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Magazine - Terroir & tradition

Journées binette : Rabelaisiennes

Florence Bal - La vigne - n°223 - septembre 2010 - page 78

A Bourgueil, le truculent Pierre Caslot organise durant tout l'été des mercredis « binette ». Ses clients viennent désherber avec grand plaisir.
« Vous allez redynamiser votre rythme cardiaque, retendre vos zygomatiques et combattre l'arthrose », promet Pierre Caslot, du domaine de la Chevalerie, à Restigné (Indre-et-Loire).

« Vous allez redynamiser votre rythme cardiaque, retendre vos zygomatiques et combattre l'arthrose », promet Pierre Caslot, du domaine de la Chevalerie, à Restigné (Indre-et-Loire).

L'équipe de bineurs. Tout à droite Sarah et Jim Lander (veste rouge et imper kaki), un couple d'Anglais, sont venus pour la seconde fois, enchantés d'être « au cœur de la vie des gens ». Photos F. BAL

L'équipe de bineurs. Tout à droite Sarah et Jim Lander (veste rouge et imper kaki), un couple d'Anglais, sont venus pour la seconde fois, enchantés d'être « au cœur de la vie des gens ». Photos F. BAL

Jean-Marie Decomble, un voisin retraité qui ne rate aucun mercredi binette, a un sacré coup de main. Il laisse les pieds parfaitement propres.

Jean-Marie Decomble, un voisin retraité qui ne rate aucun mercredi binette, a un sacré coup de main. Il laisse les pieds parfaitement propres.

Pendant le repas de midi, Pierre Caslot et Pascal Lambert, un de ses amis viticulteur à Chinon (Indre-et-Loire), font goûter leurs vins aux travailleurs. Les blagues fusent. La bonne humeur règne. © F. BAL

Pendant le repas de midi, Pierre Caslot et Pascal Lambert, un de ses amis viticulteur à Chinon (Indre-et-Loire), font goûter leurs vins aux travailleurs. Les blagues fusent. La bonne humeur règne. © F. BAL

C'est un clin d'œil à une pratique disparue, un moyen de renforcer les liens avec les clients et un hommage à la tradition rabelaisienne. Depuis trois ans, tous les mercredis de l'été jusqu'à mi-août, le domaine de la Chevalerie, à Restigné (Indre-et-Loire) en appellation Bourgueil organise des journées « binette ».

« Ces journées offrent une succession de moments uniques, qui favorisent le bien-être et la détente. Elles constituent une étape fondamentale de la Bourgueillothérapie », lance avec humour Pierre Caslot. Ce truculent personnage, amateur de bons mots et de calembours tient le domaine de 39 hectares avec ses enfants, Stéphanie et Emmanuel.

Rillettes et chenin blanc avant de se mettre au travail

Pour participer, il suffit de venir avec son pique-nique et sa bonne humeur. Le domaine fournit les binettes et les flacons. L'accueil démarre à 8 h 30. Pierre Caslot reçoit ses visiteurs dans sa magnifique cave creusée au cœur d'une ancienne carrière de tuffeau. Tartines de rillettes et petit verre de chenin blanc vous plongent immédiatement dans le vif du sujet.

Pas de chance, ce mercredi-là, il pleut. « La pluie du matin n'arrête pas le pèlerin », rassure Pierre Caslot. Puis, il distribue les binettes et chacun se dirige vers la parcelle élue, située à quelques minutes à pied. « On peut travailler à la vitesse que l'on veut, pas de pression, “no stress”, clame-t-il après avoir expliqué la manœuvre. Il s'agit de désherber sur le rang de vigne. Lancez les bras en tenant la binette. Tirez, ramenez, travaillez les genoux, en souplesse : la bourgueillothérapie commence par une saine remise en forme physique. »

« S'il y a du liseron, arrachez-le à la main », poursuit-il joignant le geste à la parole.

Au passage, Pierre Caslot donne de petites leçons de viticulture. « Voilà des cabernet-franc plantés à 5 000 pieds/ha et qui ont cinquante ans. Là, ce pied desséché meurt de l'esca, le cancer de la vigne. Ici, voyez le virage de couleur des baies, c'est la véraison. »

Après deux petites heures de binage ponctuées par un intermède bachique, la petite troupe aura désherbé huit rangs de 250 m, soit un demi-hectare. Naturellement, la binette c'est du folklore. Le domaine est en enherbement naturel maîtrisé un rang sur deux et les rangs sont désherbés avec des interceps. Il est certifié en agriculture biologique depuis 2009. De retour à la cave, Pierre Caslot ne résiste pas au plaisir de servir « à l'aveugle » un vin blanc outrageusement assaisonné d'arôme d'orange, histoire de singer « l'avenir du marketing du vin ». « Pouaahh ! », réagissent les participants. Suit le repas. Les blagues fusent dans la détente et la bonne humeur. « Et flacons de circuler, gobelets de voler, brocs de tiner », comme écrivait Rabelais.

Les convives ont droit aux six cuvées du domaine et à quelques millésimes anciens : 1992, 1985 et même un 1971. Pascal Lambert un viticulteur de Chinon, ami de Pierre Caslot et bineur d'un jour, leur fait également goûter ses vins.

« On sent que les gens d'ici vivent encore ancrés dans leurs racines. C'est réconfortant », signalent Jean-Claude et Marie-Paule Pedenau, clients fidèles venus de Vannes. Sarah et Jim Lander, un couple d'anglais, emballé par leur première journée binette l'an dernier sont revenus. « Nous avons découvert des personnalités que jamais nous n'aurions pu rencontrer comme simples touristes. C'est une chance d'aller au cœur de la vie des gens », témoignent-ils. Un vrai voyage en Rabelaisie !

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