« C'est un trésor inestimable, s'enflamme Jean-Michel Boursiquot, enseignant chercheur à l'Inra de Montpellier, éminent spécialiste des cépages. Avec ces vignes splendides, monsieur Pédebernade est l'homme le plus riche du monde. » Nous sommes dans le Gers, à Sarragachies, dans l'aire de l'appellation Saint-Mont. A plus de 85 ans, René Pédebernade, viticulteur retraité, est l'heureux détenteur d'une parcelle d'à peine quarante ares, plantée avant la crise phylloxérique.
Le fruit d'une politique d'apurement des parcelles
« Ici, on a trouvé vingt cépages pyrénéo-atlantiques différents, dont sept tout à fait inconnus », continue Jean-Michel Boursiquot. Tous ont été sauvés grâce au groupement Plaimont, qui a financé la conservation de cette parcelle et de nombreuses autres. Dans les années 1970-1980, l'union Plaimont s'oriente vers la production du VDQS côtes-de-Saint-Mont. Cette politique de qualité impose la plantation de matériel certifié, ainsi que l'arrachage des hybrides. Jean-Paul Houbard, alors directeur technique, sillonne le vignoble pour « apurer des parcelles ». Il profite de ces expéditions « pour marquer des souches curieuses ou inconnues ».
En 1984, l'Inra de Bordeaux réalise les premières observations de ces cépages. A partir de 1999, l'Entav, l'Inra et l'IFV deviennent partenaires du projet. Durant deux ans, les chercheurs de cépages prospectent d'anciennes parcelles, dont celle de René Pédebernade. Ils recensent cinquante-cinq cépages, dont vingt-trois ne sont pas inscrits au catalogue.
Parmi les non-inscrits figurent onze cépages totalement inconnus dénommés Pédebernade n° 1 à 7 (pour les sept cépages trouvés sur la parcelle de ce viticulteur), Dubosc n° 1 et 2, arrat, cauzette, ainsi qu'une lambrusque véritable.
Puis, les chercheurs classent les cépages du Sud-Ouest en sept groupes selon leur proximité ampélographique ou génétique avec le courbu, le cabernet-franc, le camaraou noir, le gros manseng, le tannat, le petit verdot ou le cruchen blanc.
Ils tentent de reconstituer leur histoire. C'est une vraie saga avec ses mystères et ses secrets de famille. Exemples ? L'arrat ne montre aucune relation génétique avec un quelconque cépage de la région. Son origine est tout à fait mystérieuse. Autre cas se-tête : on ne sait toujours pas si le tannat est le père du manseng noir ou l'inverse. Imaginez un peu ! En revanche, on est sûr que le Pédebernade n° 6 est un fils du cabernet-franc, que le manseng noir appartient au groupe du tannat et non pas à celui du gros manseng. On sait que le miousat blanc, souvent complanté avec des cépages rouges, est en fait l'humagne blanche, un cépage autochtone suisse, peut-être arrivé dans la région avec les gardes suisses, qui sait !
En juin 2002, l'union Plaimont crée le conservatoire des cépages de Saint-Mont, regroupant 113 clones de 40 cépages différents sur 63 ares. A l'horizon 2016, elle espère obtenir l'inscription d'un clone de tannat, de fer servadou (le pinenc 33), de sauvignon et des plants inconnus Dubosc n° 1 et 2. Ainsi, en puisant dans les richesses du passé, l'union prépare son avenir