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GÉRER - LA CHRONIQUE JURIDIQUE

Le preneur d'une emphytéose est libre de céder à qui il veut

Jacques Lachaud - La vigne - n°234 - septembre 2011 - page 68

Le bénéficiaire d'un bail à très long terme (ou emphytéose) jouit d'une totale liberté de cession de son droit. La Cour de cassation a jugé que si une clause du contrant restreint cette liberté, il ne peut alors pas s'agir d'un bail emphytéotique.

Le bail emphytéotique est un contrat spécifique réglementé par le code rural (articles L 451-1 et suivants). Parce qu'il confère des prérogatives exceptionnelles à celui qui en bénéficie, de nombreux litiges apparaissent sur le point de savoir si tel bail est ou n'est pas de nature emphytéotique.

Le « Lexique des termes juridiques » définit le bail emphytéotique comme « un bail de longue durée, pouvant atteindre 99 ans, portant sur un immeuble et conférant au preneur un droit réel ». Il faut préciser qu'on entend par droit réel un droit qui porte directement sur une chose. C'est ce qui explique qu'un bail emphytéotique est susceptible d'hypothèque ou de saisie. Précisons, pour être complet, qu'une hypothèque consentie sur un bail emphytéotique tombe en même temps que s'achève la durée conventionnelle du bail.

Le locataire peut utiliser le bien à son gré

Pour qu'un contrat de location puisse être reconnu comme emphytéotique, il faut qu'il ait une durée supérieure à dix-huit ans. Il faut aussi que le locataire ait la liberté totale de céder ou sous-louer le contrat dont il bénéficie. Le locataire doit encore avoir la faculté d'utiliser à son gré le bien, objet du bail. Ainsi, le propriétaire ne doit pas pouvoir imposer une destination au bien loué.

Le loyer doit être régulièrement réglé - comme tout loyer ! - mais le non-paiement à l'échéance ne peut faire l'objet d'une clause résolutoire. En clair, il ne suffit pas que le locataire soit en retard d'un loyer pour que le propriétaire puisse annuler l'emphytéose.

La résiliation doit être pratiquée en suivant les prescriptions de l'article L 451-5 du code rural. Cet article dispose qu'« à défaut de paiement de deux années consécutives, le bailleur est autorisé, après une sommation restée sans effet, à faire prononcer en justice la résolution de l'emphytéose. (...) Néanmoins, les tribunaux peuvent accorder un délai suivant les circonstances. » Il découle de cet article que la rédaction d'une clause résolutoire de plein droit dans le bail lui ferait perdre sa qualification d'emphytéotique.

Un arrêt de la Cour de cassation de 2009, prononcé à propos d'un bail portant sur l'utilisation commerciale de terres, est significatif de la manière dont la cour suprême qualifie un bail emphytéotique par rapport à un bail commercial.

Comme le bail emphytéotique est un acte authentique destiné à la publication aux hypothèques, le notaire, qui en est généralement le rédacteur, ne doit pas insérer une clause interdisant la cession ou la sous-location. L'erreur serait trop grave !

Dans notre affaire, le rédacteur du bail avait stipulé que « le preneur ne pourrait céder son bail sans l'autorisation du bailleur si ce n'est à son successeur dans son commerce ». En l'espèce, la cour d'appel avait jugé qu'il s'agissait bien d'un bail emphytéotique. Selon elle, la cession n'était pas interdite mais juste limitée au successeur dans le commerce. Il y avait donc une simple restriction au droit de cession et non une interdiction.

La cour suprême a censuré la façon de voir de la cour d'appel : « La cour d'appel avait constaté que le bail comportait une clause limitant la cession [dès lors] il ne pouvait qu'être rejetée l'existence d'un bail emphytéotique. » Elle confirme ainsi le critère fondamental selon lequel, pour qu'il y ait un bail emphytéotique, il faut que le locataire ait la liberté totale de céder ou sous-louer le contrat dont il bénéficie.

Une difficulté demeure : la jurisprudence du XXe siècle a retenu qu'une des caractéristiques du bail emphytéotique était la modicité du loyer. Au fil des années, il n'apparaît plus que le montant des loyers soit pris en considération.

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RÉFÉRENCE :

C. cass. 29/04/2011 N° 0810944

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