Une dérogation est-elle nécessaire ?
Oui. La durée maximale du travail est de 48 h par semaine et de 10 h par jour. Pour aller au-delà, il faut une dérogation qui s'applique durant une période définie. Dans la plupart des départements viticoles, un syndicat représentatif se charge de faire la demande, qui vaut ensuite pour tous les vignerons. Si ce n'est pas le cas dans votre département, vous devez faire une demande individuelle. Pour cela, il faut s'adresser au représentant départemental de la Direccte (Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi). Vous devez motiver votre demande en expliquant pourquoi l'allongement de la durée du travail de vos salariés est nécessaire.
Jusqu'à combien d'heures peut-on aller ?
La dérogation varie d'un département à l'autre, en fonction de l'étalement des vendanges et des besoins des entreprises. « Nous demandons 54 h par semaine pour les saisonniers et 60 h pour les permanents. Ils ont un rôle d'encadrement des équipes qui les amène à être présents plus longtemps sur l'exploitation », indique Marie-Caroline Garcin, juriste à la FDSEA du Rhône.
En Gironde, en 2010, la dérogation était de 60 h, avec la possibilité de monter à 72 h sur six jours consécutifs répartis sur deux semaines, en cas de nécessité. En Champagne, elle était de 60 h pour la cueillette et de 72 h pour le transport ainsi que pour la réception des raisins et des moûts, le pressurage et la vinification. « Il y a beaucoup de raisins à rentrer en huit à dix jours seulement et les pressoirs doivent tourner en continu, souvent jusqu'à 21 h ou 22 h », justifie François Marin, de la FRSEA de Champagne-Ardenne. La durée journalière du travail peut alors être portée à 12 h au lieu de 10 h.
En Anjou, la dérogation obtenue par la fédération viticole était de 55 h en 2010, avec la possibilité de monter à 60 h pendant trois semaines. En Languedoc-Roussillon, dans les caves coopératives, les directeurs pouvaient choisir entre cinq semaines à 60 h ou trois semaines à 66 h, en fonction de leur organisation du travail.
Le décompte des heures supplémentaires change-t-il ?
Non. Pour les saisonniers, la majoration du tarif horaire démarre à partir de la trente-sixième heure de la semaine. La même règle s'applique pour les permanents. Cependant, si ces derniers bénéficient d'une annualisation, des repos compensateurs peuvent être prévus pour ceux travaillant jusqu'à 39 h par semaine, le décompte des heures supplémentaires ne démarrant alors qu'à partir de la quarantième heure.
Et leur paiement ?
En principe, la majoration des heures supplémentaires est de 25 % pour les huit premières heures et de 50 % au-delà. La majoration de 50 % est aussi due pour le travail du dimanche et les heures de nuit, entre 21 h et 6 h. Cependant, la Direccte peut demander des majorations plus fortes. Cela arrive lorsque la dérogation porte le temps de travail hebdomadaire à 60 h ou 72 h (voir encadré). La Direccte peut aussi demander des compensations sous forme de repos supplémentaire.
Le jour de repos doit-il être le dimanche ?
Ce n'est pas obligatoire. Les salariés doivent avoir un jour de repos par semaine, mais celui-ci peut être fixé un autre jour que le dimanche. « En cas d'imprévu, qu'il s'agisse d'une panne de matériel ou d'une alerte météo, il est aussi possible de suspendre le jour de repos hebdomadaire. Il faut simplement en avertir au plus vite l'inspection du travail et prévoir un repos compensateur », précise José Robinet, le référent agricole à la Direccte de Champagne-Ardenne.
Lorsque les vendanges ne durent qu'une dizaine de jours, les saisonniers apprécient en général de ne pas faire de pause.
« Ils veulent finir le plus vite possible pour avoir le temps de rejoindre une autre exploitation qui récolte plus tard », constate Marie-Caroline Garcin.
Par ailleurs, un employeur n'est pas obligé d'accorder le même jour de repos à tous ses salariés, ce qui permet d'organiser un roulement. Une exploitation qui emploie plusieurs permanents peut donc décaler leurs jours de repos. Le vigneron peut ainsi compter sept jours sur sept sur la présence d'au moins l'un d'eux à ses côtés.
Quelles sont les sanctions en cas de dépassement ?
Les contrôles de l'inspection du travail portent en priorité sur le travail au noir. Mais l'inspecteur peut aussi consulter les fiches de paie des quatre années précédentes et vérifier si les horaires maximums ont bien été respectés au moment des vendanges. En cas de petit dépassement, il envoie le plus souvent une lettre d'avertissement qui rappelle les règles. Il peut aussi dresser un procès-verbal. L'infraction donne alors lieu à une amende de 750 euros par salarié en dépassement, qui sera doublée en cas de récidive. Elle peut aussi être complétée par des sanctions administratives. « Les réductions de cotisations sur les heures supplémentaires prévues dans la loi Tepa (1) sont subordonnées au respect de la durée réglementaire du travail », rappelle José Robinet.
