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AU COEUR DU MÉTIER

Dans les Alpes-de-Haute-Provence, au domaine de Régusse « Nous avons augmenté nos prix de 30 % en sept ans »

Florence Bal - La vigne - n°237 - décembre 2011 - page 34

Après son rachat en 2003 par un groupe d'investisseurs, le domaine de Régusse a choisi de monter en qualité et en gamme. Pari réussi à force d'efforts dans le marketing, la conduite du vignoble et les vinifications.
PATRICE JÉRÔME, le directeur général, propose une cinquantaine de vins dans le caveau du domaine. Il a conçu une offre très large pour que le client « ait une sensation de vaste choix », indique-t-il. Cette gamme comprend même deux IGP primeurs en magnum – un blanc (viognier) et un rouge (merlot et syrah) – lancés, comme il se doit, le troisième jeudi d'octobre

PATRICE JÉRÔME, le directeur général, propose une cinquantaine de vins dans le caveau du domaine. Il a conçu une offre très large pour que le client « ait une sensation de vaste choix », indique-t-il. Cette gamme comprend même deux IGP primeurs en magnum – un blanc (viognier) et un rouge (merlot et syrah) – lancés, comme il se doit, le troisième jeudi d'octobre

YVAN JAUBERT, le maître de chai, met en route le système hydraulique qui commande le décuvage. Depuis ce tableau, il peut aussi enclencher les pompes de remontage dont chaque cuve est équipée. La capacité de cuverie s'élève à 27 000 hl dont vingt cuves autovidantes de 500 hl, utilisées pour les rouges et les rosés.

YVAN JAUBERT, le maître de chai, met en route le système hydraulique qui commande le décuvage. Depuis ce tableau, il peut aussi enclencher les pompes de remontage dont chaque cuve est équipée. La capacité de cuverie s'élève à 27 000 hl dont vingt cuves autovidantes de 500 hl, utilisées pour les rouges et les rosés.

MARC BURLE, tractoriste, Patrice Jérôme, directeur général, et Patrick Reynaud, chef de culture, dans les vignes du domaine de Régusse. Ils arrachent et restructurent au rythme de 5 ha par an.

MARC BURLE, tractoriste, Patrice Jérôme, directeur général, et Patrick Reynaud, chef de culture, dans les vignes du domaine de Régusse. Ils arrachent et restructurent au rythme de 5 ha par an.

« Des vins en phase avec vos envies. » Le slogan du domaine de Régusse, à Pierrevert, dans les Alpes-de-Haute-Provence, met l'eau à la bouche. « Notre offre est très diversifiée, souligne Patrice Jérôme, son directeur général. Un client trouve toujours des vins qui lui conviennent, c'est le but. »

Le domaine de 208 ha de vigne vend une cinquantaine de vins dans les trois couleurs en AOC Pierrevert et Lubéron et en IGP Alpes-de-Haute-Provence et Méditerranée. Il achète 6 000 hl de vins par an, soit un tiers de ses ventes. Le rosé se taille la part du lion : 60 % des ventes, dont 6 000 hl pour la cuvée phare « Le fruité de Régusse ». Il propose également des vins de cépages, des blancs élevés sur lie, un chardonnay effervescent, un moelleux, des vins primeurs, etc. Au total : 36 vins en bouteilles. Depuis son rachat en 2003 par un groupe d'investisseurs, le domaine vend moins, mais valorise mieux. « Nous avons arrêté les ventes en vrac au négoce qui constituaient 40 % des volumes, rapporte Patrice Jérôme. Nous avons décidé de nous défaire de notre image de “grosse cavalerie”. La première année, en 2004, nous avons multiplié la marge par 3,5. Depuis, nous avons augmenté nos prix de 4 % par an en moyenne, mais jamais sur les mêmes vins d'une année sur l'autre. » Soit une hausse de 30 % depuis 2004 !

Le domaine a porté ses efforts en priorité sur la catégorie de prix la plus demandée : les vins entre 5 et 8 euros la bouteille. Pour construire une notoriété, il a participé à des concours (général agricole et chardonnay du monde), gagné des médailles (entre dix et quinze par an) et décroché des articles de presse. Ses vins de pays et de cépages l'on fait connaître.

