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Jean-Claude Chaucesse et sa femme Laëtitia exploitent ce domaine à l'histoire peu banale à Renaison, dans la Loire. © D. BESSON
L'exploitation a conservé ce site où les fûts étaient chargés pour être transporté jusqu'à Paris Bercy en péniche.
Jean Chaucesse (1823-1900).
Jean Chaucesse, (1902-1971) le grand-père de Jean-Claude.
Claude Chaucesse (1864-1933).
Transmettre son exploitation de père en fils : chez les Chaucesse, c'est une très longue tradition familiale. « Mon père et mon grand-père savaient que notre exploitation était très ancienne. Mais c'est un de mes cousins qui s'est intéressé à l'arbre généalogique de la famille, voilà deux ans », expose Jean-Claude Chaucesse, qui exploite 7 hectares de vignes en côte-roannaise, à Renaison (Loire), avec sa femme Laëtitia.
Dans un premier temps, ce cousin remonte jusqu'en 1610. Il découvre que, jusqu'à cette date, l'exploitation a toujours été tenue par un aïeul, en ligne directe de Jean-Claude. L'exploitation a ainsi pu fêter ses 400 ans en 2010 lors d'un week-end portes ouvertes. Puis, au cours de nouvelles recherches, le cousin trouve la trace d'un dénommé Jean Chaucesse, né en 1580, cité par l'état civil comme « exploitant vigneron » sur la commune.
La messe au caveau
« La famille était sans doute déjà installée ici avant cette date, mais on ne peut pas le prouver, faute de documents, relate Jean-Claude Chaucesse avec une fierté mesurée. Ce qui est unique, c'est que la même famille exploite les mêmes lieux en ascendance directe depuis aussi longtemps : je représente la treizième génération. En France, à part quelques familles nobles, on ne doit pas être nombreux dans ce cas. En fait, la famille est sans doute née dans les murs où nous habitons. »
Certains de ses aïeux ont d'ailleurs tout fait pour transmettre leur patrimoine à un fils : son arrière-grand-père obtint le fils tant désiré après la naissance de onze filles ! C'est au XIXe siècle que le domaine atteint son apogée, sous l'impulsion d'Antoine Chaucesse, son arrière-arrière-grand-père, qui profite de l'intérêt du public parisien pour le côte-roannaise. « Le domaine comptait alors 12 hectares, le maximum qu'il ait atteint. Le vin partait par voie fluviale jusqu'à Bercy. Le quai de chargement des chars à bœufs qui emmenaient le vin existe toujours dans la propriété », indique Jean-Claude.
Évidemment, avec une telle longévité, l'exploitation a connu son lot d'anecdotes, comme celle qui lui vaut d'être dénommé domaine de la Paroisse. « Pendant la Révolution, les gens du village se réunissaient dans ce qui est aujourd'hui mon caveau pour suivre la messe », explique Jean-Claude. Authenticité garantie !
Modernisation
Au XXe siècle, l'appellation Côte Roannaise connaît des heures plus difficiles. Le grand-père de Jean-Claude Chaucesse abandonne la demeure familiale située sur une colline pour racheter une nouvelle maison en contrebas où il peut s'adonner à l'élevage, en plus de la vigne.
C'est à Jean-Claude Chaucesse que reviendra l'honneur de rebâtir la demeure et les bâtiments de l'exploitation originelle. « Mon père ne m'a pas mis la pression pour que je reprenne derrière lui : c'est venu naturellement, assure-t-il. J'ai fait un BTA au lycée viticole de Davayé (Saône-et-Loire), avant de m'installer en 1998. J'ai retapé une partie des murs, construits pas les générations successives et, surtout, j'ai modernisé l'exploitation. J'ai renouvelé la cuverie pour passer à l'inox, acheté du matériel d'embouteillage, changé le matériel de culture… L'idée, c'était aussi de créer un lieu de vente. En côte-roannaise, nous n'avons pas de négociants, nous faisons exclusivement des bouteilles dont la moitié sont vendues à la propriété. Depuis que nous sommes revenus ici, les ventes ont augmenté. »
Aujourd'hui, les 400 ans de sa propriété sont devenus un argument de vente. « Les gens sont demandeurs d'authenticité : 400 ans d'histoire, ça bluffe les clients ! s'exclame le viticulteur. Je fais figurer la mention “depuis 1610” sur mes étiquettes. Je vais d'ailleurs les changer pour inscrire 1580 à la place. Quant à ma cuvée prestige, élevée en fût de chêne pendant douze mois, elle s'appelle 1878, date de la plantation de la parcelle d'où est issu le vin, qui est aussi la plus vieille vigne du village de Renaison. »
Et l'avenir ? « Nous souhaitons mieux valoriser notre produit »
L'un des deux fils du couple Chaucesse prendra-t-il la succession de son père pour incarner la quatorzième génération d'exploitants sur le domaine ? Rien n'est acquis. Et pour cause : Jean-Claude Chaucesse a 40 ans, son fils aîné 8 ans et demi et son cadet 5 ans. Seul indice de l'intérêt du petit dernier pour le travail de son père : il le suit partout ! Avant de penser à la transmission, Jean-Claude doit donc assurer la pérennité de son exploitation. « Nous souhaitons mieux valoriser notre produit, indique le viticulteur. Nous tentons de diversifier notre gamme en produisant du rosé et du blanc, avec du chardonnay, par exemple, et en produisant du vin de pays d'Urfé, commun à tous les vignobles de la Loire. » Pour développer sa clientèle de restaurateurs et de caviste, le couple se déplace fréquemment en région parisienne. « Mais il faut bien reconnaître que c'est tendu pour le côte-roannaise. » Avec ses 200 ha, l'AOC est un peu dans l'ombre du Beaujolais voisin. Et à Renaison, il ne reste plus que cinq exploitants. Deux ont quitté le métier ces deux dernières années, leurs parcelles ayant été reprises par les confrères. « Malgré son ancienneté, notre exploitation est restée à taille familiale. À deux, avec ma femme, nous vivons de nos 7 ha. Au-delà, il faudrait de l'aide pour exploiter nos vignes. Ce n'est pas possible économiquement », conclut Jean-Claude.
