Retour

imprimer l'article Imprimer

Magazine - Histoire

Max Léglise : Le père du vin bio

Florence Bal - La vigne - n°224 - octobre 2010 - page 83

Œnologue bourguignon réputé, il a contribué à la mise en place des pratiques œnologiques modernes, dont il a ensuite dénoncé les excès pour s'intéresser à la vinification biologique.
Max Léglise, photographié ici en 1964, estimait qu'il valait mieux exploiter les paramètres naturels du milieu, plutôt qu'utiliser massivement les produits de la pharmacopée œnologique. © LE BIEN PUBLIC

Max Léglise, photographié ici en 1964, estimait qu'il valait mieux exploiter les paramètres naturels du milieu, plutôt qu'utiliser massivement les produits de la pharmacopée œnologique. © LE BIEN PUBLIC

Max Léglise naît à Dijon (Côte-d'Or) le 6 juillet 1924. Après des études de médecine, il s'engage pour l'Indochine, dont il revient avec le grade de capitaine en 1949. C'est aussi l'année de son mariage. Mais sa femme lui impose une condition : qu'il quitte l'armée ! Par amour, Max Léglise, médecin militaire, change de vie. Et c'est ainsi qu'il deviendra un œnologue réputé.

Il reprend tout d'abord le chemin de l'école et prépare une licence d'œnologie, tout en travaillant à la station œnologique de l'Inra de Beaune (Côte-d'Or) qu'il dirigera de 1962 à 1984. « Loin d'être un scientifique cantonné dans son laboratoire, il était un homme de terrain, proche des vignerons, indique Jules Thourmeau, ancien ingénieur à l'Inao de Bourgogne. Il faisait autorité dans le vignoble. » « Si on l'appelait à minuit pour résoudre un problème, il y allait. Au fond, il aimait cela… », raconte son épouse, Jeanne Léglise.

Expert auprès des tribunaux, réputé pour sa droiture

Max Léglise contribue à la construction d'un réseau d'évaluation de la maturation en Côte-d'Or. Il participe activement à la mise en place des méthodes modernes d'analyse chimique du vin. Dégustateur émérite, il est l'un des initiateurs de l'analyse sensorielle, dont il définit les bases dans son superbe livre « Une initiation à la dégustation des grands vins », paru en 1976. Une pratique devenue courante.

En plus de ses travaux de chercheur et de conseiller, il donne des cours auprès des jeunes vignerons. Il collabore avec plusieurs vignobles étrangers : la Suisse, le Chianti, le Brésil, l'Espagne... Erudit, discret, gai et plein d'humour, « il ne s'imposait jamais, mais il ne fallait pas non plus lui raconter des sornettes », confie un vigneron qui l'a connu.

Expert auprès des tribunaux dans les litiges propres à la filière, il était réputé pour « sa droiture et son extrême rigueur ». Il n'acceptait pas de tricher.

Inquiet de l'invasion des méthodes industrielles

Très tôt, Max Léglise exprime sa différence face à une œnologie « intensive », « industrielle », « excessive », dont il dénonce l'emploi pour « les caves artisanales ». Il se montre « très inquiet (…) qu'elle envahisse aussi le secteur des premiers et des grands crus ». Il n'hésite pas à bousculer les idées reçues, au risque de déplaire. « Si le vin contient des facteurs d'oxydation qui nécessitent le sulfitage, il faut revoir les méthodes de culture, de vinification et de tenue de cave », affirmait l'œnologue.

De plus, il s'intéresse à la culture biologique et à la biodynamie. Ce qui ne plaît guère. En 1994, soit dix ans après son départ à la retraite, il publie « Les méthodes biologiques appliquées à la vinification et à l'œnologie ». Ce manuel de terrain, très accessible, est la réédition, dûment complétée, de son « Cours pratique d'œnologie de la station de Beaune », paru en 1966. Il y passe en revue tous les matériels et traitements œnologiques, discutant de leur intérêt. Il donne des solutions simples aux problèmes des vignerons, tout en écartant « la part inutile de la pharmacopée autorisée en œnologie ». Il ne retient que celles qui « gardent au vin son intégrité et sa pureté ». A titre d'exemple, il dit oui au filtre Kieselguhr et non à la gomme arabique.

Il insiste beaucoup sur les moyens d'éviter les sulfitages excessifs

« J'ai voulu combler un vide. Il n'y a rien de rétrograde dans cette attitude : les très importantes acquisitions scientifiques faites en œnologie depuis un siècle permettent (…) d'exploiter les paramètres naturels du milieu avec une précision que l'on n'a jamais connue antérieurement », explique-t-il dans son ouvrage.

Le Bourguignon insiste beaucoup sur les moyens d'éviter les sulfitages excessifs : il faut une hygiène de cave impeccable, un ouillage régulier, privilégier l'élevage sur lie, surveiller la température des caves, etc. Ce faisant explique-t-il, on utilisera le SO2 à bon escient et uniquement lorsque c'est nécessaire, sur des vendanges altérées, par exemple.

Max Léglise s'est éteint le 1er juillet 1996. Les vignerons redécouvrent aujourd'hui ses enseignements concernant le vin bio, un sujet au coeur de l'actualité. Lui qui voulait les transmettre aux générations futures, « afin qu'elles ne se perdent pas », l'apprendrait avec satisfaction.

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

SOURCES

« Les méthodes biologiques appliquées à la vinification et à l'œnologie », tomes I et II, Max Léglise, aux éditions Le courrier du livre.

« Une initiation à la dégustation des grands vins », Max Léglise, aux éditions Jeanne Laffitte.

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :