POUR RÉDUIRE LES COÛTS de production, Annie Charmensat a mécanisé tout son vignoble hormis cette superbe parcelle de 1,2 hectare de gamay plantée à 10 000 pieds/ha et conduite sur échalas. Afin de mieux la valoriser, elle envisage d'élaborer une cuvée haut de gamme qui serait vendue entre 9 et 12 euros. Ici, la viticultrice effectue un contrôle de maturité avant les vendanges. PHOTOS F. BAL
« Avec la récolte 2011, on entre dans la cour des grands. » À Boudes, dans le Puy-de-Dôme, Annie Charmensat se réjouit de l'événement de l'année pour le microcosme viticole auvergnat : « La reconnaissance de l'appellation d'origine contrôlée Côtes d'Auvergne et de cinq crus dont le Côtes d'Auvergne-Boudes. Cela consacre tous nos efforts menés depuis vingt ans », confie la viticultrice.
Lorsqu'Annie s'installe en 1999, elle reprend un domaine de 8,5 hectares qui tourne bien, vendant toute sa production en direct, soit 46 000 bouteilles. « C'était facile : l'outil de production et la clientèle existaient. Il n'y avait pas énormément d'investissements à réaliser », indique-t-elle.
Ses parents, André et Marie-Claude, ont construit un chai en 1992. En 1997, dans la perspective de la reprise, ils l'ont agrandi et complété par une salle de stockage, un vaste caveau et un bureau. De même, ils ont planté 35 ares de chardonnay. 1999 est leur premier millésime en blanc. C'est également l'année de la création d'une deuxième cuvée de rouge appelée La Centenaire, 100 % gamay, élevée en fûts.
Baisser les coûts de production
L'objectif d'Annie ? Assurer la pérennité du domaine tout en augmentant la qualité des vins. Elle décide d'éliminer les vignes sur échalas pour installer un vignoble mécanisable afin de baisser les coûts de production. Le calcul est vite fait : « Il faut 20 heures par hectare pour relever une vigne palissée contre 80 heures pour une vigne sur échalas », explique-t-elle.
De 1999 à 2004, elle arrache et replante ainsi 2 hectares. L'ensemble est palissé avec cinq fils, le plus haut étant à 1,80 m. Elle enherbe le vignoble de manière à « éviter l'érosion et les ornières dans les fortes pentes, même si cela concurrence la vigne ». À partir de 2000, elle taille plus court et pratique un épamprage plus sévère, « en dégageant la souche, mais également le cœur du cep ».
Au chai, elle investit dans un égrappoir ainsi que dans un groupe d'embouteillage et d'étiquetage. De la plantation à la vente, elle « maîtrise tout ». En 2004, elle achète un pressoir pneumatique Diemme de 23 hl. « La qualité du vin de presse est bien meilleure », constate l'Auvergnate.
Mais en 2004, « au moment où les jeunes vignes commençaient à donner, la demande a baissé, se souvient-elle. En 2005, nous avons bridé le rendement à 42-45 hl/ha ».
Sur le plan commercial, elle prospecte de nouveaux clients pour réagir à la baisse des commandes des restaurateurs avec qui elle réalisait 25 % de ses ventes. Elle contracte un marché en direct avec un centre Leclerc de la région, « qui joue très bien le jeu des vins locaux ». Depuis son bureau, elle démarche une vingtaine de cavistes et restaurants parisiens au téléphone.
Elle en décroche deux. Elle crée aussi une journée portes ouvertes. Depuis, elle a lieu fin mai-début juin, sauf cette année… faute de vins.
En 2006, pour mieux valoriser sa production, elle crée un troisième vin rouge, nommé Autrefois, 100 % gamay. Elle investit dans une cuve tronconique en bois pour l'élever entre quatre et six mois. Elle lance ce vin au prix de 5,70 euros le col, soit 20 % plus cher que la cuvée générique. « Je fais toutefois attention à ne pas multiplier les cuvées, car nous ne pourrions plus fournir », souligne la viticultrice.
D'autant que les ruptures de stock en blanc et rosé sont systématiques. Et cette année, dès le mois d'octobre, le domaine n'aura plus de vins rouges non plus. Une conséquence de la petite récolte 2010 qui a plafonné à 27 hl/ha de moyenne. « Je dois rationner les cavistes et les restaurants qui n'apprécient pas », déplore-t-elle.
Résidant à Boudes, elle privilégie ce cru. Et cette année, pour faire la jonction, elle élaborera « des vins faciles à boire tôt, car ils seront mis en bouteilles dès le mois de janvier. Je ferai des remontages moins sévères et des macérations plus courtes ». Elle cible un rendement d'au moins 45 hl/ha pour cette année. Dans ce but, elle pense tailler « un peu plus long ».
En 2011, pour la première fois depuis quatre ans, elle augmente les tarifs de 30 centimes par col. Mais ses prix restent bas, entre 5,50 et 6,50 euros. L'obtention de l'AOC permettra-t-elle de vendre plus cher ? C'est à voir.
« L'idéal serait de mieux valoriser nos produits et surtout notre travail dans la vieille vigne sur échalas », conclut Annie. Elle réfléchit à élaborer « une cuvée vinifiée différemment, un vin haut de gamme produit à 2000 bouteilles et vendu entre 9 et 12 euros ». Une chose est sûre : avec ses magnifiques vieux murs de basalte, la parcelle de 1,2 hectare en petites terrasses a un beau potentiel en matière de communication. En faire une cuvée ? Le jeu en vaut la chandelle.
Et si c'était à refaire ? « Je planterais du blanc plus tôt »
« En 1997, nous avons planté 37 ares de blanc, du chardonnay. J'ai attendu 2008 pour installer 18 ares supplémentaires, à la densité de l'appellation de 4 500 pieds/ha. J'aurai dû le faire plus tôt, car je suis en rupture de stock tous les ans. Mais j'ai hésité car, avec le passage de VDQS en AOC, les blancs ne bénéficient plus de la mention du cru Boudes, en complément de l'appellation Côtes d'Auvergne. De même, j'aurais dû équiper les cuves de drapeaux afin de les refroidir bien avant 2009, mais j'avais déjà acheté le pressoir en 2004 et l'investissement était lourd. Autre point : je les aurais soudés au centre des cuves et non pas sur le côté pour un refroidissement plus homogène.
Enfin, pour amener la vendange aux cuves, j'emploie une vis sans fin. L'idéal aurait été d'installer un tapis convoyeur pour conserver la vendange entière, mais compte tenu de la configuration de la cave, cela suppose de gros travaux. »