GUILLAUME ET FRÉDÉRIC MOCHEL décident ensemble des orientations de l'exploitation. Ils ont surtout planté du riesling dans l'Altenberg. Ils utilisent le porte-greffe 161-49. Sa vigueur est faible et il résiste au calcaire actif, très présent dans ce terroir. PHOTOS M. FAGGIANO
Guillaume Mochel est un passionné de riesling. En 2000, il en a planté 48 ares au sommet du grand cru Altenberg de Bergbieten, à une vingtaine de kilomètres à l'ouest de Strasbourg (Bas-Rhin). Pourtant, il n'a encore jamais revendiqué cette parcelle en Alsace grand cru. « Quand la vigne se sera calmée. D'ici à cinq ans. Peut-être », lâche le viticulteur. Il sait qu'il faut de la patience pour obtenir la matière première propre à élaborer les vins de garde fins et élégants qu'il recherche.
Le domaine Frédéric Mochel – du nom de son père – détient 5 ha de ce terroir argilo-marneux exposé au sud-est, considéré comme l'un des meilleurs d'Alsace. C'est un peu la fierté de Frédéric Mochel, l'un de ceux qui ont poussé au classement de ces 29 ha en grand cru. « Nous n'étions pas reconnus. En 1983, le classement nous a fait gagner en notoriété », se souvient-il.
« Deux vins font notre réputation »
Le domaine vinifie sept cépages, mais n'en a que trois dans l'Altenberg : muscat, riesling et gewurztraminer. « Les deux premiers font notre réputation. Je le vois à ce que les blogs disent de nous », constate Guillaume. Dans ce terroir, le vigneron vise entre 40 et 50 hl/ha. Il entretient les sols selon la vigueur de la vigne. Lorsqu'elle est faible, il laboure. Lorsqu'elle est moyenne, il enherbe un rang sur deux. Et dans les parcelles vigoureuses, il enherbe chaque rang. Il ne s'interdit pas les herbicides sur le rang. Si c'est nécessaire, il applique un insecticide depuis que la confusion sexuelle a été abandonnée par manque de consensus entre les viticulteurs. Mildiou et oïdium sont contrôlés uniquement avec du cuivre et du soufre. Lorsqu'il s'agit de traiter, Guillaume et son ouvrier interviennent chacun avec un pulvérisateur pour pouvoir protéger tout le domaine en une demi-journée.
A la vendange, les raisins sont poussés par une vis sans fin vers deux pressoirs de 25 et 50 hl installés à l'étage. Les jus rejoignent les cuves de débourbage par gravité.
Guillaume, 33 ans, a effectué des stages en Toscane, dans le Trentin (Italie) et en Nouvelle-Zélande avant de revenir sur l'exploitation comme aide familial en 1998. Il s'installe comme chef d'exploitation à la retraite de son père, en 2001, avec la volonté de « ne rien bouleverser ». C'est aussi l'année où il investit 500 000 euros dans un hall d'embouteillage spacieux et fonctionnel, au sol entièrement carrelé. Un luxe, vu le nombre de bouteilles tirées par an ? « Non. Un confort ! » rétorque-t-il.
En 2010, il rénove le caveau et ajoute un nouveau bureau pour 50 000 euros. En 2011, il remet 200 000 euros dans l'exploitation pour aménager une nouvelle cave destinée à vinifier de plus petits volumes afin d'augmenter le nombre de sélections parcellaires. « Travailler la qualité » a été le credo de Frédéric. Il demeure celui de Guillaume. Ce dernier a revu l'élaboration du crémant en 2009. Il a abandonné l'assemblage chardonnay, auxerrois, pinot noir et riesling au profit d'un 100 % chardonnay bénéficiant de vingt-quatre mois de vieillissement sur lattes au lieu de neuf auparavant. Il attend un gain de finesse pour cet effervescent qui figurera au tarif 2012. En attendant, il épuise le stock de son ancienne cuvée.
Le domaine vend ponctuellement du vrac. En 2010, il a cédé des vins de base de crémant. Il renouvellera l'opération en 2011 parce que la récolte s'annonce belle et qu'il « ne sert à rien de stocker par plaisir ». Pour le reste, Guillaume écoule ses bouteilles sans grande difficulté alors que, comme son père, il n'investit guère dans le commercial. Il se contente d'entretenir les relations avec les restaurateurs qui vendent ses vins, en déjeunant de temps à autre chez eux, et il adresse, avant Noël, son unique mailing de l'année à ses clients éloignés. « Le bouche-à-oreille a toujours fait merveille », explique l'Alsacien. C'est comme cela qu'un importateur italien est venu le voir. De même, un client anglais l'a démarché après avoir été conseillé par un collègue d'un autre vignoble. Les particuliers frappent régulièrement à la porte du caveau. La moitié d'entre eux habite le Bas-Rhin. Les parents de Guillaume les accueillent la plupart du temps. Ils leur expliquent la différence entre l'Alsace et l'Alsace grand cru proposé en moyenne 40 % plus cher. « Mes parents ne pourront pas continuer éternellement », admet Guillaume. La main-d'œuvre est son plus gros souci. Il prévoit d'embaucher une nouvelle personne pour les tâches administratives. Il n'a pas l'intention de s'agrandir. « Une fois qu'on a dépassé les 10-12 ha, on maîtrise moins les choses. Avec plus de personnel, la gestion du domaine change », prévient-il. Un pas qu'il ne veut pas franchir.
Et si c'était à refaire ? « Je me formerais davantage à la vente »
« J'ai beaucoup axé ma formation sur la conduite de la vigne et l'œnologie. J'ai effectué une seule formation pour adultes en commerce des vins et spiritueux. Elle m'a assez peu apporté. Or, une vraie formation commerciale me permettrait d'être plus efficace. Je suis persuadé que je pourrais écouler davantage de bouteilles. C'est vrai pour moi comme pour l'ensemble du vignoble alsacien. Mais la vente n'est pas ma tasse de thé. Je suis conscient que je dois me vendre, mais je n'ai pas le tempérament à cela. Mon idée est d'embaucher quelqu'un qui pourrait prendre la relève de mes parents au caveau. Mais cette personne, aussi parfaite soit-elle, aura toujours le handicap de ne pas être le viticulteur. Car c'est le viticulteur que mes clients veulent voir ! Lorsque je suis là, ils achètent plus facilement et emportent plus de bouteilles. »