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ACTUS - POUR OU CONTRE

Faut-il assouplir la réglementation sur les produits alternatifs ?

Ingrid Proust - La vigne - n°235 - octobre 2011 - page 22

Le ministère de l'Agriculture durcit le ton sur les phosphites.

Certaines marques de phosphites, comme Semafort ou PK2, sont officiellement vendus en tant qu'engrais. Or, ces phosphites n'ont pas de propriétés fertilisantes et sont en réalité utilisés contre le mildiou. Les producteurs achètent ces produits alternatifs pour leur action fongicide et leur capacité de stimulation des défenses de la vigne. Pour le ministère de l'Agriculture, c'est une situation irrégulière. Tous les produits phytosanitaires doivent disposer d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour des usages bien précis.

Les phosphites n'ont en pas, sauf le fosétyl-Al. Le ministère a voulu mettre un coup d'arrêt à cette situation ambiguë. En juin, il a annoncé le retrait immédiat du marché des phosphites dépourvus d'AMM. En juillet, il a émis un second message, rappelant la réglementation et indiquant que « la détention des phosphites ne disposant pas d'une AMM en vue de leur vente pour un usage phytopharmaceutique constitue une infraction pouvant être sanctionnée ». Fabricants et revendeurs de ces produits se défendent en soulignant que l'obtention d'une AMM est longue et coûteuse. Faut-il assouplir la réglementation pour permettre à ces produits d'être autorisés en bonne et due forme ? Certains, comme la Coordination rurale, le demandent.

Le Point de vue de

CONTRE

« Non. Ces produits doivent prouver leur efficacité »

Jean-Charles Bocquet, directeur général de l'Union des industries de la protection des plantes

Jean-Charles Bocquet, directeur général de l'Union des industries de la protection des plantes

« La législation est très claire : aucun produit phytosanitaire ne peut être commercialisé sans avoir obtenu une autorisation de mise sur le marché (AMM). Or, des phosphites sont vendus comme engrais, alors que leurs fabricants vantent leurs propriétés antimildiou. C'est contraire aux textes législatifs issus du Grenelle de l'environnement qui interdisent la publicité pour tout produit qui ne bénéficie pas d'une AMM. Nous n'avons rien contre les phosphites. Le fosétyl-Al, qui contient des phosphonates, a obtenu son AMM il y a plus de vingt ans ! Les phosphites et les produits alternatifs doivent faire de même et démontrer leur d'efficacité pour ne pas tromper le viticulteur. C'est vrai, la procédure peut être coûteuse ! Mais la sécurité de l'opérateur et de l'environnement n'a pas de prix. La réglementation n'a pas à être assouplie pour ce type de produits, mais elle peut s'adapter. Le nouveau règlement européen relatif à la mise sur le marché des produits phytos prévoit une catégorie de substances actives à faibles risques, avec des exigences simplifiées. Dès lors, la procédure d'autorisation pourrait être plus rapide. »

Le Point de vue de

POUR

« Oui. L'État doit nous aider à respecter le plan Écophyto »

Xavier Desouche, président de la section viticulture à la Coordination rurale

Xavier Desouche, président de la section viticulture à la Coordination rurale

« Les phosphites sont des biocides que l'on utilise depuis longtemps et qui nous permettent de limiter les doses de produits phytosanitaires.

Semafort, par exemple, est efficace en association avec le soufre en cas de pression modérée. En outre, il est peu coûteux. Les phosphites nous aident à diminuer l'utilisation des spécialités à base de fosétyl-Al. Ils sont donc essentiels dans le cadre du plan Écophyto. On nous prive de ces produits et du progrès qu'ils représentent sans nous proposer de solution de substitution. Le problème est d'autant plus épineux qu'ils sont autorisés ailleurs en Europe, en Allemagne par exemple. Où est la logique ? Nous vivons dans une Union européenne où les règles sont différentes d'un pays à un autre, ce qui génère des distorsions de concurrence. La réglementation doit donc changer. Il est nécessaire d'avoir une harmonisation des règles européennes s'appliquant à ces produits alternatifs. Nous avons demandé à l'État de considérer les phosphites à nouveau comme des fertilisants, éventuellement en imposant aux fabricants de modifier un peu leur composition, ou bien de les inscrire sur la liste positive européenne, comme produits phytosanitaires. Dans ce dossier, l'État doit prendre ses responsabilités et se substituer aux intérêts privés. Car nous savons tous que si ces produits alternatifs n'ont pas été homologués en tant que phytos, c'est parce que leurs fabricants ne peuvent pas financer la procédure d'homologation, qui est très lourde en France, au contraire d'autres pays. »

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