Tous les matins, la vigneronne œuvre en cuisine pendant que son époux encadre l'équipe de vendangeurs dans les vignes.
« L'an passé, j'ai pris trois kilos ! » confesse Pauline, une étudiante originaire de la Loire. C'est la seconde année qu'elle vendange au domaine de la Guicharde, à Mondragon, dans le Vaucluse. Comme le reste de l'équipe de cueilleurs, elle ne boude pas son plaisir. « Voyez-vous, il m'importe que ces petites mains précieuses soient gourmandes au domaine et dans nos vignes », indique Isabelle Gichard, la maîtresse des lieux. Comprenez : ici, le repas, c'est sacré ! Pour satisfaire ses vendangeurs, Isabelle Gichard ne compte pas son temps : elle passe sa matinée devant les fourneaux. À 12 h 15, la cloche sonne le ralliement sous les platanes de la propriété dans un décor de vieilles pierres et de volets rouges.
« On revient parce qu'on sait qu'on va se régaler »
« C'est plus qu'une pause, sourit Thomas, un jeune infographiste. On sait qu'on va se régaler. C'est pour cela que l'on revient ! » D'ailleurs, il rempile pour la sixième année au domaine. Dans son assiette, plus une miette du copieux chili con carne, le plat de résistance de cette troisième journée de vendanges. Le melon frais de l'entrée n'a pas non plus résisté à son coup de fourchette. C'est au tour du plateau de fromage, avec sa roue de brie géante qui passe gaiement de main en main. Au dessert, il y aura une salade de fruits frais. Puis un café et hop, ce sera l'heure de repartir ! À 13 h 15, les petites mains d'Isabelle reprendront le chemin des vignes. Ce soir, le dîner sera plus léger : soupes, charcuterie et fromages. Isabelle prépare ses menus à l'avance.
« Impossible d'improviser lorsqu'on doit nourrir une vingtaine de personnes midi et soir », confie-t-elle. La qualité dépend aussi du choix des ingrédients. Aussi, la cuisinière se fournit-elle auprès des producteurs locaux. Les fruits et légumes proviennent des maraîchers du village. La viande vient des boucheries de Sainte-Cécile-les-Vignes et Sérignan-du-Comtat, deux communes voisines. Les fromages de chèvre arrivent tout droit de la ferme qui se trouve à proximité du domaine.
« Au-delà de la nourriture, ce qui importe, c'est l'intention, affirme Frédéric, venu de Savoie. Ici, chaque repas pris ensemble devient un beau moment de partage. » Au diable les kilos ! De ces joyeux moments, la vigneronne a mitonné un livret de cuisine : « Des recettes pour des vendangeurs… ou vos copains ! Chaque année, je les griffonne sur un bout de table, raconte-t-elle. Il y a toujours des vendangeurs qui me les réclament avant de repartir chez eux. Alors, j'ai eu l'idée de les réunir dans un carnet. »
Papeton d'aubergine et velouté cévenol
L'ouvrage renferme une vingtaine de recettes. « Simples, gaies, décomplexées, mais savoureuses », souligne Isabelle. Toutes peuvent se préparer la veille. Les ingrédients sont calculés pour 12 à 15 personnes. En feuilletant, on découvre des classiques de la cuisine provençale : le papeton d'aubergine et le coulis de tomate. Quelques pages plus loin, c'est l'incontournable blanquette de veau et son alter ego le petit salé aux lentilles. Les lasagnes sont aussi du recueil, ainsi que quelques spécialités maison, comme le velouté cévenol, le bœuf miroton et le couscous de fin de vendange. Ce jour-là, Isabelle cède son tablier à Hadoun et Fatima, qui sont réquisitionnés en cuisine.
Isabelle a adressé son livret à plusieurs éditeurs. « Pour l'instant, je n'ai pas eu de réponses positives », regrette-t-elle. Mais elle ne désespère pas. Pour améliorer la présentation, elle va faire appel à une amie illustratrice. En attendant, elle offre son ouvrage aux vendangeurs, ainsi qu'à ses clients au caveau et sur les salons.