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VIN

CMC : à éviter sur vins rouges

Marine Balue - La vigne - n°224 - octobre 2010 - page 50

Ces additifs destinés à stabiliser les vins contre les précipitations de cristaux de tartre n'ont pas d'intérêt pour les vins rouges. Voici pourquoi.
DÉPÔT NATUREL DE TARTRE dans une cuve de vin rouge. Le traitement aux gommes de cellulose ne permet pas d'éviter la précipitation du tartre en bouteille dans les vins rouges. © C. WATIER

DÉPÔT NATUREL DE TARTRE dans une cuve de vin rouge. Le traitement aux gommes de cellulose ne permet pas d'éviter la précipitation du tartre en bouteille dans les vins rouges. © C. WATIER

En août 2009, la Commission européenne a élargi aux vins rouges l'usage de gommes de cellulose, ou CMC, pour la stabilisation tartrique. Cette décision a surpris beaucoup de monde. La profession ne l'avait pas demandée. De plus, peu d'essais avaient été réalisés pour vérifier leur efficacité sur ces vins. Depuis, l'Inra, l'ICV et l'IFV-Sicarex du Beaujolais ont lancé un programme pour combler cette lacune. Les résultats sont décevants.

1. Peu d'effet sur la stabilité tartrique

L'Inra a étudié l'effet d'une préparation commerciale de CMC sur six vins rouges du millésime 2009. Les vins, des assemblages de syrah, grenache et carignan, ont été vinifiés dans les chais expérimentaux de Pech Rouge. Deux vins étaient très instables vis-à-vis des précipitations tartriques, deux l'étaient moyennement et deux autres faiblement.

Après addition de 10 g/hl ou de 20 g/hl de CMC, le degré d'instabilité tartrique (DIT) de tous les vins a diminué de trois à six points. C'est très peu, comparé à ce que l'on observe d'habitude sur vin blanc. Après traitement à 10 g/hl, un seul vin, qui présentait une instabilité initiale faible, est devenu stable (son DIT est passé en dessous de 5 %). Le passage à 20 g/hl, soit le double de la dose autorisée, n'a que peu amélioré l'efficacité du traitement. Il n'a stabilisé que les deux vins faiblement instables au départ. De son côté, le groupe ICV a comparé l'effet de cinq préparations de CMC. Sur les dix-neuf vins traités en 2009, huit étaient des rouges de grenache, syrah, merlot ou cabernet, plus ou moins stables au niveau tartrique. « Les CMC, toutes marques confondues, n'ont stabilisé qu'environ 20 % des vins rouges, indique Lucile Pic, responsable expérimentations œnologiques à l'ICV. Contre 85 % des blancs et rosés de l'essai. » L'ICV a rallongé le temps de contact entre les CMC et le vin de 24 heures à 14 jours de traitement. Le résultat n'a pas été meilleur.

Enfin, l'IFV-Sicarex du Beaujolais a confirmé ces observations sur vins rouges de gamay en 2009. D'après le compte-rendu des travaux, « la stabilité tartrique n'a été obtenue que pour un essai sur trois », avec 10 g/hl de CMC.

2. Un impact négatif sur la couleur

Les chercheurs de l'Inra ont ensuite suivi l'évolution de la couleur des vins. Lorsqu'ils ont mis les vins pendant six jours à -4°C, leur intensité colorante a baissé de 14 à 35 %, selon les échantillons. La dose à 20 g/hl de CMC a accentué le phénomène. De plus, les chercheurs ont noté la présence d'un dépôt de matière colorante de taille variable, les vins n'étant alors plus limpides.

De son côté, l'ICV observe aussi une légère perte de couleur après les traitements aux CMC. « Il ne s'agit que de deux ou trois points d'intensité colorante, note Lucile Pic. Mais c'est quasiment la même perte sur tous les vins. Cela peut donc être préjudiciable sur des vins peu colorés à la base. »

3. Un trouble apparaît après traitement

L'Inra a constaté que la turbidité des vins augmente juste après le traitement aux CMC, phénomène qui s'accentue au cours du temps. Après six jours à - 4°C, un trouble plus ou moins important devient visible à l'œil nu. Gardés à température ambiante, les vins rouges se troublent aussi, mais plus légèrement qu'à basse température.

De même, à l'ICV, un passage des vins à 5°C pendant sept jours a engendré une hausse de la turbidité. « Le trouble est parfois important et il ne se résorbe pas toujours quand on remet le vin à 22°C, remarque Lucile Pic. L'utilisation de CMC est donc assez risquée sur vins rouges. »

Dans le Beaujolais, la Sicarex observe également des troubles très nets dans les vins après embouteillage, ce qu'elle attribue à l'interaction des CMC avec les polyphénols. Et de conclure : « Cela ne permet pas leur utilisation sur rouges. »

Intérêt prouvé sur les vins blancs

La stabilisation tartrique par les CMC a fait l'objet d'études bien plus nombreuses sur vins blancs tranquilles ou effervescents que sur rouges. La majorité des essais a mis en évidence l'intérêt de ces nouvelles substances. Elles stabilisent très bien les vins blancs, pour un coût très limité. Lors des essais menés en 2009, pour vérifier leur efficacité sur les rouges, le groupe ICV a également traité huit vins blancs de chardonnay ou sauvignon et trois rosés de grenache ou syrah, avec les mêmes CMC. Les résultats montrent que 10 g/hl suffisent à stabiliser les vins au niveau tartrique, quelle que soit la préparation commerciale. L'ICV remarque que ce traitement est efficace, même sur des vins dont le degré d'instabilité est élevé au départ (DIT proche de 20 %). Une nouvelle démonstration de l'intérêt des CMC pour les blancs et les rosés.

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