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Autant le dire

“Mes réflexions sur le bio et les bio”

J.-F. L., vigneron en Bourgogne - La vigne - n°230 - avril 2011 - page 8

Voici mes réflexions en réponse à votre question du n° 228 sur le bio et les bios. Il me semble évident qu'une hausse des surfaces entraînera une concurrence inévitable, donc une baisse des prix. En dehors de cette évidence, voici mes autres réflexions. Je classe les bios en trois catégories

1. LES VRAIS BIOS pour qui leur engagement est un véritable sacerdoce. Leurs vins sont rustiques, mais bien typés dans leur terroir. Je respecte profondément ces vignerons-là.

2. LES JEUNES VIGNERONS BIO–ÉCOLOS qui s'engagent dans cette voie parce que c'est à la mode et que les subventions sont très attrayantes. J'ai peur pour leur avenir, car par expérience, j'ai constaté que lorsque les instances agricoles vous poussent dans un sens, on s'aperçoit quelques années plus tard qu'il fallait prendre le sens inverse pour rester performant.

3. LES BIOS MALINS qui utilisent ce label sur une partie de leur exploitation à des fins de marketing. Ils bénéficient ainsi d'une large couverture médiatique, de subventions, et à côté, ils ont une société de négoce qui n'a rien de bio. Cette situation irrite d'ailleurs la filière bio.

Pour ma part, j'ai cultivé bio pendant vingt ans. Ce mode de culture ne me permettait pas de m'agrandir. J'ai donc eu recours aux herbicides pour l'entretien des vignes sous le rang, car le prix de vente des vins ne suivait pas le coût de la main-d'œuvre. Actuellement, j'enherbe un rang sur deux et les autres rangs sont labourés. Quant aux produits de traitement, comme bon nombre de vignerons, je pratique à bon escient une lutte raisonnée.

En revanche, je suis affligé de l'attitude présomptueuse de certains bios qui déclarent « nous sommes dans le vrai ». Je suis très méfiant envers ceux qui affirment détenir la vérité. La plupart du temps, ils s'enferment dans leur idéologie, ils divisent la profession et ils nous conduisent dans le mur.

Il m'est arrivé de faire analyser des vins AB. Certains dépassaient 100 mg de S02 total et 30 mg de S02 libre, c'est-à-dire des doses bien supérieures à des cuvées traditionnelles non bios. Quand on sait que les consommateurs sont persuadés qu'en achetant bio, ils achètent un produit naturel, là, ils sont servis. Même si la culture de la vigne est bio, il semble inadmissible d'apposer le label bio avec une telle dose de S02. C'est une tromperie à l'égard des consommateurs. Mais là, rien n'est défini.

Et que dire de la saturation des sols en cuivre dans les vignes bios ? Dans quelques années, cette situation sera remise en cause.

On pourrait encore évoquer la biodynamie avec les tisanes d'orties, la bouse de corne, etc. Tout cela fait le bonheur des caméras. Mais en année pluvieuse, c'est une autre histoire ! Malheureusement, les médias ne parlent jamais des raisins atteints de mildiou ou d'oïdium.

La concentration des vins bios n'est due qu'aux faibles rendements générés par ce mode de culture. Pour les rouges, il faut prendre garde à ce type de vins, car nous en trouvons couramment en provenance du Nouveau Monde. Et là, les rendements ne sont pas de 20 à 30 hl/ha.

En conclusion : l'augmentation des surfaces en culture bio est un effet de mode qui entraînera inévitablement la baisse des prix des vins issus de ce mode de culture.

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