bailleur a six mois pour agir. Il s'agit là d'un délai de forclusion. Il ne peut être prolongé ou suspendu. Passé ce délai, n'importe quel héritier remplissant ou pas les conditions de participation à l'exploitation peut prendre la suite du bail.

Dossier solide mais trop tardif

Dans un arrêt rendu par la Cour de cassation le 21 janvier 2009, les juges ont précisé à partir de quelle date le délai court. S'agit-il de la mort du preneur ou de la date à laquelle le bailleur apprend la nouvelle ? La cour d'appel avait répondu que les héritiers du preneur devaient prévenir le propriétaire du décès pour que le délai commence à courir. La Cour de cassation a répondu que cela n'était pas nécessaire : le délai court dès la mort du preneur. Solution redoutable pour le propriétaire ! Un arrêt du 24 juin 2009 rappelle aussi le poids du délai de forclusion. Un propriétaire avait instauré une action en résiliation contre l'un des ayants droit du preneur décédé au motif qu'il ne remplissait pas les conditions de participation à l'exploitation. Ses arguments semblaient très solides. Pourtant, il a perdu son procès, car le délai de six mois était expiré au jour de la saisie du tribunal…

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

RÉFÉRENCE :

Arrêt du 21 janvier 2009.

Arrêt du 24 juin 2009.

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