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VIN

Gommes de cellulose Mode d'emploi

MICHÈLE TRÉVOUX - La vigne - n°268 - octobre 2014 - page 54

Ces produits très bon marché ont simplifié la stabilisation tartrique des vins blancs et rosés. Cinq ans après leur mise en service, leurs règles d'utilisation sont bien établies.
SUR LES ROSÉS, le traitement est aussi efficace que sur les blancs. Ici l'embouteillage d'un crémant de Loire.  © C. WATIER

SUR LES ROSÉS, le traitement est aussi efficace que sur les blancs. Ici l'embouteillage d'un crémant de Loire. © C. WATIER

Autorisés en 2009 en Europe sur tous les vins secs, les CMC (carboxyéthylcellulose) ou gommes de cellulose ont révolutionné la stabilisation tartrique des vins blancs et rosés. « En deux ans, la majorité des producteurs les ont adoptées. Ces produits se sont imposés car ils sont efficaces et d'un coût très compétitif, 0,3 à 0,50 €/hl », constate François Davaux de l'IFV Sud-Ouest. « Les premières années, on a cru que c'était le produit miracle. Mais nous avons vu qu'il y avait des précautions à prendre pour s'assurer d'une bonne efficacité », tempère Lucile Pic, responsable des expérimentations oenologiques à l'ICV. Les voici.

1. Vérifiez la stabilité protéique

Prérequis indispensable à un traitement aux gommes de cellulose : les vins doivent être stabilisés vis-à-vis de la casse protéique. « Nous avons vu quelques vins se troubler après traitement. La plupart n'étaient pas exempts de protéines », indique Jean-Christophe Martin, oenologue consultant à l'ICV. Pour les mêmes raisons, il est également proscrit d'utiliser les CMC sur des vins préalablement traités au lysozyme.

2. Contrôlez l'instabilité tartrique

Le degré d'instabilité tartrique des vins avant traitement doit également être contrôlé. « Sur les vins très instables, nous avons eu des échecs, notamment sur des primeurs, confie Jean-Christophe Martin. Quelques cristaux de tartre sont apparus. Nous préconisons donc d'utiliser plutôt les gommes de cellulose à partir de janvier, après les premiers froids. » Selon l'ICV, l'ajout de 10 g/hl de gommes de cellulose - la dose maximale autorisée - à des vins dont le DIT (degré d'instabilité tartrique) est supérieur à 15 % ne garantit pas leur stabilité vis-à-vis des précipitations tartriques. Les Champenois émettent la même réserve. Michel Valade, responsable du service oenologie du CIVC, conseille d'utiliser les CMC uniquement sur des vins dont la température de saturation (Tsat) est inférieure à 19°C. Au-delà de ce seuil, mieux vaut attendre des températures hivernales ou effectuer d'abord un passage au froid.

3. Utilisez-les plutôt au tirage des vins de base

En Champagne, les essais ont également montré que c'est au tirage des effervescents que les CMC donnent le meilleur résultat. Le CIVC préconise de les ajouter en une seule fois à la dose de 10 g/hl, le jour du tirage ou la veille, et de s'assurer de leur parfaite homogénéisation dans le vin. Leur addition au dégorgement avec la liqueur d'expédition est également possible, mais il est alors impératif d'effectuer un test sur un échantillon que l'on placera au froid (-4°C pendant 48 heures). Si ce vin ne se trouble pas, on traite tout le lot.

4. Faites toujours un test sur les rosés

Sur les rosés, le traitement est aussi efficace que sur les blancs. Cependant, dans de rares cas, il peut troubler le vin. Par précaution, il est recommandé de réaliser un test avec un échantillon qu'on traite puis qu'on passe au froid (6 jours à -4°C). « Si on observe une précipitation de la matière colorante, il vaut mieux s'abstenir d'utiliser les CMC, recommande Stéphane La Guerche, du laboratoire Sarco, à Bordeaux. La précipitation de matière colorante entraîne souvent la cristallisation du tartre. »