Un réseau de cavistes indépendants

En 2005, il fait appel à une agence de marketing pour un budget annuel de 35 000 euros. Elle refait toutes les étiquettes, trouve les slogans. « Nous avons remplacé la bouteille légère des premiers prix par la bordelaise pour les vins de cépages, la bordelaise stylus pour les vins médaillés et la bourguignonne super-lourde pour le haut de gamme. Nous avons lancé une bouteille givrée, une bleue qui marche très bien, des jéroboams, des magnums… », détaille Patrice Jérôme. L'agence gère également un budget de communication de 150 000 euros par an : envoi d'échantillons à la presse, pages de publicité dans les journaux… « Même de simples entrefilets dans les magazines aident à construire la notoriété. Les cavistes les mettent en avant dans leurs magasins. » Car la spécificité du domaine est de travailler avec un réseau de 19 cavistes indépendants, mais affiliés au domaine par une de franchise, « Les caves de Régusse », situés à 90 % en Provence. Ces caves réalisent 80 % de leur chiffre d'affaires avec des vins de Régusse. Depuis 2004, elles sont assurées de ne plus trouver ces vins en grande distribution sous la même étiquette. Elles « achètent nos produits sur la base d'un euro HT revendu 2 euros TTC », explique Patrice Jérôme.

Le domaine travaille aussi avec la grande distribution (7 à 8 %), à l'export (20 %) et fournit des négociants. Sur place, il gère un caveau qui vend tous ses vins et réalise un chiffre d'affaires de 300 000 euros.

La hausse des prix a été possible grâce à une importante remise à plat sur le plan technique. « Entre 2003 et 2005, nous avons retaillé les vignes correctement. Nous avons baissé les rendements à 70 hl/ha pour les vins de pays car, au-delà, ils sont dilués. En moyenne, nous sommes entre 57 et 60 hl/ha tous vins confondus, indique Patrice Jérôme. Nous avons embauché un maître de chai, investi dans deux pressoirs pneumatiques Bucher de 150 hl, renouvelé deux groupes de froid de 400 000 frigories et acheté un troisième groupe de froid mobile en 2005. » Les nouveaux propriétaires décident aussi d'élever les blancs sur lies fines et d'élaborer davantage de rouges ronds et fruités, en évitant de trop extraire et en pratiquant le microbullage sous marc pour la syrah et le grenache. Ils obtiennent les rosés par pressurage direct, à froid pour obtenir la couleur la plus pâle possible.

Tout est fait pour s'adapter aux consommateurs. Pourtant, l'analyse des cartes de fidélité montre une légère érosion de la clientèle. « Nos très bons clients ont plus de 60 ans. Or, ils reviennent moins souvent : 1,78 visite par mois en moyenne cette année au lieu de deux l'an dernier », commente Patrice Jérôme. Cela ne l'arrête surtout pas. En 2012, quatre nouvelles caves Régusse vont ouvrir à Nice (Alpes-Maritimes) et à Aix-Marseille (Bouches-du-Rhône), car « plus vous vous développez, mieux vous vendez », soutient-il.

Et si c'était à refaire ? « Nous n'irions pas en Bretagne »

« Le développement d'un réseau de cinq points de vente en Bretagne a été un échec. L'aventure avait démarré en 2006. En 2010, nous avons arrêté la gestion directe de ces magasins en ne conservant que deux cavistes affiliés. Mais l'expérience a coûté cher. Vouloir implanter une marque provençale dans cette région était une erreur, car les Bretons boivent surtout du bordeaux et de la bière. Second écueil : malgré l'achat de trois camions, nous n'étions pas capables de livrer facilement.

Par ailleurs, depuis 2003, nous avons tout misé sur l'outil de travail et le commerce. Or, dans l'avenir, il faudra s'orienter vers l'œnotourisme. Nous aurions dû aménager des bâtiments pour proposer des gîtes afin que les clients soient accueillis dans un espace de détente et de confort. Nous aurions dû réfléchir à l'instauration de séminaires cuisine et vin comme en Toscane (Italie). Car demain, il sera plus facile de vendre du vin de cette manière. »

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L'EXPLOITATION

Main-d'œuvre : 23 personnes.

Surface : 208 hectares de vigne.

AOC Pierrevert, AOC Lubéron, IGP Alpes-de-Haute-Provence, IGP Méditerranée et VSIG.

Cépages : plus de vingt, dont 177 ha de rouges et 65 ha de syrah.

Taille : cordon de royat et guyot.

Densité : 4 000 et 5 000 pieds/ha.

Production 2011 : 11 800 hl. Achat de vin : 6 000 hl.

Les ventes

750 000 bouteilles. Trente-six vins de 3,35 à 12,50 euros TTC prix départ propriété.

130 000 bibs de 5 et 10 l. Huit vins de 13,40 à 28,45 euros TTC, prix départ.

5 500 hl de petit vrac. Six vins de 1,44 à 2,32 €/l.

Les résultats

CA du domaine en 2010 : 3,6 millions d'euros. CA total en 2010 : 7 millions d'euros.

L'essentiel de l'offre

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