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VIGNE

Esquive doit faire ses preuves

Marie-Laëtitia Melliand - La vigne - n°228 - février 2011 - page 30

Homologué depuis fin 2009 contre l'eutypiose, Esquive WP suscite interrogations mais aussi espoirs, avec en ligne de mire, la lutte contre l'esca.
TAILLE ET TRAITEMENT simultanés. Esquive se pulvérise sur les plaies de taille à la dose de 4 kg/ha. Agrauxine qui commercialise le produit conseille une application annuelle. © AGRAUXINE

TAILLE ET TRAITEMENT simultanés. Esquive se pulvérise sur les plaies de taille à la dose de 4 kg/ha. Agrauxine qui commercialise le produit conseille une application annuelle. © AGRAUXINE

Esquive est le seul produit homologué contre une maladie du bois : l'eutypiose. Il se pulvérise sur les plaies de taille. Son principe actif est le champignon Trichoderma atroviride (souche I-1237), un antagoniste d'Eutypa lata. Il est fabriqué par la firme Agrauxine.

L'Inra de Bordeaux l'a testé sur des parcelles expérimentales, dans le cadre du processus d'homologation. Les résultats ont montré qu'après quatre ans de traitement des plaies de taille, ce produit a réduit de 60 à 80 % la présence d'Eutypa lata par rapport au témoin non traité.

Pour l'instant, les viticulteurs semblent prudents

Après une saison d'homologation, qu'en est-il sur le terrain ? Pour l'instant, les viticulteurs semblent prudents, utilisant Esquive en test sur de petites surfaces. Si très peu de professionnels sont réellement critiques vis-à-vis du produit, ils sont en revanche tous en attente de plus de recul sur les résultats à long terme. « Il faudra attendre cinq six ans pour affirmer que le produit est efficace, estime François Dal, conseiller viticole à la Sicavac (Sancerre). Il faudrait aussi assouplir ses conditions d'application trop contraignantes », précise-t-il. En effet, Agrauxine recommande d'appliquer le produit au maximum 48 heures après la taille, en périodes non pluvieuse et non gélive. Des conditions difficiles à respecter.

Plusieurs chambres d'agriculture participent à des essais avec la affirme, comme celle de Haute-Garonne qui réalise un suivi sur une parcelle de sauvignon âgée de 15 ans. « Après un an d'application du produit, nous ne constatons pas de différence significative. Il faut poursuivre l'essai plus de quatre ans pour se prononcer », reconnaît Elisabeth Carrère, conseillère viticole.

Esquive est autorisé en agriculture biologique. « Il va potentialiser le travail du viticulteur en amont et l'attention portée à sa vigne, estime Daniel Noël-Fournier, fondateur de Viti-Vinis-Bio. L'action des champignons antagonistes est comme une course contre la montre : elle est perdue d'avance si la maladie est trop installée, mais on peut éviter l'invasion sur les vignes jeunes ou peu atteintes ! » Pour lui, Esquive accroît les facultés de résistance de la vigne, à condition de bien raisonner la fertilisation et l'entretien des sols.

De son côté, Agrauxine poursuit ses recherches. Et, « nous évaluons l'efficacité du produit sur l'expression des symptômes de l'esca et du BDA, en vue d'obtenir une homologation sur ces maladies, car l'efficacité semble tout aussi prometteuse », confie Emmanuel Pajot, responsable R&D chez Agrauxine. Pour François Dal, c'est indispensable. Si Esquive n'est pas actif sur l'esca, il aura peu d'avenir, estime-t-il.

Le Point de vue de

Jean-Paul Balland, vigneron à Sancerre (Cher), sur 24 ha

« J'ai stabilisé les maladies du bois »

Jean-Paul Balland, vigneron à Sancerre (Cher), sur 24 ha

Jean-Paul Balland, vigneron à Sancerre (Cher), sur 24 ha

« J'ai entamé une réflexion sur la lutte contre les maladies du bois en 2007. En effet, 80 % de mon vignoble est planté avec du sauvignon, un cépage très sensible. J'ai donc couplé un changement de pratiques (taille moins sévère et moins tardive) à l'emploi d'Esquive WP. Le premier hiver, nous avons appliqué le produit à la pompe à dos. Puis, en 2008, j'ai utilisé un pulvérisateur avec panneaux récupérateurs. Mais le traitement était inefficace, car les jets n'atteignent pas les plaies les plus difficiles d'accès. Depuis 2009, je me sers d'une cuve avec vidage intégral de 200 l sur laquelle j'ai fixé quatre lances. L'application est alors très précise. Au début, je traitais dans les 24 heures après la taille, maintenant, je me donne dix jours. Cette souplesse est indispensable pour trouver des fenêtres de tir compatibles avec les préconisations : pas de gel, de brouillard ni de rosée…

Aujourd'hui, les maladies du bois se sont stabilisées sur mon domaine alors que les symptômes ne cessent d'augmenter chez mes collègues. J'estime le coût financier à 300 €/ha/an (moitié produit, moitié main dœuvre), soit le coût de replantation de 40 plants seulement. L'investissement est donc valable, sans compter que l'on évite le rajeunissement de la parcelle et la perte de récolte des premières années. »

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