5. Veillez à la bonne homogénéisation

Les gommes de cellulose existent sous différentes formes. Les granulés doivent être préparés au minimum la veille de leur utilisation, en les diluant dans dix à vingt fois leur volume d'eau tiède. Le produit obtenu est visqueux comme le sont les CMC vendues sous forme liquide, prêtes à l'emploi. Il convient donc de prendre des précautions pour les mélanger de manière parfaitement homogène au vin. Les ajouts peuvent être effectués avec une pompe doseuse lors d'un transfert de vin. Sur les vins tranquilles, l'incorporation doit être réalisée 48 heures minimum avant la filtration finale car il y a un risque de colmatage prématuré des cartouches de filtration. Après ce délai, le vin retrouve son équilibre colloïdal. Quant aux différentes préparations commerciales, elles semblent se valoir. L'ICV en a testé quatre sans trouver de différences quant aux performances ou aux effets secondaires. De son côté, le CIVC a travaillé avec les distributeurs locaux pour sélectionner les produits les plus efficaces et les plus pratiques. Le choix de la préparation se fera donc sur des critères de simplicité de la mise en oeuvre, laquelle dépend fortement de la viscosité du produit. L'interprofession champenoise note toutefois qu'il reste encore des écarts entre les lots d'un même fournisseur. Un point à améliorer.

Vins rouges : le traitement encore trop incertain

Dans la majorité des cas, l'ajout de CMC sur les vins rouges entraîne une instabilité de la matière colorante qui conduit à la formation d'un trouble pouvant dépasser 500 NTU. De plus, le traitement n'empêche pas les précipitations tartriques. L'ICV, après avoir testé différentes CMC sur deux millésimes, n'a réussi à stabiliser que 15 % des vins rouges. Le Groupe national stabilisation tartrique de FranceAgriMer a obtenu des résultats un peu meilleurs, en 2008-2011. « Les vins rouges présentant une instabilité tartrique faible ou moyenne sont stabilisés par ajout de gomme de cellulose dans 75 % des cas. Pour les instabilités les plus fortes, l'obtention de la stabilité tartrique est plus aléatoire avec au maximum 50 % de vins stabilisés. L'efficacité du traitement est proportionnelle à la dose d'inhibiteur utilisé. L'obtention de la stabilité des vins rouges est possible, mais en dépassant la dose maximale autorisée. Tous les vins ont pu être stabilisés avec 15 g/hl », précise François Davaux, de l'IFV Sud-Ouest, dans un article publié par la Revue française d'oenologie. Les recherches se poursuivent pour comprendre les interactions entre les CMC et les composés phénoliques des vins. « Si ça fonctionne dans certains cas, c'est que ce produit peut être efficace. Il faut préciser dans quelles conditions. L'objectif serait d'arriver à un test prédictif et juste à 100 % », indique Damien Monet, chargé de recherche à la station oenotechnique de Champagne. Dans une récente publication, l'American Journal of Grape and Wine Research avance l'hypothèse que ce trouble pourrait survenir quand les vins sont issus de raisins touchés par le mildiou. Des études sont programmées pour valider cette piste.

Le Point de vue de

BERTRAND CHÉREL, DIRECTEUR DE LA CAVE DE FLORENSAC (HÉRAULT)

« Nous n'avons jamais eu de souci »

« Nous avons commencé à tester les CMC sur le millésime 2011. Aujourd'hui, nous les utilisons sur l'ensemble de nos blancs et rosés que nous vendons conditionnés ou en vrac à l'export, prêts à la mise en bouteilles. Cela représente 4 500 hl. Au préalable, nous nous ssurons de la stabilité protéique de ces vins. Notre fournisseur de gommes contrôle le niveau d'instabilité tartrique de nos vins et vérifie la stabilité après le traitement. En 2012, ce test a révélé un risque de précipitation de matière colorante sur les rosés. Nous avons alors préféré utiliser l'acide métatartrique. L'ajout de gommes est un traitement que nous réalisons énéralement à partir de fin janvier, donc après les froids de l'hiver. Nous en employons 10 g/hl quelques jours avant la mise en bouteilles. Les vins ont été préalablement passés au filtre tangentiel et sont à nouveau filtrés sur membrane juste avant la mise. En respectant ce mode opératoire, nous n'avons jamais eu de souci. C'est un produit dont nous sommes très satisfaits : les CMC assurent une protection efficace et durable contre les précipitations tartriques pour un coût très raisonnable. Et nous n'avons constaté ni modification de la composition analytique des vins traités, ni impact sur la qualité organoleptique. »

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