(1) Loi du 21 août en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat.
Des dérogations plus difficiles à obtenir
Depuis 2009, les inspecteurs du travail qui contrôlent les exploitations agricoles ne dépendent plus du ministère de l'Agriculture mais de celui du Travail. Certains d'entre eux ne connaissent pas les particularités de l'agriculture. De plus, le ministère cherche à harmoniser les dérogations, en accordant qu'un maximum de 60 heures hebdomadaires, quel que soit le secteur d'activité. En raison de ce nouveau contexte, dans certaines régions, il faut négocier plus longuement et accepter de verser des contreparties aux salariés. « En 2010, la Direccte nous a demandé de prévoir une majoration supplémentaire de 25 % entre 36 et 48 h et de 50 % au-delà, complétée, à partir de 52 h, par un repos compensateur d'une heure pour chaque heure travaillée, explique Marie-France Chauvet, de la FDSEA de Gironde. Entre 52 h et 60 h, cela aurait porté le surcoût de l'heure à 150 % de l'heure supplémentaire normale ! Nous avons fait un recours ministériel et nous avons obtenu que ce repos compensateur soit ramené à un quart d'heure par heure travaillée au-delà de 49 h. » En Champagne, l'obtention de 72 h pour les postes en cuverie a été plus difficile en 2010. A compter de 2011, et après négociation entre le syndicat général des vignerons et les syndicats de salariés, des contreparties en repos seront intégrées à la convention collective.
Le Point de vue de
Robert Verger, vigneron à Saint-Lager (Rhône) sur 14 hectares
« Les heures supplémentaires motivent le personnel »
« Je vendange tout à la main. Comme la maturité est groupée, je dois tout cueillir en huit à dix jours, en remplissant complètement deux cuves par jour. Pour y arriver, j'embauche 25 personnes. Dans le Beaujolais, la journée de vendange dure le plus souvent 9 h. Je trouve que c'est un peu long, il ne faut pas épuiser les saisonniers ! Je leur propose de choisir entre 8 h et 8 h 30 par jour. Ils optent pour 8 h 30, car cela leur fait plus d'heures supplémentaires. Ils viennent pour gagner le plus d'argent possible. Je prévois quand même une journée de repos, en fonction de la météo et de l'avancement de la maturité. La dérogation sur la durée du travail hebdomadaire me permet de recruter un peu moins de monde et de loger pratiquement toute l'équipe. De cette façon, je suis sûr qu'ils seront à l'heure le matin. Pour les motiver, je travaille autant que possible avec eux. A la cave, j'ai deux permanents à mi-temps qui se relaient. Le premier fait le début de la semaine et le second la fin. La période critique, ce sont les deux derniers jours, quand il faut finir les encuvages tout en commençant les décuvages. Là, nous ne sommes pas trop de trois pour tout réaliser. »
Le Point de vue de
Daniel Macault, vigneron à Juigné-sur-Loire (Maine-et-Loire), sur 70 hectares
« Deux permanents se relaient à la cave avec moi »
« Je vendange à la machine, sauf dix hectares avec lesquels je produis des liquoreux en appellation Coteaux d'Aubance et sur lesquels je dois effectuer plusieurs tris. J'embauche une dizaine de vendangeurs qui tournent d'une exploitation à l'autre en fonction des besoins des uns et des autres. J'ai aussi trois salariés à temps plein. Les vendanges s'étalent entre six et huit semaines suivant les années et je n'ai pas besoin d'utiliser la dérogation sur les horaires. Que ce soit pour les saisonniers ou les permanents, j'arrive à rester en dessous de 48 h par semaine. Un des permanents conduit la machine à vendanger. Des saisonniers qui reviennent régulièrement se chargent du convoyage de la vendange. Les deux autres permanents se relaient à la cave. Le premier démarre la journée, le second la termine. Je peux ainsi faire 12 h en cave en étant toujours en binôme. Quand j'avais moins de surface et de permanents, c'était plus difficile de tenir les horaires. Aujourd'hui, mon organisation est bien calée. En fonction des parcelles qui arrivent à maturité, j'évalue la quantité de travail à la vigne et à la cave. Puis pour chaque poste, j'établis des horaires prévisionnels pour la semaine à venir, que j'ajuste ensuite au jour le jour si c'est nécessaire. Je ne prévois pas de cueillette le samedi, sauf si le temps presse, et je garde une demi-journée de marge pour faire face aux imprévus sans avoir à tout décaler. »